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Le UKIP est-il le FN britannique ? Pas si sûr...
©Vincent Kessler / Reuters

Bonnes feuilles

Le Brexit a claqué comme un coup de tonnerre dans une Europe qui ne soupçonnait pas le rejet dont elle pouvait faire l’objet. Pourtant, en 2014, à l’issue d’une campagne axée sur les « dangers » de l’immigration, le UK Independence Party et son tonitruant leader Nigel Farage avaient déjà fait parler d’eux. Deux ans plus tard, le UKIP a pu apparaître comme l’artisan majeur du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Révélant aux yeux du monde l’existence en Grande-Bretagne d’une fracture sociale, économique et géographique sans précédent. La première analyse sociologique et électorale en français, qui met en lumière les points communs et les différences avec les autres mouvements populistes européens, notamment le Front national. Car, qualifié d’« extrême droite en costume cravate », le UKIP, nouveau venu original dans un système politique qui mettait volontiers en avant sa modération, est désormais un élément clé de la vie démocratique du Royaume-Uni. Extrait de "Prendre le large - Le UKIP et le choix du Brexit" de Karine Tournier-Sol, publié aux Editions Vendémiaire (1/2).

Karine  Tournier-Sol

Karine Tournier-Sol

Karine Tournier-Sol est maître de conférences en civilisation britannique à l’Université de Toulon. Ses travaux portent sur les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Elle est spécialiste du UK Independence Party, sur lequel elle a publié de nombreux articles, en France comme à l’étranger.

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Les observateurs français de la vie politique britannique sont souvent tentés de comparer le UKIP au FN. Il est indéniable que les deux partis partagent un certain nombre de points communs. Comme le UKIP, le FN est un parti anti-establishment qui se pose en seule alternative véritable aux grands partis de gouvernement, présentés comme interchangeables et déconnectés du peuple. La rhétorique du FN est comparable à celle du UKIP et s’appuie sur un franc-parler et un appel au bon sens dont on a vu qu’ils étaient caractéristiques du discours popu- liste. Leurs plates-formes électorales respectives s’articulent autour du même triptyque Europe-immigration-rejet des élites. Cependant, il existe une différence majeure entre le UKIP et le FN : les deux partis ont des visions économiques diamétralement opposées. Après avoir prôné une forme de néolibéralisme économique dans les années 1980, le FN a opéré sous le leadership de Marine Le Pen un glissement progressif vers la gauche de l’axe économique jusqu’à une conversion au protectionnisme et à l’interventionnisme étatique61. Le UKIP, lui, défend un libéralisme économique qui reflète sa proximité avec le parti conservateur tant sur le plan idéologique que sur celui des acteurs. L’autre différence revendiquée par le UKIP tient au fait que le parti britannique rejette avec force le racisme associé à l’extrême droite dont est issu le FN. Les deux partis ne partagent pas le même héritage politique, puisque le UKIP se place dans la tradition eurosceptique britannique. Nigel Farage n’a ainsi jamais perdu une occasion de souligner cette différence fondamentale entre les deux formations politiques :

«Le Front national reste un parti fondamentalement axé sur la question de la race – l’Union européenne ne vient qu’en second. »

Le fait est que le lien entre Europe et immigration établi par les deux partis est le résultat d’un processus inverse : le UKIP a d’abord été un parti centré sur un seul et unique enjeu, l’Europe, avant d’y associer l’immigration. Le FN, lui, a fait exactement le contraire. Le UKIP refuse farouchement d’être assimilé au FN français, même modernisé. D’ailleurs, si Nigel Farage ne cache pas son admiration pour la personne de Marine Le Pen, il ne croit pas au processus de normalisation qu’elle a entrepris :

«Mon problème n’est pas, et n’a jamais été Marine [...] mais il n’en reste pas moins que l’antisémitisme est inscrit dans l’ADN du parti. [...] Elle n’arrivera jamais à réellement réformer le parti et à le débarrasser de son passé antisémite tant que son père sera vivant. »

C’est d’ailleurs pour cela que Nigel Farage avait décliné l’invitation de Marine Le Pen à former un groupe au Parlement européen lors des élections de 2014. Il ne veut pas être associé à «l’antisémitisme du FN» : « Je n’avais, et n’ai encore, aucune intention de la rejoindre.

Le UKIP avait donc formé son propre groupe parlementaire « Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) », aux côtés notamment du Mouvement cinq étoiles de l’Italien Beppe Grillo. Quelques mois plus tard, alors que la défection de l’un des membres du groupe avait menacé sa survie, l’ELDD intégrait dans ses rangs un eurodéputé polonais du Congrès de la Nouvelle droite, un parti d’extrême droite avec lequel Marine Le Pen elle-même avait refusé de s’associer. On comprendra que cet épisode ait ébranlé la crédibilité du UKIP et alimenté les accusations de racisme dont il fait régulièrement l’objet au Royaume-Uni.

Extrait de "Prendre le large - Le UKIP et le choix du Brexit" de Karine Tournier-Sol, publié aux Editions Vendémiaire

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