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Les combats d'hier et d'aujourd'hui
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Football féminin

La coupe du monde de football féminin débute cette semaine et est l'occasion de mettre en lumière une discipline de combattantes.

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez est entraîneur de tennis et préparateur physique. Il a coaché des sportifs de haut niveau en tennis. 
 
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S'il fut par le passé un objet de curiosité ou un sujet de railleries, le football féminin suscite aujourd'hui un engouement réel et s'installe progressivement dans le paysage. La Coupe du monde qui débutera cette semaine sera l'occasion de mettre en lumière une discipline qui su se relever de tout, en dépassant les archétypes, les préjugés et le sexisme dans ses expressions les plus primaires. Une discipline qui est à même, excusez du peu, de briser la plus grande des hégémonies sportives masculines et dont l'évolution a suivi de très près, comme une ombre portée, celle du droit des femmes.
Les footballeuses ne sont ni plus ni moins que des survivantes. Au fil de leur histoire, elles auront eu à lutter contre les a priori sociétaux les plus profondément ancrés. Pour gagner le droit de vivre (de) leur passion, il leur aura fallu mener une guerre de plus de cent ans contre une synthèse d'idées reçues et de clichés dont les expressions ont changé au fil du temps. Et rien ne leur aura été épargné, ni les insultes, ni les émeutes, ni les discriminations, ni les violences… Au gré des époques, les organismes sportifs censés les encadrer (mais gérés par des hommes), n'ont jamais manqué d'aplomb pour exprimer au grand jour leurs réticences. Il faut dire qu'ils ne manquaient pas non plus d'imagination et que tout était bon pour freiner l'expansion de la pratique. A la fin des années 20, en réaction à l'illusion de liberté connue pendant le grand conflit et aux avancées sociales permettant aux femmes d'accéder enfin à des métiers prestigieux, les faux prétextes les plus extravagants ont été avancés pour les torpiller. On expliquait alors à qui voulait l'entendre que le football féminin mettait en péril l'élégance féminine, portait atteinte aux bonnes mœurs ou allait jusqu'à menacer les capacités procréatrices de la femme. Puisque tout cela ne suffisait pas, ces gentils messieurs préconisèrent ensuite de tolérer la pratique... à condition que les femmes ne soient pas visibles (cachez ce ballon que je ne saurais voir !). Quelques années plus tard, ils ne pouvaient pas pousser le bouchon plus loin en supprimant d'abord toutes les subventions, puis en l'interdisant totalement (le football féminin étant déclaré illégal sous le gouvernement de Vichy). Vous vous doutez bien que lutter contre un dogme aussi puissant et séculaire qui voulait que le rôle de la femme se borne à être une mère cantonnée au domicile conjugal ne fut pas une mince affaire. Mais toutes les époques ont ceci en commun: les femmes apparaissent au plus fort des grands conflits sociaux ou lorsque les hommes sont en retrait. Et ce n'est pas un hasard si l'avènement de la grande équipe féminine du club de Reims est concomitante de la légalisation de la pilule contraceptive (1967) ou si l'explosion médiatique des Bleues a suivi le désastre de Knysna, (2010). En élargissant la focale, le constat est évident: le football féminin a toujours été l'un des porte-étendards d'une quête bien plus vaste, celle du féminisme, celle de la mixité, celle du combat pour le droit des femmes. Une cause qui a toujours eu la volonté de dépasser les clichés auxquels elle s'exposait et qui a toujours cultivé l'ambition de se hausser, chaque jour davantage, au niveau de l'homme. Une cause qui a lutté pour que ce qui passait pour un folklore joué par "des garçons manqués" soit reconnu comme un sport à part entière et qui a eu l'immense courage d'aller chercher l'hégémonie masculine sur son terrain de prédilection en refusant le diktat d'une société de type patriarcale et profondément misogyne.
De nos jours, malgré des succès probants et une réelle expansion de la discipline, le combat continue. Et l'ennemi est toujours aussi protéiforme. On ne se bat plus contre une morale insultée ou contre une vertu souillée, on se bat contre une "assignation de genre". Cette bête tapie dans l'ombre qui renforce les stéréotypes les plus sexués ou l'érotisation la plus vulgaire (Il semblerait que la valeur "étalon" n'ait jamais aussi mal porté son nom…). Avec pour conséquence un effet paradoxal: si par le passé le football féminin était invisible, il faudrait désormais exhiber son sex-appeal pour permettre l'intégration des femmes au cœur d'une pratique sportive masculine exaltant traditionnellement la notion de "virilité". Autre problème, les asymétries générées par le système actuel et les sérieuses limites qu'il engendre. C'est un fait, le championnat de France de football féminin est une des compétitions les plus déséquilibrées qui soient. Si certaines joueuses évoluant pour les poids lourds que sont Lyon et Paris commencent à vivre dignement de leur passion en raflant tous les titres, d'autres sont obligées de travailler à mi-temps pour ne pas gagner grand-chose à tous points de vue (avec tout ce que cela implique de quasi-certitude dans les résultats ou d'inégalité criantes de conditions d'entraînement). Enfin, au niveau fédéral, d'autres disparités subsistent et il va sans dire que les indemnités touchées par nos footballerines n'ont rien de comparable avec ce que gagnent leurs homologues masculins. Mais dans un monde dans lequel les œuvres d'arts créées par des femmes se vendent 47% moins cher que celles produites par des hommes, qu'y a-t-il d'étonnant ?
Qu'il soit imparfait, qu'il soit nié ou renié, qu'il plaise à certains ou déplaise à d'autres, le football féminin n'a désormais plus à se cacher ou à avoir honte d'exister. Sa crise de croissance est bien réelle… Et c'est tant mieux. Les chiffres l'attestent, il ne s'adresse plus à un cercle restreint d'initiés. Si la Fédération comptait 30 000 licenciées dans les années 2000, elle en recense aujourd'hui 180 000, soit 7% du total. La couverture médiatique est désormais appréciable, un Ballon d'Or féminin a été décerné et les audiences télévisuelles et les affluences dans les stades sont en constante progression. Signe des temps, certaines consultantes pointent même le bout de leur nez sur les plateaux de télévision. Au nom d'une compétence ? Au nom de la nécessaire visibilité d'une minorité ? Au nom d'une cosmétique esthétisante ? Chacun jugera. Les nouveaux enjeux ne sont pas des moindres et les prochaines ambitions porteront sur le fait de rendre accessibles aux femmes de toutes conditions les postes d'arbitres, de dirigeants, de coachs ou d'agents. En creux, il s'agira d'ouvrir la voie à un professionnalisme élargi pour une activité qui incarnait jusqu'à présent l'amateurisme le plus originel et donc de changer, transversalement, le regard que porte une société sur les femmes qui la composent. Véritable miroir du monde, le football féminin est donc le témoin vivant que les questions politiques et sociétales percutent souvent les problématiques de pure logique sportive. Il va sans dire que les bienfaits de son développement dépasseront de très loin le cadre vert de leur expression et que leurs impacts rejailliront sur l'entière économie du sport féminin. Il est heureux que l'activité sportive la plus populaire, emblème de l'universalisme, s'accorde et se conjugue, désormais, au féminin. 
Remerciements particuliers à Dominique Menager et Elisabeth Bougeard-Tournon pour leur disponibilité et leur aide précieuse.

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