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Les constructeurs automobiles font le grand plongeon vers le mouvement de la pleine conscience
©ADRIAN DENNIS / AFP

Bien-être au volant

Les constructeurs automobiles se préoccupent de plus en plus du bien-être et de la santé mentale des automobilistes. Quelles sont les constructeurs qui s'y intéressent le plus ? Quelles sont les principales évolutions proposées par certaines marques ?

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico.fr : Au-delà du confort physique, les constructeurs automobiles se préoccupent de plus en plus du bien-être et de la santé mentale des automobilistes. Comment ce type de préoccupation est-il apparu ? 

Jean-Pierre Corniou : Les constructeurs automobiles ont longtemps misé leur communication et leur marketing sur la puissance de leurs véhicules et sur le « plaisir de conduire ». Or la complexité croissante de la circulation automobile, due à la simple augmentation du parc automobile, et les limitations mises en œuvre par la puissance publique, partout dans le monde, pour réduire la congestion urbaine, les accidents, la pollution par les émissions de gaz et particules fines et, enfin, la lutte contre les émissions de CO2 ont strictement encadré l’usage de l’automobile. Les conducteurs qui, de fait, passent un temps croissant dans leur véhicule sont à la recherche de sensations différentes que celles procurées par la puissance et la vitesse pour rendre leur séjour dans leur véhicule à la fois sécurisant, déstressant et stimulant. Mais les clients sont également sensibles aux conséquences de l’usage de l’automobile sur les équilibres naturels. Le développement de la voiture électrique depuis une décennie apporte des réponses, encore incomplètes à l’utilisation de la voiture dans le respect de l’environnement.

Sécurité, respect de l’environnement, compacité et praticité sont des valeurs qui deviennent pour l’opinion, et pour les constructeurs, des éléments durables d’une intégration douce de l’automobile dans la société. Mais leur intégration réussie dans un véhicule est le résultat d’une équation complexe qui implique des arbitrages entre l’addition d’équipements techniques, leur utilité perçue et réelle et leur prix de revient.

L’habitacle du véhicule est de fait l’objet de nombreux travaux dont le but est à la fois d’en faire un facteur d’achat au moins aussi décisif que l’esthétique extérieure et la motorisation. De fait, il convient de ne pas traiter uniquement le poste de conduite et l’instrumentation. Il faut que les passagers soient aussi bien traités que le conducteur, les places arrière ayant été souvent sacrifiées sauf dans les berlines de luxe.

Le facteur qui a déclenché une vague d’innovations à l’intérieur du véhicule a été la généralisation du smartphone dans les années 2010. Les constructeurs se sont vus dépassés par l’abondance des applications apportées par le smartphone, avec un niveau de qualité et de diversité qui rend les applications fournies par les constructeurs souvent peu attractives et difficiles à faire évoluer. La réponse a été de connecter le système de bord avec ces applications, grâce à des environnements tels qu’Apple Car ou Android Auto puis de généraliser, notamment avec la Wi-Fi à bord, la connectivité avec tous les passagers. Le véhicule se transforme pour les passagers en lieu de spectacle et de jeu.

Mais la conduite en pleine sécurité demeure un objectif primordial pour les constructeurs. Il est reconnu que la perte d’attention, qui peut aller jusqu’à l’assoupissement du conducteur, est une source majeure d’accident. La somnolence et la fatigue sont les causes directes d’un accident mortel sur quatre sur le réseau autoroutier français. L’inattention, et notamment l’utilisation de smartphone représente 42% des causes d’accident sur autoroute des 18-34 ans en 2018. Les accidents dus à la fatigue se situent la nuit entre minuit et 6 heures du matin et en début d’après-midi, entre 14 et 16 h. Ces risques sont accrus par l’utilisation de médicaments, la prise de drogues ou d’alcool. La fatigue peut provoquer de micro-sommeils d’une durée d’une à quatre secondes, temps largement suffisant pour perdre le contrôle du véhicule.

Il faut donc maintenir le conducteur en état d’éveil actif en lui apportant de façon efficace et contextuelle la connaissance de tous les facteurs extérieurs qui peuvent jouer sur sa sécurité (trafic, météo, état de la route) mais aussi en s’assurant que son état de conscience lui permet de prendre au bon moment les décisions nécessaires.

En effet, la perte de contrôle qu’engendre la somnolence peut être prévenue car de nombreux symptômes accompagnent l‘affaiblissement de la vigilance : les bâillements fréquents, les clignements de paupières, le picotement des yeux, l’affaissement de la tête…


Quels éléments sont nécessaires pour créer chez l'utilisateur un sentiment de pleine conscience ? (Odeur? son? etc.)

L’habitacle d’une automobile a plusieurs fonctions, accueillir le conducteur, qui est le personnage principal du véhicule, et les passagers, de tous âges, dont les enfants, qu’il faut protéger et divertir. La principale fonction est bien d’assister le conducteur avec la mise à sa disposition de tous les éléments d’information lui permettant de prendre les décisions nécessaires à une conduite sûre. L’essentiel des travaux d’ergonomie a donc été dédié à la conception du poste de conduite qui a bénéficié de la loi de Moore en permettant de remplacer les fonctions mécaniques par des fonctions électroniques, moins coûteuses à assembler et à maintenir.  Mais l’ergonomie d’un véhicule ne peut être que le résultat d’un compromis entre les fonctions essentielles de conduite et de sécurité et toutes les autres fonctions qui se sont ajoutées au fil de années-modèles pour développer à bord un confort proche de celui que l’on a chez soi. Mais ces équipements ont un coût, prennent de la place dans la planche de bord, pèsent parfois lourd  et sont sources potentielles de panne. Par exemple, les sièges représentent 6% du poids d’un véhicule. Plus encore leur addition peut ajouter de la distraction pour les passagers et le conducteur et dissiper l’attention qui est le facteur principale de sécurité au volant.

Plusieurs facteurs contradictoires doivent être intégrés par les constructeurs. Le bien-être des passagers ne doit pas aller en effet à l’encontre de l’attention du conducteur tant que la responsabilité de la sécurité à bord sera de la seule responsabilité de celui qui le conduit. Beaucoup d’études sont menées par les constructeurs et les équipementiers sur l’aménagement idéal de la future voiture autonome qui libèrera les humains de la tâche de la conduite, plus souvent stressante qu’exaltante. Mais ceci renvoie à un futur encore très flou et probablement assez lointain pour ne pas être une préoccupation urgente de la décennie.  

Dans l’immédiat, l’habitacle automobile doit être fonctionnel, rassurant sans être émollient. Il faut apporter le confort thermique, sonore, visuel optimal sans faire oublier qu’une voiture est un élément qui se meut rapidement dans un environnement complexe et potentiellement dangereux. La perception de l’environnement est donc un facteur majeur dans la conception de l’habitacle. Filtrer les vibrations, renforcer le confort des sièges, insonoriser l’habitacle et intégrer un système audio de qualité ne doivent pas, pour autant, supprimer les sensations de contact avec la route qui contribuent à la prise de décision du conducteur. Plusieurs tentatives ont été faites pour introduire des sièges massants, des couleurs variables dans l’habitacle grâce à des réseaux de LED, et même des générateurs d’odeur. Il n’a pas été prouvé que cela permettait d’éviter l’assoupissement du conducteur.

En revanche, des outils de dernière génération, comme l’aide au maintien dans la voie, l’assistance au freinage d’urgence, le régulateur de vitesse intelligent contribuent à la vigilance du conducteur.  L’analyse des mouvements du visage ou des yeux permet de détecter une diminution de l’état de vigilance et d’avertir le conducteur, soit par un signal sonore, une vibration ou par un retour haptique dans le volant. Dotée de radar, ou de LiDAR, la voiture moderne est en mesure de détecter des objets fixes ou mobiles dans son environnement immédiat, non visibles pour le conducteur, et de l’avertir. Tous les travaux sur la voiture autonome permettent d’approfondir la connaissance de la conduite et de développer des capteurs et des logiciels permettant d’identifier tous les risques et de prendre els décisions nécessaires. Ces technologies, en se démocratisant, sont graduellement introduites dans les véhicules.


Quelles sont les constructeurs qui s'y intéressent le plus ?

L’ergonomie reste une science délicate et la recherche du compromis idéal entre l’agrément d’usage et la sécurité fait, selon les marques, l’objet d’arbitrages techniques et marketing  disputés.

On trouve chez les constructeurs premium, depuis plusieurs années, une série d’équipements qui contribuent au développement d’un nouveau type de confort et au renforcement de la sécurité. Mais ce positionnement élitiste est coûteux pour le client. BMW a introduit dès les années 90 une esthétique des planches de bord facilitant la tâche du conducteur par la conception des commandes et leur regroupement dans une console centrale orienté vers le conducteur. Mercedes a été également un précurseur, notamment dans son vaisseau amiral, la classe S, qui a introduit des écrans de qualité avec son i-cockpit. Tous les constructeurs ont, au cours des dix dernières années, enrichi leurs habitacles d’écrans divers, ajoutant souvent plus de complexité que de lisibilité, jusqu’à ce que la Model S, puis le Model 3 de Tesla imposent une esthétique radicale de simplicité avec un seul écran, imposant, et multifonctionnel.

Volvo, qui a été un des premiers constructeurs mondiaux à faire de la sécurité un de ses axes d’identité majeur, continue ses travaux pour se différencier. Renault a été, parmi les constructeurs généralistes, un précurseur avec son slogan « Les voitures à vivre » qui a marqué l’image de la marque pendant des années, entre 1984, avec la sortie de l’Espace, et 2000. Son retour dans la communication de ce début 2021 est plus que symbolique. Elle traduit pour la marque le souci de renouer avec ses racines humanistes en créant un lien entre la sophistication technologique de sa nouvelle gamme hybride et électrique E-Tech et sa responsabilité sociale. La complexification technologique d’une voiture moderne doit s’effacer devant sa compréhension immédiate par les conducteurs et les passagers et doit créer une valeur perceptible.

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