Le marché de l’énergie a fait flamber les prix mais a aussi… sauvé l’Europe. Voilà comment <!-- --> | Atlantico.fr
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En 2023, les prix de l’énergie sont revenus à des niveaux raisonnables en Europe
En 2023, les prix de l’énergie sont revenus à des niveaux raisonnables en Europe
©LOIC VENANCE / AFP

Bilan 2023

En 2023, les prix de l’énergie en Europe sont revenus à des niveaux raisonnables après deux années marquées par des prix jamais atteints pour le gaz et l’électricité

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec est un spécialiste de l’énergie et en particulier du pétrole et professeur à l’Ecole du Pétrole et des Moteurs, où il a dirigé le Centre Economie et Gestion. 

Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie et en particulier Exploitation et Gestion du Raffinage (français et anglais), Recherche et Production du Pétrole et du Gaz (français et anglais en 2011), l’Energie à Quel Prix ? (2006) et Géopolitique de l’Energie (français 2009, anglais 2011).

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Retour sur 2020

La crise du COVID entraine une forte chute de la demande d’énergie et donc des prix en 2020. 

La demande de pétrole, au plus fort de la pandémie, au printemps 2020, diminue de 30 %. Le 20 Avril le prix devient négatif et chute à – 37 dollars par baril, situation jamais vue. Les opérateurs sur les marchés à terme doivent prendre possession ce jour-là de cargaisons de brut dont ils n’ont pas l’utilisation et doivent payer d’autres opérateurs disposant encore de capacités de stockage pour se débarrasser de leur brut. Dès le lendemain le prix redevient positif mais reste voisin de 20 dollars par baril.

La reprise de 2021

En 2021, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les prix repartent à la hausse

Le prix du gaz en Asie et en Europe augmente de 20 €/Mwh au début de 2021 à près de 200 €/Mwh fin décembre.  Cette rapide montée des prix du gaz est due à de nombreux facteurs. Côté demande, un rapide rebond économique, des aléas climatiques (hivers froids, étés chauds, niveaux bas d'hydro ou d'éolien), ainsi que des prix élevés du charbon et du carbone. A cela s'ajoutent des approvisionnements insuffisants dus à de nombreux problèmes opérationnels des unités de liquéfaction et moins de gaz Russe qu'anticipé par les marchés.

Le prix de l’électricité en Europe passe de 50 €/Mwh début 2021 à 300 € à la fin de l’année.  Les prix de gros l'électricité s'envolent en raison d'une conjonction de facteurs défavorables : forte hausse du prix du gaz, hausse du prix du carbone, forte demande d'électricité en raison des températures basses, mais aussi manque de capacités de production. Le prix de l’électricité suit l’évolution du prix du gaz car, conformément aux théories libérales de la Commission de Bruxelles, le prix doit s’aligner sur le coût de production de la dernière centrale appelée pour couvrir les besoins : une centrale au gaz dont les coûts sont évidemment très élevés, compte tenu du prix du gaz.

Rappelons cependant que prix de gros de l’électricité ne représente toutefois qu'un tiers du prix TTC payé par le consommateur final.

Le prix du pétrole dépasse 80 $/bl fin 2021 (pour mémoire 20 $ en mai 2020) 

Les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie

Dès le 24 février, date de l’invasion russe de l’Ukraine, les prix des différentes énergies s’envolent. 

Pendant longtemps le prix du gaz et de l’électricité était contrôlé et règlementé par les gouvernements. La volonté des autorités européennes de promouvoir la concurrence sensée être bénéfique pour les consommateurs car permettant une baisse des prix a conduit les autorités Européennes à déréglementer les prix gaz et de l’électricité autour des années 2000

Le gaz et l’électricité sont donc soumis à la loi de l’offre et de la demande. Or les importations de Russie couvrent en 2021 plus de 30 % des besoins européens. 

Immédiatement après l’invasion les prix du gaz sur le marché européen s’envolent et atteignent 200 € par Mwh . Les prix baissent ensuite. Mais la diminution progressive puis l’arrêt quasi complet des livraisons russes (des quantités limitées de gaz russe sont encore importées en Europe en 2023) vont conduire à une augmentation du prix à plus de 300 €.Mwh au mois d’Aout lorsque les Européens recherchent désespérément du gaz pour remplir les stockages sous terrains à l’approche de l’hiver. La grande question est alors : aurons-nous du gaz à Noël ? 

Le prix de l’électricité suit, comme nous l’avons vu, l’évolution du prix du gaz. Il atteindra sur les marchés cde gros de certains pays européens plus de 500 € par Mwh. Pour mémoire un prix « raisonnable » est estimé entre 50 et 100 €/Mwh. Dans plusieurs pays, en France en particulier certains consommateurs, selon leur fournisseur d’électricité, seront protégés de l’augmentation des prix de gros par un bouclier tarifaire. Mesure qui sera très couteuse pour les Etats.

Fin de la crise. La situation en 2023

Dès la fin de 2022 les prix vont revenir à des niveaux beaucoup plus faibles. Au printemps 2023 ils seront proches de leurs niveaux historiques,

Pour faire face aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Union Européenne a mis en place le programme REPowerEU qui vise :

- à réduire significativement sa consommation de gaz (qui a effectivement chuté de près de 15 % en 2022 par rapport à 2021)

- à remplacer les importations de gaz russes par des importations de GNL en provenance en particulier des Etats Unis (importations qui sont passées de 30 milliards de mètres cubes en 2021 à 72 en 2022).

- à accélérer la production d’énergies renouvelables (40% de l’électricité européenne est désormais d’origine hydraulique, éolienne et solaire)

- à améliorer l’interconnexion des réseaux de gaz et d'électricité européens     

- à améliorer l'efficacité énergétique en particulier en favorisant la circularité

En outre l’Union européenne (UE) a conclu, le 14 décembre 2023, un accord pour réformer le marché de l’électricité, notamment pour favoriser l’investissement dans les énergies décarbonées, y compris le nucléaire et stabiliser les marchés à long terme. 

Conclusion

La dérégulation du marché du gaz et de l’électricité, voulue par la Commission Européenne, dans la suite des idées développées et mises en place par Margareth Thatcher au Royaume Uni, s’est révélée inefficace, au pire catastrophique. Elle ne s’est pas traduite par une baisse des prix au consommateur, elle a découragé les investissements, elle a conduit à des niveaux de prix aberrants en 2022

Mais inversement la flexibilité du marché international du gaz a permis aux Européens de remplacer assez facilement une partie du gaz russe.

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