Les dix commandements de l'homme politique : "des excès de la communication tu te garderas"<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ancien Premier ministre et l'ex-candidat à l'élection présidentielle, François Fillon, avant une interview sur TF1, le 26 janvier 2017.
L'ancien Premier ministre et l'ex-candidat à l'élection présidentielle, François Fillon, avant une interview sur TF1, le 26 janvier 2017.
©PIERRE CONSTANT / POOL / AFP

Bonnes feuilles

François Guillaume publie « Les dix commandements de l’homme politique » aux éditions du Cherche Midi. Que sont devenus les Français pour toujours plus rechigner à aller voter et, quand ils se déplacent jusqu'aux urnes, pour déclarer qu'ils ont retenu sans enthousiasme le bulletin du moins mauvais des candidats ? Que s'est-il donc passé ? Extrait 1/2.

François Guillaume

François Guillaume

François Guillaume a été notamment président de la FNSEA, ministre de l’Agriculture puis député européen et député de Meurthe-et-Moselle. Il est par ailleurs président fondateur du Parc naturel régional de Lorraine et président fondateur du Village du Livre de Fontenoy-la-Joûte.

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La télévision a le bel avantage de transformer la planète en un grand village dont chaque habitant est informé sur-le-champ de tout événement, fortuit ou programmé, qu’il suscite ou non son intérêt. L’information étant comme la grande musique qui s’apprécie à force de l’entendre, tout citoyen finit par s’intéresser au monde extérieur, si lointain soit-il, grâce à la petite lucarne dont les images attractives donnent de la chair aux faits présentés et laissent une trace plus durable dans nos mémoires. La politique en profite : l’homme devient plus citoyen. Il participe à la vie du pays avec un œil sur le monde, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur quand on fait appel à son intelligence et à son jugement, le pire quand la succession des faits divers le transforme en consommateur de nouvelles, choisies en fonction de leur charge émotionnelle. Qui n’a pas vu, bien calé dans son fauteuil, en direct comme s’il y était, la guerre d’Irak, les exécutions sommaires et publiques pratiquées par les talibans et Daech et, plus scandaleux encore, le dernier souffle d’un enfant mexicain dans la boue qui l’emprisonne, la petite fille vietnamienne brûlée au napalm et fuyant l’enfer. Dans quel but? Soigner l’audimat ou provoquer l’indignation? Un peu des deux sans doute ; mais dans l’équilibre recherché, la déontologie n’y trouve pas toujours son compte.

Le regard porté sur la politique par les médias et leur outil le plus efficace, la télévision, a pour premier mérite de populariser le débat démocratique, de donner la chance à tout électeur d’émettre des votes plus éclairés, de contribuer à la formation civique, de cerner de plus près la personnalité des candidats. L’impartialité n’est, certes, pas garantie, qu’il s’agisse de la façon d’apprécier les enjeux ou du jugement porté sur les personnes. Car, aujourd’hui, les frontières ne sont pas étanches, si toutefois elles l’ont jamais été, entre presse d’information et presse d’opinion, et nombreux sont les élus qui se plaignent du traitement que leur réservent les journalistes, volontiers iconoclastes, quand ils ne sont pas partisans. Les hommes publics sont souvent leur cible et les critiques employées pour les faire descendre de leur piédestal ne s’avèrent pas toujours honorables. Interprètes de la rumeur, instigateurs de suspicion et à l’extrême, coupables de diffamation, ils bénéficient cependant de beaucoup d’indulgence, pour cause de « fond de vérité supposé » de leurs attaques et parce que le Français moyen, volontiers critique, n’est pas fâché de leurs dénonciations personnalisées. Malgré ces excès, la contribution de la presse à la transparence de la vie publique est essentielle et ne saurait être contestée, la liberté de blâmer étant un attribut indispensable de la démocratie. Y contribue l’apport des réseaux sociaux qui offre au public une plage énorme d’informations d’origine confidentielle ou non dont l’usager peine à démêler le bon grain de l’ivraie. Par ses témoignages, ses demi-vérités, la toile est Le Canard enchaîné de tous les jours pour des consommateurs frappés d’addiction.

Sous le feu des critiques

De toutes les personnalités connues du grand public, l’homme politique est l’un des plus exposés au jugement de ses concitoyens. À les entendre, on se demande même comment le peuple souverain a pu choisir de tels représentants! Une étrange sévérité s’exerce sur leur action, leur assiduité et leur efficacité au Parlement, leur rémunération; elle ne demande qu’à s’alimenter des commérages en vogue. Elle contraste avec la mansuétude dont bénéficient les vedettes du spectacle ou du sport, qu’ils vivent ou non à l’étranger pour échapper au fisc. À ce titre, citons la polémique qui, chaque fois, suit l’annonce du relèvement de la rémunération du président de la République revalorisée en 2018 à 180 000 euros par an ; elle illustre le caractère abusif de la contestation de l’indemnité du détenteur des plus hautes responsabilités de l’État, alors qu’elle n’a rien de commun avec les cachets des artistes du show-business et se révèle trois fois moindre que le salaire moyen des footballeurs professionnels de Ligue 1 (et même 66 fois moindre que le mieux payé d’entre eux).

Cette particularité bien française contraste avec les pratiques de tous les pays industrialisés. Aux États-Unis, il faut d’abord être riche, ce qui là-bas n’est pas une tare, pour s’engager en politique, quitte à arrondir sa fortune après son mandat en profitant de la réputation acquise dans une éminente fonction. En Grande-Bretagne, en Espagne, en Belgique et dans d’autres pays européens, les familles royales en place sont confortablement dotées et personne, ou presque, n’y trouve à redire, alors que leurs missions sont essentiellement de représentation. Mais les mœurs d’ici sont tout autres; il faut en prendre son parti. Le soupçon naît généralement du défaut de transparence et les abus de quelques-uns jettent l’opprobre sur tous. Des règles claires, une éthique mieux affirmée, des sanctions lourdes en cas de défaillance rétabliront la confiance et mettront fin aux arrière-pensées; l’autorité des élus en sera confortée. Point n’est besoin de cadre législatif supplémentaire : ce ne sont pas les droits et obligations qui posent question, mais l’usage qu’on en fait. Une polémique est née, lors de la présidentielle de 2017, de l’emploi, par le candidat François Fillon, de son épouse au titre d’attachée parlementaire. Elle a permis de révéler qu’une centaine de députés avaient cédé à cette pratique sans participation évidente à leur travail à l’Assemblée de leur conjoint ou de leurs proches. Ce qui a conduit le Parlement à modifier son règlement pour interdire ces dérives, interdictions d’ores et déjà contournées par des échanges croisés de collaborateurs entre élus du genre :

«Officiellement, tu embauches mon épouse et moi, j’embauche la tienne. » La morale et l’éthique sont les seules parades à ces tentations; et la sanction électorale est la bonne réponse à ces écarts de conduite. Ce qui malheureusement n’est pas confirmé dans les faits: beaucoup de fautifs qui ont abusé de l’argent public, de l’usage des palais ou des faveurs de la République ont été reconduits dans leurs fonctions par leurs électeurs après leurs forfaits.

De l’exception que constituent les dérives existantes, il ne faut pas faire une généralité. Le désintéressement des élus de tout niveau apparaît la première motivation de leur engagement. La démocratie ne sortirait pas grandie d’une mise en cause globale de ses représentants telle qu’elle peut apparaître au peuple en filigrane des écrits et des images des médias. La transparence est la première réponse aux accusations formulées et le juge la seconde si elle s’avère nécessaire. Mais au-delà une règle de vie politique mettra l’homme public à l’aise avec sa conscience et en confiance avec ses administrés.

La communication à tout-va

L’abondance des informations diffusées sur les réseaux sociaux cache, on le sait, des réalités fort différentes: fondées, approximatives, tendancieuses ou calomnieuses, elles ont cette apparence de vérité que leur confère leur relative confidentialité. Appréciées pour leur parfum de scandale, elles confirment et confortent le soupçon du peuple sur la face cachée des mobiles du pouvoir et le double visage des puissants que la presse soit ne dénonce pas, soit s’y emploie de façon sélective, y perdant alors une partie de sa crédibilité (Mediapart). Néanmoins, ce type d’information accessible à tous est utile à condition d’en faire le tri.

Gouverner par Tweet est une autre dérive à laquelle s’était «abonné» Donald Trump pour gagner l’adhésion du peuple à ses projets avant d’affronter le Congrès américain qu’il a mis ainsi sous pression: une manipulation de l’opinion publique à l’ère de la numérisation. Quand ce n’était pas du chantage lorsqu’il décidait unilatéralement de transgresser les règles du commerce international, de renier la signature de l’Amérique au bas du traité sur le nucléaire iranien, de sanctionner les banques et les entreprises étrangères travaillant avec ou en Iran sous le bénéfice et l’excuse du principe d’exterritorialité.

Dans tous ces cas de figure, la liberté est atteinte et l’esprit critique est insuffisamment développé pour résister aux «propagandes » scientifiquement élaborées. Entre crédulité et scepticisme, la marge peut être étroite. Entre foi et nihilisme, la raison a parfois du mal à s’imposer. Pour s’éclairer de la respublica, le bon citoyen aimerait disposer d’un Reader’s Digest objectif des enjeux politiques, économiques, sociaux, diplomatiques de son pays: on ne lui propose que des rêves.

Même si le citoyen prend conscience qu’on lui fait prendre des vessies pour des lanternes, il subit le matraquage des informations sélectionnées par les médias pour améliorer leur audimat, quand ce n’est pas pour influencer politiquement le lecteur ou l’auditeur. Si on ajoute à cela les précautions du journaliste soucieux de ne pas déplaire à son patron et de ne pas déroger à la pensée unique, l’uniformisation du discours, servie par l’autocensure, n’est pas loin; et le lynchage médiatique des récalcitrants s’ensuit.

Extrait du livre de François Guillaume, « Les dix commandements de l’homme politique » aux éditions du Cherche Midi

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