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Les chiens ressentent-ils les mêmes émotions que les hommes ?
©Les chiens à l'exercice aussi ! Reuters Photographer / Reuters

Bonnes feuilles

Ce que votre chien veut que vous sachiez : Stanley Coren apporte ici des réponses concrètes, utiles et passionnantes, nourries à une pratique canine de plus de cinquante ans et vérifiées par les expériences scientifiques les plus récentes. Extrait de "Secrets de chien", publié chez La Petite Bibliothèque Payot (1/2).

Stanley Coren

Stanley Coren

Stanley Coren, professeur à l'université de British Columbia (Canada) et dresseur réputé, est spécialiste de psychologie canine.

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La plupart des propriétaires de chiens peuvent facilement dire si leur animal est heureux, en colère, effrayé ou déprimé juste en l’observant, comme si cela coulait de source. C’est pourquoi il est souvent difficile d’admettre que l’existence d’émotions chez les chiens a longtemps été (et l’est parfois encore) sujet à controverse parmi les scientifiques.

La croyance que les animaux n’ont pas d’émotions a différentes origines, dont la plus importante date sans doute des XVIe et XVIIe siècles, époque où les scientifiques découvraient que les êtres vivants étaient composés de systèmes répondant à des règles chimiques et mécaniques. C’est cette prise de conscience qui a conduitDescartes à considérer les chiens et les autres animaux comme de simples machines équipées d’équivalents biologiques des roues et des poulies. Unemachine qui ne pense pas mais peut être programmée pour effectuer certaines choses. Malebranche, s’inspirant des idées de Descartes, a décrit le concept d’animal-machine en ces termes : « Ils mangent sans plaisir, ils crient sans douleur, ils croissent sans le savoir, ils ne désirent rien, ne craignent rien, ils ne connaissent rien. »

Vous vous dites peut-être que de telles conclusions sont fausses puisque si l’on s’avise d’embêter un chien, celui-ci va inévitablement se mettre en colère, grogner, essayer demordre, ou encore avoir peur et s’enfuir. Les scientifiques de l’époque de Descartes et Malebranche, tout comme leurs successeurs, vous répondraient que le chien ne fait que jouer un rôle, sans ressentir d’émotions. Les chiens sont programmés pour réagir à unemenace en attaquant ou, si elle est trop forte, en fuyant. Vous pourriez rétorquer que si l’on assène un coup à un chien, il glapit de douleur et de peur, ce à quoi les chercheurs répondraient que si vous frappez un grille-pain, lui aussi émettra un bruit. S’agit-il d’un glapissement de peur de la partdugrille-pain ?Leur argument est que les chiens, comme les grille-pain, agissent sans ressentir.

La science a fait des progrès et aujourd’hui, nous savons que les chiens possèdent les mêmes structures cérébrales que nous. Lorsqu’ils ressentent une émotion, ils subissent les mêmes réactions chimiques et libèrent les mêmes hormones que les humains – y compris celle appelée « oxytocine » qui, chez nous, est liée à l’amour et à l’affection que l’on porte aux autres. Étant donné que les chiens partagent le même système nerveux et la même chimie que les hommes, il semble logique qu’ils ressentent des émotions similaires aux nôtres. Attention en revanche à ne pas aller trop loin en imaginant qu’ils ont exactement la même gamme d’émotions que nous.

Le meilleur moyen de comprendre les émotions du chien est d’effectuer des recherches sur l’homme. Tous n’éprouvent pas l’ensemble des émotions existant. Les enfants, par exemple, ont une palette d’émotions très limitée. Tout en grandissant, ils en développent peu à peu de nouvelles et une fois adultes, cette palette d’émotions est assez large. Comme nous le verrons plus tard dans ce livre, des recherches ont montré que l’esprit du chien est à peu près équivalent à celui d’un humain de deux à deux ans et demi. Un enfant de cet âge ressent bien sûr certaines émotions, mais pas toutes.

Le tableau qui suit rend compte du développement des émotions humaines pendant les premières années de la vie. À la naissance, un bébé humain ne ressent qu’une seule émotion que nous pourrions appeler l’excitation, qui indique son niveau d’éveil (de très calme à très énergique). Pendant les premières semaines, l’état d’excitation se teinte de positif ou de négatif, laissant émerger deux nouvelles émotions : le contentement et l’angoisse. Au bout de quelques mois, on commence à distinguer le dégoût, la peur et la colère. La joie n’apparaît généralement pas avant six mois, rapidement suivie par un début de timidité ou de suspicion. La véritable affection, celle que l’on peut qualifier d’amour, ne se développe complètement qu’autour du neuvième ou du dixième mois. Les émotions les plus complexes – nécessitant l’apprentissage de certains éléments – font leur apparition plus tard. Il faut attendre près de trois ans avant que l’enfant ressente de la honte ou de la fierté, et six mois de plus pour la culpabilité. Un enfant n’éprouve pas de mépris avant quatre ans.

Cet ordre de développement des émotions est un élément clé pour qui veut comprendre les émotions du chien. Le développement est beaucoup plus rapide chez les chiens puisque contrairement aux hommes, il leur faut entre quatre et six mois (selon les races) pour atteindre leur maturité émotionnelle. En revanche, les émotions qu’un chien pourra ressentir seront les mêmes que chez un enfant de deux ou deux ans et demi. Il ressentira donc les émotions de base – la joie, la peur, la colère, le dégoût et même l’amour – mais pas celles plus complexes comme la culpabilité, la fierté ou la honte.

Vous estimez peut-être avoir déjà été témoin de la culpabilité de votre chien, par exemple quand, en rentrant chez vous, votre animal s’éclipse furtivement, clairement mal à l’aise, et que vous tombez finalement sur le joli cadeau marron et odorant qu’il vous a laissé par terre dans la cuisine. Il serait naturel d’en conclure que votre chien se comporte comme s’il se sentait coupable de sa mauvaise action. Il s’agit pourtant simplement de peur. L’expérience lui a appris que lorsque vous retrouvez ses crottes par terre dans la maison, il passe un mauvais quart d’heure. Le comportement dont vous êtes témoin est juste la peur d’être puni : il ne se sentira jamais coupable.

N’ayez donc pas peur d’habiller votre chien avec un costume idiot pour aller à une fête. Il n’aura pas honte, même s’il a l’air tout à fait ridicule. De même, il ne ressentira aucune fierté s’il remporte le premier prix grâce à sa drôle de tenue. En revanche, il peut ressentir de l’amour pour vous et du contentement quand vous êtes ensemble.

Extrait de "Secrets de chien-Ce que votre chien veut que vous sachiez", de Stanley Coren,
publié chez La Petite Bibliothèque Payot, ©Editions Payot & Rivages, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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