Le RGPD, une menace auto-infligée à 2 000 milliards d’euros pour l’économie européenne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les GAFAM veulent la fin du RGPD en Europe.
Les GAFAM veulent la fin du RGPD en Europe.
©JUSTIN TALLIS / AFP

Effet secondaire

Une étude publiée par le lobby des GAFAM montre que le règlement général sur la protection des données pourrait avoir un impact sur la croissance et l'emploi dans l'ensemble de l'Union européenne. Elle est toutefois à prendre avec des pincettes.

Sébastien Cochard

Sébastien Cochard

Sébastien Cochard est économiste, conseiller de banque centrale. Il exprime ses vues personnelles dans Atlantico.

Twitter : @SebCochard_11

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Atlantico : Selon une étudecommandée par Digital europe, la régulation européenne des transferts internationaux de données ont des effets significatifs sur la croissance et l'emploi dans l'ensemble de l'économie européenne. D'ici 2030, 2000 milliards d’euros pourraient être perdus. Le RGPD est-il en cause ?

Sébastien Cochard : Comme remarque préliminaire, il suffira de rappeler que Digital Europe est le lobby des "GAFAMs" auprès des institutions de l'UE, et que toute étude commanditée par un lobby, aussi économétrique et basée sur des données de l'OCDE soit-elle (quand bien même serait-elle réalisée par des universitaires et non des consultants comme dans le cas d'espèce), n'est ainsi jamais autre chose qu'un outil de propagande fabriqué de toutes pièces et destiné à "donner des billes" aux législateurs européens désireux de pousser dans la direction proposée par le lobby.
Or, quelle est la position des GAFAMs et consorts, en Europe comme dans le reste du monde ? Qu'elles puissent collecter, transférer internationalement et utiliser comme bon leur semble (pour le plus grand profit de leurs actionnaires) toutes les données qu'elles recueillent sur leurs utilisateurs, bien évidemment autant que possible sans le consentement de ces derniers, afin de réduire leurs coûts et contraintes au maximum, en ayant idéalement un seul mode opératoire pour l'ensemble de la planète. Le RGDP protège les données collectées sur les citoyens européens, évite leur transfert international sans leur consentement et ainsi leur utilisation abusive: donc, oui, le RGDP est visé.

L’UE est-elle en train de se tirer une balle dans le pied ? Le RGPD tel qu’appliqué actuellement est-il une douleur auto-infligée comme estiment les auteurs de l’étude ?

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Le RGDP est un point aberrant dans le panorama de l'ensemble des politiques pratiquées par les institutions de l'UE depuis le milieu des années 1980 et les Commissions Delors. Pour une fois, avec le RGDP, il ne s'agissait pas de tout ouvrir au pillage global par les multinationales américaines, mais au contraire de protéger les citoyens européens et de mettre en place une forme de protectionnisme industriel. Ce qui est visé par l'étude en question est au moins autant le RGDP lui-même que son esprit, alors que se profilent les étapes suivantes et notamment la régulation de l'intelligence artificielle par l'UE. 
Alors même que la protection des données individuelles est foulée aux pieds par les politiques de traçage et d'échanges de données de santé dans le contexte de la crise Covid, les institutions de l'UE vont-elles baisser le pavillon devant les multinationales américaines du numérique, ou bien continuer dans l'esprit de résistance qui est celui du RGDP ? C'est ce qui est actuellement en jeu.

Faut-il réformer le RGPD pour mieux l’adapter à l’économie européenne et éviter une perte de compétitivité à l'international ?

Premièrement, l'idée selon laquelle il faudrait abaisser unilatéralement toutes ses protections afin d'accroître sa compétitivité à l'exportation est bien sûr une vue de l'esprit. Deuxièmement, le marché domestique européen est riche et profond, et devrait en théorie servir à faire croître les acteurs locaux servant leurs populations, plutôt que de constituer un réservoir de revenu majeur aux GAFAMs, qui ne paient d'ailleurs aucun impôt sur leurs profits en Europe à aucun Etat membre (44 milliards de revenus de ventes pour Amazon dans l'UE en 2020, mais un impôt sur les sociétés zéro pour toute l'UE, grâce à la bénévolence fiscale du Luxembourg) et qui contribuent à la disparition du tissu entreprenarial européen traditionnel, leur concurrence vidant par exemple progressivement les centre-villes de leurs commerces.

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Il faut ici souligner que l'un des objectifs dans la ligne de mire de l'étude de Digital Europe, ce sont les travaux en cours à l'OMC sur le e-commerce, pour lesquels la Commission européenne représente l'ensemble des Etats membres et conduit seule les négociations. Ces travaux à l'OMC, qui ont été lancés au cours du World Economic Forum de Davos en janvier 2019 (un magnifique parrainage), visent justement à rendre hors-la-loi la plupart des contraintes imposées par le RGDP sur la collecte et le transfert des données par les multinationales. La position que devrait adopter l'UE dans les négociations OMC sur le e-commerce, contrairement aux voeux de Digital Europe, serait donc de continuer de s'opposer aux libre-transferts internationaux des données et de s'opposer à l'interdiction de la possibilité, pour les autorités nationales, d'imposer des transferts de technologies ainsi que des dévoilements des codes-sources, que ces accords de l'OMC en préparation cherchent justement à bannir.
Il y va non seulement de la protection des données privées des citoyens européens, mais de la possibilité de développer une industrie numérique européenne indépendante de celle des Etats-Unis (ou de la Chine) ainsi bien sûr que de la possibilité de préservation de la sphère de souveraineté des politiques publiques que conservent encore les Etats membres de l'UE. 

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