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Le plan de Joe Biden face à Donald Trump dans le cadre d'une élection qui ne ressemblera à aucune autre dans l'histoire des Etats-Unis
©Paul J. RICHARDS / AFP

Bonnes feuilles

Jean-Eric Branaa publie "Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama" (VA Editions). Les nombreuses facettes des réalisations communes de Joe Biden et Barack Obama sont exposées et remises en contexte, afin de comprendre ce que Joe Biden compte proposer au peuple américain en 2020. Extrait 2/2.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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L’ancien vice-président Joe Biden cherche donc une voie solide qu’il pourrait emprunter pour contrer le président sortant. Son premier mouvement a été de marteler que Donald Trump n’a rien fait : « Il a reçu en héritage le bon bilan économique du gouvernement auquel j’ai appartenu ; d’ailleurs il n’a jamais rien fait par lui-même et a toujours tout reçu en héritage ».  

On va beaucoup l’entendre répéter ce slogan pendant les mois de la campagne, car il a l’avantage d’attaquer son vis-à-vis et de glorifier en même temps le bilan de Barack Obama. Lorsque le premier président noir a accédé à la fonction suprême, personne n’avait eu le temps de voir arriver la crise : emporté par une campagne totalement folle, au cours de laquelle les cris répétés de « Yes, We can » donnaient à chacun l’illusion que tous les problèmes collectifs et individuels allaient être dépassés, l’atterrissage avait été brutal. À peine élu, Barack Obama n’avait pas encore pris ses fonctions43, que la crise s’imposait à tous : on annonçait une vague sans précédent de faillites et de la mise au chômage de millions de gens. Après le « chaud bouillant » de la campagne, c’est un froid glacial qui enveloppait le pays : rapidement, un tiers des Américains ont été pris à la gorge par des prêts hypothécaires, alors que les difficultés de leur entreprise ou la perte d’un emploi les mettaient dans l’impossibilité de rembourser. Le spectre de 1929 est revenu dans les esprits et la grande peur a été que plus personne ne puisse rembourser et que le système bancaire ne s’écroule. Le tandem Obama-Biden a mis toute son énergie pour sortir le pays de cette crise majeure. Aucune autre question ne pouvait être prise en considération. C’est par un plan de relance très ambitieux, de 800 milliards de dollars, que le nouvel exécutif a tenté son va-tout. Le chômage avait déjà bondi à 7,6 % au moment de l’investiture. L’avenir s’annonçait bien sombre alors que la liste des entreprises annonçant des suppressions d’emplois ne cessait de s’allonger : Caterpillar, Home Depot, Microsoft, Sprint Nextel, United Airlines… Obama a ajouté des suppressions d’impôts à son plan : une déduction fiscale de 1000 dollars pour chaque famille gagnant moins de 200 000 dollars par an, soit 95 % des Américains.  

La partie a été rude au Congrès, mais avec l’aide efficace de Nancy Pelosi, qui était déjà Speaker de la Chambre des représentants, Obama a fait adopter son plan en six semaines. Malheureusement, si une chute est généralement rude et rapide, les effets de la reprise sont loin d’être aussi immédiats. Des milliers d’Américains ont continué à perdre leur emploi ou ont vu soudainement chuter la valeur de leur maison de 50 %, voire de 100 %. L’administration Obama, et tous les démocrates avec eux, ont alors travaillé pour reconstruire le secteur bancaire, grâce à la loi Dodd-Franck, largement soutenue d’ailleurs par Elizabeth Warren, aujourd’hui en campagne. 

Biden peut donc prétendre qu’il porte une partie de ce bon bilan en économie et contredire Donald Trump qui assure être le seul à avoir obtenu cet excellent résultat. Mais ce n’est pas la meilleure des stratégies, car elle donne l’impression d’être un mauvais perdant en ne reconnaissant pas ce qui a été accompli depuis qu’il n’est plus aux affaires. L’ancien vice-président a donc opté pour une autre voie, en insistant sur ce risque de récession dont tout le monde parle depuis l’élection de Donald Trump et qui n’arrive toujours pas. L’économie est cyclique et une récession, mais si elle n’est pas forte, est inévitablement attendue pour un jour ou l’autre. Le pari est donc que le retournement se produise avant l’élection et crédibilise ainsi la défiance qui a été affichée dès le départ. Joe Biden y ajoute un aspect moral, pour pouvoir inscrire cette question dans un débat plus large, et pouvoir changer de conversation si rien ne se produit : « l’économie et l’âme de ce pays s’effondrent à cause des politiques du président Donald Trump », a-t-il déclaré à de nombreuses reprises. Les propos de Joe Biden s’inscrivent ainsi à la fois dans le cadre de la défense de l’héritage de l’ancien président Barack Obama, que de la perspective plus générale du danger moral que représente ce président à ses yeux. « Le Président Trump a tout chamboulé sur le plan économique. Les gens souffrent beaucoup. Il n’y a pas de réponse, » a poursuivi le candidat démocrate. 

Mais, en réalité, ni lui ni Donald Trump n’ont fait de cette question la pierre angulaire de leur campagne. L’enjeu est ailleurs ; ce qui fera voter les Américains sera encore une fois une question de mur, de frontière et d’immigration. Car la question de l’identité américaine sera une nouvelle fois posée, comme en 2016. 

À la croisée des chemins 

Le scrutin de 2020 ne ressemblera à aucun autre dans l’Histoire des États-Unis : deux facteurs en seront la cause, la colère du camp démocrate et la transformation profonde de la structure de la société. 

La victoire de Trump en 2016 a été le plus souvent analysée comme étant une réponse apportée par la société blanche, qui se sentait étouffée depuis 50 ans par une révolution qu’elle avait perdue dans les années soixante. En 1968, la commission Kerner prédisait pour le futur une société divisée entre les blancs et les noirs. L’Amérique a hérité, en réalité, d’une situation un tout petit peu plus complexe, car la division d’aujourd’hui est d’une autre nature. 

Une société qui change 

Un long chemin a été parcouru depuis ces années soixante, celui-là même qui a tant déstabilisé celles et ceux qui sont devenus la base électorale solide de Donald Trump. Le mandat du 45e président n’a pourtant rien pu changer à cette évolution, qui s’est poursuivie et s’est même renforcée. La place de la femme dans la société, en premier lieu, ne cesse de progresser et va continuer d’évoluer, d’autant qu’elles sont de plus en plus nombreuses ; les projections annoncent qu’il y aura 7,5 millions de femmes de plus que d’hommes aux États-Unis en 2050.  

Pour autant, bien au-delà de cet avantage quantitatif, le rôle, la place et l’importance des femmes au sein de la société étatsunienne ne peuvent plus régresser désormais : les mouvements tels que « Me Too » ou « Time’s Up » se sont multipliés sous le mandat de Donald Trump et on les a aussi vus peser de plus en plus dans le débat public, portant la demande des féministes qui veulent faire évoluer le corpus législatif pour atteindre l’égalité entre les genres. En 1960, les mères étaient le principal soutien de famille, quand elles n’en étaient pas le seul, et les lois tendaient à figer cette situation. Or, au cours des cinquante dernières années, le taux d’activité des femmes américaines a augmenté régulièrement. Cela ne pouvait qu’apporter une aspiration nouvelle et un changement qui s’inscrit aussi dans les lois du pays, d’où cette fracture qui est nette aujourd’hui et qui génère une inquiétude profonde auprès d’une partie de la population. 

Extrait du livre de Jean-Eric Branaa, "Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama", publié chez VA Editions. 

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