Les Inconnus, le retour : l’humour années 80 a-t-il bien vieilli ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le trio les Inconnus sort ce mercredi son nouveau film.
Le trio les Inconnus sort ce mercredi son nouveau film.
©Capture d'écran / actu ciné

Poilant

Mercredi 13 février sort "Les Trois frères, le retour". Le trio a réussi à garder les ressorts de leur humour, qui plaisait dans les années quatre-vingt-dix. Pourtant en deux décennies, l'humour a évolué vers des approches nouvelles.

Michel Fize

Michel Fize

Michel Fize est un sociologue, ancien chercheur au CNRS, écrivain, ancien conseiller régional d'Ile de France, ardent défenseur de la cause animale.

Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages dont La Démocratie familiale (Presses de la Renaissance, 1990), Le Livre noir de la jeunesse (Presses de la Renaissance, 2007), L'Individualisme démocratique (L'Oeuvre, 2010), Jeunesses à l'abandon (Mimésis, 2016), La Crise morale de la France et des Français (Mimésis, 2017). Son dernier livre : De l'abîme à l'espoir (Mimésis, 2021)

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Atlantico : Le trio les Inconnus sort ce mercredi son nouveau film, presque vingt ans après leur dernière apparition collective. Les critiques sont assez dures avec le film, reprochant au trio de n'avoir pas évolué. Quels sont les nouveaux thèmes qui sont apparus depuis vingt ans dans le domaine de l'humour ? Quelles places ont-ils prises ?

Michel Fize : Je me félicite que les Inconnus n'aient pas évolué, j'y verrais plutôt une qualité. Ils portent ainsi un humour qui traverse le temps et dont on peut penser qu'il va encore fonctionner. Pour ce qui a changé, on peut faire remonter une fracture non pas à vingt, mais à trente ans en arrière, avec l'après-Coluche, où l'humour a lentement glissé vers ce qui le caractérise aujourd'hui : la méchanceté. On a clairement un humour méchant, qui s'applique maintenant à viser des personnes précises. Coluche se moquait certes des Juifs, des Arabes, des Noirs, mais il le faisait en visant une collectivité. Ce qui a changé c'est l'humour sur une personne précise en raison de son appartenance religieuse ou de son origine géographique. Il n'y a donc pour moi rien de comparable entre d'un côté les Inconnus d'un côté, et un Dieudonné, un Stéphane Guillon ou un Gaspard Proust de l'autre qui sont foncièrement méchants. Les choses n'ont donc pas vraiment évolué au niveau des contenus. On est juste dans une approche plus primaire, moins élégante. Coluche exprimait l'humour des petites gens, mais sans la vulgarité que l'on peut voir aujourd'hui.

Les Inconnus formaient un trio comique bien identifié avec des textes écrits, alors que la tendance semble plutôt être actuellement au "one man show", voire au "stand-up" (spectacle en partie improvisé et basé sur la répartie). Comment expliquer cette évolution ?

On est dans le siècle de l'individualisme exacerbé, où seul le "moi" compte, et si possible sans les autres. Vous citez les Inconnus, mais on peut également citer avant encore Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, ou Jean Poiret et Michel Serrault, et ce que l'on appelait les "duos comiques". Il y a aujourd'hui ce désir de s'affranchir de l'autre et de réussir une carrière seul. J'y vois un peu de narcissisme. Les inconnus incarnent, eux, une certaine fraternité dans le jeu qui, à mon sens, a largement disparu aujourd'hui.

Malgré les évolutions du monde de l'humour, le retour du trio comique vedette des années quatre-vingt-dix est très attendu. Que nous apprend une telle anticipation pour un retour sur scène de ce trio, alors que les comiques n'ont pas manqué dans l'intervalle ?

Ils sont attendus d'abord parce qu'ils ont laissé un excellent souvenir. Or, comme nous sommes en panne d'imagination pour l'avenir, on se retourne avec nostalgie vers les valeurs sûres du passé. De plus, je pense que le gens ont envie de rire "simplement". Les Inconnus incarnent une certaine bonne humeur, un humour à la française. L'humour, c'est pour faire rire, pas pour se moquer. Or, on a l'impression que de plus en plus d'humoristes ne montent sur scène que pour attaquer, pour se moquer.

Les comiques comme les Inconnus faisaient souvent rire indépendamment du niveau social ou de l'âge (autant que faire se peut). On a aujourd'hui des humoristes visant clairement un public "jeune", "issu des quartiers" ou "féminin". Pourquoi cette segmentation croissante ?

Il y avait sans doute un humour plus universel, plus "social" au sens large du terme, qui se moquait des clivages. L'humour aujourd'hui sert sans doute un projet social qu'il n'avait pas auparavant, en assurant la défense d'une population dont, peut-être, on parle peu ou mal. On voit que des humoristes, comme Jamel Debbouze ont tendance à vouloir valoriser leur communauté d'origine.  On a donc le sentiment d'un humour plus engagé, plus politique. Est-ce bien ou mal ? C'est en tout cas un peu nouveau par rapport à Raymond Devos ou Fernand Raynaud qui, eux, s'adressaient à l'ensemble des Français.

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