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Le sens de la vie existe-t-il réellement ou notre vie n'est-elle qu'un simple phénomène matériel résultant d’un hasard ?
©PATRICK KOVARIK / AFP

Bonnes feuilles

Dans son nouvel ouvrage "Notre vie a un sens !" (ed. Albin Michel), Bertrand Vergely s'attaque, dans cette réflexion majeure et originale, au sujet clé qui interroge nos existences : quel est le sens de notre vie ? 2/2

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Le sens de la vie. Cette question fait aujourd’hui sourire certains qui la trouvent naïve. Le sens, cela avait de la valeur au Moyen Âge, quand on croyait que Dieu dirigeait le monde, mais ce temps est révolu. Arrêtons de rêver ! Arrêtons d’être des Don Quichotte en quête de sens !

Quand la question du sens ne fait pas sourire, elle provoque des soupirs de lassitude. On veut se rassurer avec du sens. Arrêtons de nous rassurer ! Regardons la réalité en face ! Nous sommes seuls au monde et la vie se termine par la mort. C’est cela la vie. La solitude et la mort. Il n’y a rien d’autre. Un rêve. Une fuite. Le sens de la vie, n’est-ce que cela ? Est-ce aussi naïf et aussi lourd que cela ?

Quand la vie est un simple phénomène matériel résultant d’un hasard, on comprend qu’il soit vain de vouloir lui trouver du sens. Mais la vie, est-ce cela ? N’est-ce que cela ? N’est-ce pas autre chose qu’un paquet d’atomes jeté au hasard dans la nuit de l’univers ? S’il y a devant nous ce qui existe, il y a derrière ce qui existe le mystère même de l’existence, un mystère prodigieux. Quand nous vivons ce mystère, comment se fait-il que la vie se remplit de paix et de joie alors que, quand on ne le vit pas, elle est inquiète et triste ?

On trouve le sens futile ou vain. L’expérience de la vie ne montre-t‑elle pas tout le contraire ? Autour de nous, la vie ne fait pas rien de la vie. Non seulement elle la fait vivre mais elle la fait grandir. Nous trouvons normal que tout vive et que tout grandisse. Nous trouvons normal que nous-mêmes vivions et grandissions. Tellement normal que nous n’imaginons pas un instant une vie qui resterait là à ne rien faire, à ne rien vivre, à ne rien faire grandir. Le sens de la vie n’est-il pas là, dans la vie qui cherche à vivre, à faire vivre, à grandir ?

Dans ce processus de croissance, s’il y a la croissance extérieure et matérielle, il y a aussi la croissance intérieure, morale et spirituelle. Quand nous vivons, non seulement nous saluons la vie qui grandit matériellement, mais nous saluons celle qui devient intérieure, morale et spirituelle, cette croissance nous apparaissant comme un couronnement de l’existence. Nous la saluons d’ailleurs comme notre origine, celle qui est vraiment nous, celle dont nous venons vraiment. Comment prétendre dès lors que le sens est futile et vain ?

Le sens, n’est-ce pas le lien que nous pouvons avoir avec la source spirituelle de notre existence ? N’est-ce pas ce qui illumine notre vie quand il vient à apparaître sous la forme de certaines expériences de beauté, d’amour, d’intériorité, de pensée et de parole ? N’est-ce pas à l’inverse ce qui nous pousse au malaise, au mal-être, à la tristesse, au désespoir et parfois à la mort, quand il vient à manquer ? Bien sûr, le sens peut être une histoire que l’on se raconte. La superstition a l’art de se raconter des histoires surnaturelles dans lesquelles le superstitieux s’imagine que Dieu lui parle en lui envoyant des messages. Le délire d’interprétation existe également et lui aussi a l’art de raconter des histoires en voyant le mal là où il n’est pas et en imaginant des complots là où il n’y en a pas.

Bien sûr, le sens de la vie peut devenir un modèle que l’on impose. Il peut provoquer un conformisme auquel on est sommé d’adhérer. Il peut prendre l’allure d’un « bon sens », par opposition à un mauvais, avec des gardiens veillant avec zèle à ce que tout aille dans le « bon sens ». Par le passé, la religion avec l’Inquisition a favorisé une semblable police de la pensée à travers une terrible répression. À l’époque moderne, le totalitarisme a donné lieu à une nouvelle inquisition, avec une police de la pensée et un système répressif tout aussi terribles. Et aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, la répression idéologique au nom du « bon sens » n’est pas en reste.

Bien sûr, le sens de la vie est souvent, trop souvent, idéalisé, telle une projection déformante et partiale dépourvue de toute pensée. La vie n’est pas sans aspérités ni sans rugosités. Elle n’est pas sans passages à vide où les choses soudain perdent leur sens. Pour qu’il y ait sens de la vie, encore faut-il qu’il y ait vie et pas simplement sens. Quand le sens ne sait plus écouter la vie et la laisser parler, ce sens finit par ne plus en avoir. Et, n’en ayant plus, il finit par donner raison à ce qui le récuse en préférant une vie sans sens à un sens sans vie.

La critique du sens comme la récusation de celui-ci ont quelque chose de vrai. Elles l’ont toujours été. Elles le seront toujours. Elles donnent l’impression de détruire le sens. N’est-ce pas plutôt l’inverse ? Ne sont-elles pas pleines de sens en étant sa revendication exacerbée, son affirmation passionnée, sa soif poussée à l’extrême, son appétit ardent à la recherche de sa quintessence ?

Le sens qui n’est pas vécu de l’intérieur étouffe l’existence. Mais, quand il l’est, il en va autrement. Vivons le simple fait de vivre en laissant vivre le fait que les choses et les êtres existent. Cette réalité que l’on trouve banale se révèle extraordinaire. Toute chose, tout être porte avec lui et en lui le fait inouï qu’il y ait quelque chose et non rien. Quand on vit pour vivre en laissant parler l’existence, ce fait inouï se met à parler et, se mettant à parler, il nous ouvre les yeux.

Retrouvez l'entretien de Bertrand Vergely sur le site d'Atlantico à cette adresse, à l'occasion de la publication de son nouvel ouvrage

Extrait de "Notre vie a un sens ! : une sagesse contre le pessimisme ambiant" de Bertrand Vergely, publié chez Albin Michel.

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