Les catholiques, c’est pas automatique : le signe de la liberté guidant le peuple (de Dieu)<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Religion
Gerald Darmanin, Monseigneur Dominique Lebrun, archevêque de Rouen et Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence épiscopale de France lors d'une marche silencieuse à Saint-Etienne-du-Rouvray.
Gerald Darmanin, Monseigneur Dominique Lebrun, archevêque de Rouen et Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence épiscopale de France lors d'une marche silencieuse à Saint-Etienne-du-Rouvray.
©Sameer Al-DOUMY / AFP

Bonnes feuilles

Jean-Pierre Denis publie « Les catholiques, c’est pas automatique » aux éditions du Cerf. Que nous arrive-t-il ? Quel est le sens de cette pandémie ? Que reste-t-il de nos visions de la vie, du monde, de l'homme ? Et où est passé Dieu dans tout ça ? Répondant à son contemporain dépressif ou dubitatif, Jean-Pierre Denis lui oppose les leçons de la Bible. Extrait 2/2.

Jean-Pierre Denis

Jean-Pierre Denis

Après avoir dirigé la rédaction de La Vie, Jean-Pierre Denis a rejoint Bayard Presse pour créer de nouveaux médias. Intervenant régulièrement dans la presse, sur les ondes, les écrans et les réseaux sociaux, il est l'auteur de livres remarqués dont, récemment au Cerf, Un catholique s'est échappé.

Voir la bio »

Vous voulez prier ? On consulte le ministre de l’Intérieur, des cultes et du moment. «La prière n’a pas forcément besoin de lieu de rassemblement», prononce le Castaner. L’homme manifeste autant d’assurance qu’un théologien en Sorbonne trouvant les arguments qu’il faut pour que Jeanne d’Arc soit condamnée. Entre ses deux sorties chaudes en boîte de nuit, le grand théologien de la place Beauvau s’estime fondé à proclamer qu’un hobby tel que le culte divin se pratique tout aussi bien chez soi. Ayant très exactement cité ce qu’il dit en public, laissez-moi imaginer le même s’exprimant en privé : «Pour ce à quoi ça sert…» ricane-t-il en cabinet. Ses collaborateurs gloussent. Le ministre se sent fort avec les faibles.

Vous me direz qu’on n’entend plus beaucoup parler de ce ministre-là, renvoyé du gouvernement comme un serviteur inutile. Mais son successeur, un certain Darmalin, ou quelque chose comme ça, n’hésite pas à envisager d’envoyer la maréchaussée dans les églises, si jamais les cathos manifestaient un peu trop pour leur messe. Ou pire : s’ils priaient dans la rue, en public, crime suprême. «On essaye au maximum de faire de la pédagogie. Je ne pense pas que le rôle des policiers et des gendarmes est de verbaliser des gens qui sont devant des lieux de culte. Mais s’il faut le faire, on finira par le faire », déclare-t-il sur France Info. Non, je n’invente rien. La déclaration darmanesque, du même pastis que celle d’un Pasqua annonçant qu’il va « terroriser les terroristes », est authentique. Du reste, prenez ces noms et ces idées pour ce qu’ils et elles sont: parfaitement interchangeables, du caoutchouc officiel, de l’idéologie diluée, du cynisme enrobé de civisme, quelque part entre la macronerie doucereuse et la pensée Pécuchet.

À Lire Aussi

Les catholiques, c’est pas automatique : les signes de l’affaiblissement du christianisme au sein de notre société

Parlons sans détour. Les politiques de cet acabit ne sont pas les plus mauvais baromètres. On peut lire en eux comme dans les omoplates de cervidés chinois, ou pas plus mal. Ils indiquent toujours le sens du vent, aurait dit Edgar Faure, un républicain en marche du siècle dernier. Quand on en prend connaissance, on mesure à quel point le fossé s’est creusé entre la minorité des catholiques pratiquants et le reste de la société, croyants et chrétiens inclus, qui comprennent souvent mal, quand ils la tolèrent encore, la nature même de la faim eucharistique, surtout quand celle-ci est revendiquée. Dit-on « activité essentielle », ils répondent « futilité égoïste ». Immatériel ? Ils entendent « irrationnel ». Indispensable ? Ils répondent « irresponsable ». Sans doute, la majorité des gens, y compris des catholiques, n’arrivent plus à envisager que la nourriture sacramentelle puisse être un bien de première nécessité.

Mais voilà : pratiquer son culte fait partie du bloc de constitutionnalité. C’est une liberté fondamentale. Une composante du pacte républicain, corollaire indispensable de la séparation du culte et de l’État. Il est donc heureux que, lors du premier confinement, ou plus exactement à la sortie de celui-ci, des collectifs et des militants aient obtenu que le droit de culte soit rétabli. Lors du deuxième confinement, en essayant d’imposer son absurde jauge à 30 pékins, finalement invalidée par le Conseil d’État, le gouvernement français a semblé pousser certains vers la désobéissance civile. Des militants descendent alors dans la rue. Cette fois, n’en déplaise à Darmalin, c’est manifester qui est un droit. Et un droit est un droit, même pour les catholiques!

On doit défendre la messe comme on défend toutes les libertés publiques, sans céder le moindre pouce. «La liberté de la presse ne s’use que si on ne s’en sert pas», ai-je appris à l’âge de quinze ans en lisant le premier journal auquel je me sois abonné, qui n’était pas une revue paroissiale mais le bon vieux Canard Enchaîné. Il en est de même pour toutes les libertés. Et si l’anticléricalisme du Palmipède vous rebute, veuillez prendre note de sa version plus savante, sous la plume d’Emmanuel Levinas: «La liberté consiste à savoir que la liberté est en péril. »

– Encore un philosophe juif ?

– Ça vous gêne ? Pour votre peine, je vous lis la suite : «C’est cet ajournement perpétuel de l’heure de la trahison – infime différence entre l’homme et le non-homme – qui suppose le désintéressement de la bonté, le désir de l’absolument Autre…»

– Quel pédant vous faites!

– Très bien j’arrête ma lecture là. À dire vrai, Levinas, ça fait chic, mais ça vire vite obscur, il vaut mieux n’en citer que de petits bouts. Autant vous l’expliquer, d’ailleurs, avec mes propres mots. Ils seront plus prosaïques, mais certainement plus clairs: ce n’est pas parce qu’on tend chrétiennement l’autre joue quand on nous gifle qu’il faut se laisser crétinement marcher sur les pieds. Sinon, à force d’accepter qu’on vous piétine, on finit par vous rouler carrément dessus.

Les catholiques, c’est pas automatique.

A lire aussi : Les catholiques, c’est pas automatique : les signes de l’affaiblissement du christianisme au sein de notre société

Extrait du livre de Jean-Pierre Denis, « Les catholiques, c’est pas automatique ! », publié aux éditions du Cerf.

Lien vers la boutique : cliquez ICI et ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !