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Le terrorisme est avant tout citadin
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Peur sur la ville

10 ans après le 11 septembre, comment le terrorisme a-t-il évolué ? Barthélémy Courmont, auteur de "L'après Ben Laden" propose une analyse. (Extrait 2/2).

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont est enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lille où il dirige le Master Histoire - Relations internationales. Il est également directeur de recherche à l'IRIS, responsable du programme Asie-Pacifique et co-rédacteur en chef d'Asia Focus. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les quetsions asiatiques contemporaines. Barthélémy Courmont (@BartCourmont) / Twitter 

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Comme l’ont prouvé les attentats ces dernières années, la ville est à la fois le lieu dans lequel sont recrutés et formés les terroristes, mais également là où ils procèdent le plus souvent à leurs attaques. Les grandes agglomérations urbaines présentent en effet les caractéristiques nécessaires au développement de cellules criminelles, tout en leur permettant de rester totalement anonymes. À l’inverse, les camps d’entraînement en milieu rural, du type de ceux d’Al-Qaida en Afghanistan, sont trop visibles et souvent décelés par les services de renseignements et d’observation des grandes puissances. La ville est le théâtre rêvé pour la planification d’attaques dans le plus grand anonymat. Les attentats de New York et Washington, mais aussi de Madrid et de Londres, ont été préparés dans des appartements et sortent de l’image trop souvent relayée de structures puissantes et organisées qui planifient et organisent les attaques à distance, comme on préparerait des opérations militaires. Les terroristes sont essentiellement recrutés dans les villes, certains romanciers n’hésitant pas à considérer qu’il s’agit là d’une des conséquences – ô combien extrême – du désœuvrement qu’on rencontre dans les grandes agglomérations. Le terrorisme pourrait donc, à côté d’un endoctrinement poussé, trouver ses origines dans le sentiment de détresse et d’abandon des citadins. Les kamikazes, s’ils sont souvent endoctrinés, sont surtout hautement déterminés. Ainsi, si le terreau du terrorisme se retrouve en grande partie dans le sentiment de frustration des faibles, ce phénomène est nettement plus perceptible dans les villes qu’en milieu rural, où les priorités ne sont pas les mêmes.

De même, l’effet du terrorisme doit être médiatique, et donc qualitatif, sans être nécessairement quantitatif. Dans ces conditions, la ville est incontestablement la cible des attaques terroristes, où les effets médiatiques sont démesurés et durables. Ces éléments confirment l’idée selon laquelle l’essor du terrorisme urbain se confond avec l’essor du terrorisme comme moyen de guerre asymétrique, puisant sa force dans le recrutement et l’invisibilité, frappant au cœur de l’adversaire et posant de réels problèmes aux responsables du contre-terrorisme. La lutte contre le terrorisme urbain se voit souvent limitée par la capacité des groupes armés à se disperser dans la ville et à contourner les moyens de guerre traditionnels, notamment en l’absence de ligne de front. Ainsi, malgré les arrestations, le gel des avoirs financiers ou la découverte de caches d’armes, aucun élément ne peut permettre aux autorités de mesurer le chemin qui leur reste à parcourir avant de pouvoir porter un coup fatal aux organisations terroristes.

À l’opposé de la guerre traditionnelle, où les intentions et les forces de l’adversaire sont à peu près connues, la lutte contre le terrorisme est un combat de nuit, dans lequel il est souvent impossible de savoir où, quand et comment frapper. Il convient donc de s’interroger sur les méthodes les plus appropriées et sur les modes d’entraînement au combat urbain. D’importants efforts restent encore à fournir dans ce domaine.

Israël est indiscutablement l’État le plus en pointe dans la lutte contre le terrorisme urbain organisé (en particulier sous l’égide du Hamas), ou totalement désorganisé et spontané. Mais les méthodes pratiquées par les autorités israéliennes, qui privilégient l’usage de la force et la neutralisation systématique de ceux qui sont identifiés comme les chefs terroristes, ne font pas l’unanimité dans les régimes démocratiques.

Faut-il alors considérer que la lutte contre le terrorisme urbain est une guerre (ce qui suppose des attaques planifiées et ciblées, l’utilisation de commandos armés), ou que c’est un mal à part, justifiant des moyens appropriés ? L’adaptation aux moyens du terrorisme urbain est difficile, d’abord parce qu’elle nécessite une connaissance des groupes (quand ceux-ci sont organisés), mais aussi parce qu’elle impose la mesure dans la riposte, afin de ne pas amplifier le sentiment de frustration et de produire des effets contre-productifs. Les dommages collatéraux sont là pour rappeler que les frappes de représailles doivent être précises pour être efficaces, sans quoi elles se retournent contre leurs auteurs


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Extraits de "L'après Ben Laden" de Barthélémy Courmont, François Bourin Editeur août 2011

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