Le Tchad, un allié précieux de la France, face à la menace islamiste<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Le lieutenant-général Mahamat Idriss Deby Itno, président du Conseil de transition tchadien, lors d'une rencontre avec le Premier ministre soudanais à Khartoum, le 29 août 2021
Le lieutenant-général Mahamat Idriss Deby Itno, président du Conseil de transition tchadien, lors d'une rencontre avec le Premier ministre soudanais à Khartoum, le 29 août 2021
©AFP

Lutte contre le terrorisme

Le Tchad est un pays stratégique dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Mahamat Déby, le fils de Idriss Déby, reste un partenaire tout désigné, mais il doit assurer, en toute légalité, le processus de transition qu’il a amorcé.

Philippe De Veulle

Philippe De Veulle

Avocat au Barreau de Paris, Philippe de Veulle est diplômé du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques (CEDS) – filière Collège interarmées de défense –, titulaire d'un Master (DEA) en économie et développement de l'Université Paris Descartes et auditeur de la 20ème session de l'Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice (INHESJ). Il est également auditeur à la 66 e session nationale de l'IHEDN

Voir la bio »

Le Tchad est un pays charnière entre l'Afrique centrale et le Maghreb. Géographiquement et culturellement, il constitue un point de passage stratégique entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne. Cinquième pays le plus vaste d'Afrique, le Tchad est frontalier de la Libye au nord, du Niger à l'ouest, de la République centrafricaine au sud, du Soudan à l'est, mais aussi du Nigeria et du Cameroun.

« Le Tchad fut le premier territoire français à se rallier à la France libre dès 1940 »

De la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, la France a affirmé progressivement sa souveraineté sur l'ensemble de son territoire actuel, qu'elle incorpore à « l'Afrique-Équatoriale française » (AEF) en 1920. Sous l'impulsion du gouverneur Félix Éboué, le pays devient le premier territoire français à se rallier à la France libre dès 1940. Puis le Tchad obtient son autonomie en 1958, et son indépendance en 1960.

Depuis, la France et le Tchad ont su conserver de nombreux liens, notamment militaires. En 1990, Idriss Déby prend la tête du pays. Proclamé maréchal au mois d'août 2020 à la suite d’une victoire contre Boko Haram, il restera président jusqu'à sa mort en avril dernier. Il venait d'être réélu président de la République le 11 avril dernier, avant de mourir en guerrier le 20 avril.

Idriss Déby n’aura cessé de lutter sur tous les fronts

Pendant trente ans, Idriss Déby n'aura cessé de lutter, sur tous les fronts. Le pays est le théâtre de troubles réguliers, liés à des dissensions internes telles que la guerre civile entre 2005 et 2010, et plus récemment au débordement de la guerre du Darfour et à la deuxième guerre civile libyenne. Mais surtout, Idriss Déby s'est illustré contre les djihadistes nigérians de Boko Haram, aux côtés de la France, dans le cadre du G5 Sahel, et contre ceux d'Al Qaïda ou de l'État islamique, au grand Sahara, présents au Mali, au Niger ou au Burkina Faso.

À Lire Aussi

Terrorisme : pourquoi l’indemnisation des victimes des attentats de Paris manque d’”humanité”

A sa mort, son fils Mahamat Idriss Déby prend la tête d’un Conseil militaire de transition (CMT), et gouverne un pays pris entre deux feux. Cependant, si la paix semble revenue, avec la promesse d'élections générales sous 18 mois, certaines formations d’opposition formulent des doutes et se sont exprimées sur la légalité du CMT.

Circonstances exceptionnelles, selon l’Union africaine

Mais le 2 juillet dernier, un décret fixe les modalités de ces élections : toute organisation issue de la société civile, parti politique, syndicat ou chefferie, qu’elle soit traditionnelle ou religieuse, doit se mettre en relation avec le ministère en charge de la Réconciliation. L’objectif : transmettre la liste des candidats intéressés pour pouvoir prétendre à l’un des 70 à 93 sièges dédiés aux représentants du peuple.

L’Union africaine, le 14 mai dernier, a décidé de déroger à son principe de précaution en accordant sa confiance au Comité militaire de transition. Le président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, n’est sûrement pas étranger à cette dérogation, lui qui était présent de manière continue à Ndjamena, lors des journées décisives, du 19 au 29 avril.

Le Conseil de paix et sécurité de l'UA met en avant les circonstances qualifiées d'exceptionnelles qui ont entouré cette transition politique : la mort brutale d'Idriss Déby, le fragile équilibre ethnique dans le pays, et le rôle politique et militaire « central » du Tchad dans le Sahel. C'est ce rôle dans la région qui a valu à la junte un soutien déterminant des pays africains et de la France.

À Lire Aussi

Attentat du Bardo : le juge d’instruction Béchir Akremi complice ?

Mahamat Déby, un partenaire tout désigné reçu par Emmanuel Macron

Pour Mahamat Idriss Déby, il va donc falloir consolider un dialogue solide avec l’opposition, sous peine de devoir annoncer un délai supplémentaire au processus de dix-huit mois renouvelable une fois. La pression de la rue comme celle de l’Union africaine et de Paris, qui a récemment promis de nouvelles aides financières à N'Djamena, ne manquera pas de se faire sentir.

Plus que jamais, « La France a besoin du Tchad autant que le Tchad a besoin de la France », dans le cadre du désengagement militaire progressif de l’Hexagone au Sahel. Mahamat Déby reste un partenaire tout désigné. Le président français Emmanuel Macron a d’ailleurs reçu son homologue tchadien le 5 juillet 2021 à l’Élysée pour sceller cette reconnaissance.

Dans une interview récemment accordée à Jeune Afrique, le fils du feu président tchadien s’est voulu rassurant : « Les membres du CMT ne se présenteront pas à l’élection […] c’est un engagement qui a été pris devant le peuple ». De son côté, l’Union africaine a décidé de placer le pays sous surveillance en nommant un Haut représentant chargé de s’assurer que la Charte de transition serait révisée, en y incluant notamment le principe de la non-éligibilité des membres de la junte militaire, ainsi que le respect d’une transition de 18 mois maximum. Le 24 septembre dernier, Mahamat Déby a nommé un Parlement de transition, composé de 93 députés, « le temps que les institutions légales de la République soient restaurées », comme le précise le journal Le Monde. Ses 93 membres respectent des quotas : au moins 30 % de députés de l’Assemblée nationale sortante, 30 % de femmes et 30 % de jeunes.

Mahamat Déby a tout intérêt à assurer la légalité de cette transition politique, car il reste un allié sérieux de la France dans une région devenue une véritable poudrière.

Par Philippe de Veulle, avocat au barreau de Paris, enseignant de droit constitutionnel à Paris V

À Lire Aussi

Les filières islamistes tunisiennes et l'attentat de Rambouillet, entretien avec l'avocat des victimes du Bardo, Philippe de Veulle

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !