Les greffes de moelle osseuse ouvrent-elles des perspectives sérieuses dans la lutte contre le Sida?<!-- --> | Atlantico.fr
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Aux États-Unis, deux patients atteints du virus du Sida ont été traités par greffe de moelle osseuse.
Aux États-Unis, deux patients atteints du virus du Sida ont été traités par greffe de moelle osseuse.
©Reuters

Nouvel espoir

Aux États-Unis, deux patients atteints du virus du Sida ont été traités par greffe de moelle osseuse. Le résultat est plus qu’encourageant puisque les patients ne présenteraient plus aucune trace du virus. De la réussite expérimentale à la révolution médicale, il n'y a qu'un pas.

Laurent  Hocqueloux

Laurent Hocqueloux

Laurent Hocqueloux est médecin, spécialiste des maladies infectieuses au CHR d'Orléans.

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Atlantico : En quoi consiste la greffe de moelle osseuse chez les patients atteints du virus du Sida ? 

Laurent Hocqueloux : C'est le même genre de greffe de moelle que celle que l'on peut être amené à faire chez des patients non infectés par le VIH (même indication, mêmes procédures) mais chez les patients VIH+, le donneur est choisi pour être, non seulement compatible, mais aussi porteur d'une anomalie génétique qui entraîne la mutation du récepteur du VIH.Ainsi la nouvelle moelle du patient est devenue résistante à l'infection VIH.

Peut-on réellement se réjouir de ces résultats ? 

Il faut attendre encore plusieurs mois, voire des années, avant d'être sûr que la guérison (éradication du virus) se confirme chez ces nouveaux patients. Si l'évolution est la même que pour le patient dit "de Berlin" alors on pourra dire que deux nouveaux patients ont été guéris de l'infection VIH. Je pense que c'est un message positif car cela montrerait que l'on a compris l'une des façons de guérir de l'infection du VIH, et cela durablement. Cela dit, ces greffes de moelle sont des traitements très lourds, coûteux, dangereux et qui ne peuvent en aucun cas être proposés comme un traitement du VIH seul. C'est seulement une façon élégante de régler deux problèmes (le cancer de la moelle et le VIH) avec le même traitement. De plus, il est très important de noter que les auteurs de ce travail soulignent bien que la réaction du greffon contre l'hôte, appelée "GVH" en abrégé (et qui signifie que la "nouvelle moelle" attaque les cellules du patient) est certainement une des raisons qui font que les cellules "réservoirs" du virus sont activement éliminées. Hors la GVH est une complication potentiellement grave de la greffe de moelle qu'on ne peut pas souhaiter à tous les patients ! N'oublions pas que le patient n°3, qui lui aussi n'avait plus de réservoir viral détectable (et donc était peut-être aussi guéri du VIH ?), est décédé.

Peut-on parler d’une réelle avancée pour les autres patients ?

Nous ne pouvons pas pas directement parler d'une réelle avancée compte tenu des arguments développés ci-dessus. Il n'y a aucune retombée directe pour les autres patients. C'est juste un modèle de guérison qui peut fonctionner, pas une piste unique à développer aux dépens des autres.

Pourra-t-on prochainement appliquer cette technique en France ?

Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire. Il faut juste en avoir l'occasion : un patient qui a une maladie grave nécessitant la greffe de moelle ainsi qu'une infection VIH+ et un donneur de moelle compatible présentant l'anomalie génétique en question (mutation delta 32 du CCR5). Les trois en même temps : ce n'est pas fréquent ! 

Outre les avancées apportées par la greffe de moelle osseuse, quels sont les autres moyens actuellement à notre disposition pour soigner les patients ?

Le moyen le plus radical et le plus simple est toujours de ne pas l'attraper : la prévention du VIH reste l'outil le plus efficace. Ensuite, pour les patients infectés, c'est le dépistage précoce ET le traitement précoce (classique, au moyen d'une trithérapie) qui offrent une chance de guérison "fonctionnelle" dans 5 à 15% des cas (cf. l'étude VISCONTI de notre équipe, étude qui est à l'origine d'une cohorte internationale lancée par l'ANRS pendant cette conférence). Mais la recette parfaite reste inconnue à ce jour : jusqu'à quand après l'infection aiguë cela fonctionne-t-il ? Combien de temps faut-il traiter ? Qui est susceptible d'arrêter ? Comment passer de 5-15% à 100% ? Tous ces aspects ne sont pas encore compris et restent dans le domaine de la recherche. Et donc aucune interruption de traitement ne doit actuellement être envisagée chez ces patients, hormis dans le cadre strict des essais cliniques. D'autres pistes sont en cours d'exploration : vaccins, molécules vidangeant le réservoir, médicaments renforçant l'immunité, modification des cellules du patient par des techniques génétiques pour les rendre résistantes à l'infection, etc. Les tentatives sont nombreuses et nécessitent une collaboration internationale.

Propos recueillis par Jennifer Sanchis.

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