Les grandes récessions laissent des traces durables sur le tissu économique : peut-on les minimiser ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les données montrent que les gouvernements réagissent en moyenne assez vigoureusement à une récession, enregistrant une augmentation du déficit budgétaire d'environ 3 % du PIB.
Les données montrent que les gouvernements réagissent en moyenne assez vigoureusement à une récession, enregistrant une augmentation du déficit budgétaire d'environ 3 % du PIB.
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Etude

C’est sur ces questions que se sont penchés des économistes lors d’un atelier au Collège de l’Europe.

Wouter Van der Wielen

Wouter Van der Wielen

Wouter van der Wielen est économiste au département économique de la Banque européenne d'investissement (BEI) et professeur invité à l'Université d'Anvers. Il est également affilié au département d'économie de la KU Leuven. Ses principaux domaines d'expertise sont la macroéconomie, l'économie du travail et la politique fiscale, avec un accent particulier sur l'évaluation des politiques. Ses recherches ont été publiées dans diverses revues universitaires.

Auparavant, il a travaillé comme analyste économique au Centre commun de recherche de la Commission européenne, où il était principalement responsable de la recherche visant à développer des modèles macro-budgétaires tenant compte des effets des réformes fiscales sur la production et l'emploi. Il est titulaire d'un doctorat en économie et d'un Master of Advanced Studies in Economics de la KU Leuven.

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Atlantico : Vous avez récemment publié un article intitulé "Scarring, hysteresis, and investment in Europe" (cicatrices, hystérésis et investissement en Europe). Qu'est-ce que vous appelez cicatrices ?

Wouter van der Wielen : Certains de nos travaux récents portent sur les "cicatrices économiques". La crise financière mondiale a ravivé un débat qui occupe les macroéconomistes et les décideurs politiques depuis des décennies : après une récession économique majeure, l'activité économique - mesurée par le produit intérieur brut (PIB) - ne retrouve pas sa trajectoire d'avant la crise. En d'autres termes, les grandes récessions semblent laisser des effets durables sur la production économique, ce que l'on appelle des cicatrices.

Quelle est l'ampleur des cicatrices laissées par les grands ralentissements économiques ?

Quantifier les effets de cicatrices des grands ralentissements économiques n'est pas un exercice simple car il n'existe pas de contrefactuel observable, c'est-à-dire que l'on n'observe pas ce qu'aurait été la situation sans le ralentissement économique. Néanmoins, un certain nombre d'études récentes ont tenté de mesurer le modèle pour les pays développés, notamment les travaux remarquables d'O. Blanchard et de L. H. Summers.

Notre travail suit une approche similaire. Ce faisant, nous confirmons la nature importante et significative des effets de cicatrices. Le déficit annuel moyen du PIB réel trois à sept ans après une récession économique majeure est inférieur d'environ 2 % au niveau qu'il aurait atteint si le choc économique ne s'était pas produit. En d'autres termes, environ 80 % de la perte initiale de revenus due à la récession s'avère durable.

Votre travail porte sur les raisons d'une telle inefficacité des politiques économiques. Quelles sont les politiques qui peuvent ou ne peuvent pas contribuer à atténuer les effets de ces cicatrices ?

Un grand nombre de politiques peuvent jouer un rôle. En outre, la réponse peut également dépendre du type de crise. Par exemple, les recherches montrent que les crises bancaires systémiques ont un effet durable et plus perturbateur sur la production.

Notre analyse porte sur le rôle de la politique budgétaire, en particulier de l'investissement, dans l'atténuation des cicatrices économiques. Nos résultats montrent que l'investissement public joue un rôle relativement faible, mais significatif, dans la limitation des effets à moyen terme, confirmant ainsi les estimations antérieures de la réaction de la production globale aux capitaux publics dans des périodes plus normales.

Quelles sont les explications les plus plausibles pour expliquer pourquoi il est si difficile de se remettre de récessions économiques aussi importantes ?

Les données montrent que les gouvernements réagissent en moyenne assez vigoureusement à une récession, enregistrant une augmentation du déficit budgétaire d'environ 3 % du PIB. L'essentiel de l'impulsion budgétaire provient du fonctionnement de ce que l'on appelle les stabilisateurs automatiques, c'est-à-dire les politiques publiques existantes qui s'ajustent automatiquement (par exemple, les recettes fiscales qui diminuent à la suite d'une réduction de l'assiette fiscale pendant une récession).

Cependant, nous observons également que la majeure partie de la politique discrétionnaire est centrée sur les dépenses courantes, tandis que l'investissement public reste globalement stable, voire diminue. Par conséquent, l'effet d'atténuation de la politique budgétaire sur la cicatrisation est limité dans ces cas, laissant les gouvernements avec une production plus faible, des déficits et une dette plus élevés. Nos résultats montrent également qu'une dette publique plus élevée tend à son tour à limiter la marge de manœuvre budgétaire en cas de nouvelles récessions.

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