Le trouble jeu de l’Allemagne face à la Russie <!-- --> | Atlantico.fr
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Selon des informations de la rédaction de Bild, l’Allemagne a pris la décision de mettre son veto sur la vente d’armes à l’Ukraine.
Selon des informations de la rédaction de Bild, l’Allemagne a pris la décision de mettre son veto sur la vente d’armes à l’Ukraine.
©Alexander Zemlianichenko / POOL / AFP

Pro-Russes

L’étrange veto allemand à la vente d’armes à l’Ukraine, révélé par le magazine Bild, s’inscrit dans une succession de mesures politiques vis-à-vis de la Russie dont il est parfois difficile de comprendre la cohérence.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Comme révélé par le magazine Bild, l’Allemagne a pris la décision de mettre son veto sur la vente d’armes à l’Ukraine. Que penser de cette décision ?  En prenant de facto le parti russe dans cette affaire, quel est le message adressé par l’Allemagne ? À l’Europe et aux USA ?

Florent Parmentier : Cette décision de mettre un véto sur la vente d'armes peut questionner les partenaires de l'Allemagne, tant au sein de l'UE qu'au sein de l'OTAN. En effet, la Pologne ou les Pays baltes sont extrêmement inquiets des développements auxquels on assiste actuellement à la frontière de l'Ukraine, d'autant qu'ils seraient les premiers à accueillir des réfugiés si une attaque devait advenir. Mais cette décision devrait aussi rassurer ceux qui pense que toute provocation envers la Russie ne fait que nous précipiter vers un conflit en janvier / février. 

Cette décision ne peut qu'être très défavorablement accueillie par l'Ukraine et ses soutiens, dans la mesure où dans le même temps, Berlin a réussi à faire terminer la construction de Nord Stream 2, qui fait craindre à Kiev de ne plus gagner autant en tant que pays de transit gazier que par le passé.

Aux Etats-Unis, on assiste à une position officielle très ferme, évoquant des sanctions encore jamais prise vis-à-vis de la Russie. Est-ce pour afficher une fermeté avant de négocier ? C'est possible. Dans ce cas, la position allemande pourrait permettre de revenir à un cadre de négociation concernant l'architecture de sécurité européenne dans son ensemble. Si en revanche, cette médiation devait échouer, l'Allemagne sera accusée d'avoir encourager l'aggresseur plutôt que d'avoir contribué à une désescalade.

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Que ce soit à travers l’histoire du SPD et celle de l’ancien chancelier Schröder ou sous les mandats d’Angela Merkel. L’Allemagne semble jouer le chaud et le froid face à la Russie. Y a-t-il une cohérence dans les mesures prises vis-à-vis de Moscou ?

Les époques sont très différentes. Willy Brandt et Helmut Schmidt avaient vécu la Seconde Guerre mondiale, et connaissait la responsabilité particulière de l'Allemagne. Leur politique d'ouverture à l'Est s'inscrivait dans le cadre de la Détente. Helmut Kohl, le mentor d'Angela Merkel, a eu à gérer la réunification, autre moment essentiel de l'histoire de l'Allemagne. G. Schroeder a connu un pic avec le front Russie - Allemagne - France à l'opposé de la guerre en Irak de George W. Bush en 2003, et a ensuite fait une carrière dans les grandes entreprises russes. 

Angela Merkel était la première dirigeante née après la Seconde Guerre mondiale, et a su imprimer un certain pragmatisme, une défense des valeurs du libéralisme politique, un soutien constant aux milieux d'affaires, une volonté de dialogue avec la Russie dans la limite de son appartenance à l'UE et à l'OTAN. L'atlantisme d'Angela Merkel n'a jamais été démenti, de même que le rôle central de l'Allemagne au sein de l'Union européenne. Cela n'a pas empêché des décisions divergentes, à propos de l'inclusion de la Géorgie et de l'Ukraine dans le processus de rapprochement avec l'OTAN en 2008 (Sommet de Bucarest). La relation avec la Russie a été marquée par une distanciation prudente, plus accentuée après la guerre en Ukraine à compter de 2014. Depuis, les relations sont plus difficiles et les perspectives de renforcement guère brillantes. 

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Le récent retour au pouvoir du SPD risque-t-il d’accentuer ces hésitations ou au contraire d’entraîner des décisions politiques plus engagées, plus radicales ?

Le SPD a en partie co-géré le pays avec Angela Merkel dans le cadre des "grandes coalitions", ce qui a permis à Olaf Scholz d'apparaître dans une certaine continuité vis-à-vis de la chancelière précédente, qui avait une relation particulière à la Russie, étant elle-même russophone. Angela Merkel a réussi à donner une certaine prévisibilité à cette relation, à un moment où la Russie a elle-même beaucoup évolué.  

Le SPD a une tradition de politique à l'Est, mais il ne gouverne toutefois pas seul. Olaf Sholz et le poste de Ministre de la Défense revient au SPD, mais le poste de Ministre des affaires étrangères revient à la leader des Verts, Annalena Baerbock. Cette dernière pourrait avoir des positions plus dures sur la Russie, comme cela avait pu être le cas sur Nord Stream 2.

Les décisions seront moins prévisibles dans un premier temps, mais un équilibre devrait être trouvé à terme. C'est tout l'enjeu d'observer l'Allemagne les prochains mois.

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