Le Hamas a-t-il déjà perdu le contrôle de la bande de Gaza ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres de la branche armée du Hamas, le 31 janvier 2017 à Rafah, dans la bande de Gaza
Des membres de la branche armée du Hamas, le 31 janvier 2017 à Rafah, dans la bande de Gaza
©AFP/Archives/SAID KHATIB

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Dissensions entre factions islamistes, manifestations de civils, éruptions de violence dans la population gazaouie, salaires qui ne sont plus versés… que contrôle encore le Hamas ?

Pierre Berthelot

Pierre Berthelot

Pierre Berthelot est chercheur associé à l' IPSE et directeur de la revue Orients Stratégiques. 

 

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Atlantico : Pourquoi le Hamas reprend le combat ? Est il débordé par les autres factions islamistes ? A t il besoin de reprendre la main ? 

Pierre Berthelot : Le Hamas a besoin de conserver une espèce d'ascendant dans la guerre psychologique. Il n'est pas impossible qu'il ait intérêt à alterner des périodes de chaud et froid d'une certaine manière. Qui dit reprise du conflit dit arrêt des négociations sur les otages. Le Hamas peut penser que ça crée une espèce de pression sur les Israéliens favorables à la libération des otages qui peuvent eux mêmes faire pression sur le gouvernement. Donc, il renvoie la balle à Israël parce qu'il sait que c’est un sujet important pour les israéliens.

Le Hamas cherche aussi à reprendre la main sur les otages. On a entendu récemment qu'il y en aurait un certain nombre détenu par ses rivaux du Djihad islamique Pro-iranien ou des forces d’extrême-gauche du FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine). 

« Israël n’attendra pas ses objectifs en reprenant la guerre » prévient le Djihad Islamique. Le Hamas est-il en train de perdre la main aux profits d’autres groupes de combattants ? 

Le Djihad islamique (des sunnites) est le relais de l'Iran (des chiites). Ni l’un, ni l’autre ne s’en cache. L'intérêt de l'Iran, c'est de maintenir un état de tension permanent. D’alterner le chaud et le froid. 

Le Hamas est plus proche du Qatar, qui n'est pas dans la même stratégie que l'Iran. Le Qatar veut plutôt jouer le médiateur et pousser à la stabilisation de la région. Au contraire de l’Iran qui n'a pas cet intérêt. La crainte de l’Iran, c’est le statu quo. Un statu quo qui ne lui est pas favorable. D’où peut-être la déclaration du Djihad Islamique. 

Imaginons qu’il y ait une trêve de longue durée, ce serait le Qatar qui pourrait dire se présenter comme l’élément modéré de la région en disant que c’est grâce à lui qu’on a pu libérer les otages. Si la guerre s’arrête aujourd’ui ou demain, ce sera un demi échec pour l’Iran alors que l’attaque du 7 octobre a montré que Israël a des failles et qu’une partie de l’opinion publique mondiale lui est moins favorable. Du point de vue de l’Iran, il ne faut pas en rester là.  

Le chef du Hamas à Gaza a lui aussi pris la parole pour la première fois. « Le 7 octobre n'est qu'une répétition » a lancé Yahya Sinwar. Une déclaration qui sonne comme un avertissement. Le Hamas peut-il encore tenter une attaque ? Est-ce qu'il en a les moyens ou essaye-t-il de sauver la mise ?

Une attaque du type 7 octobre, non. D’autres pourraient tenter quelque chose de spectaculaire comme le Hezbollah. Mais le Hamas, à partir de Gaza, ça semble peu probable pour une attaque de grande ampleur. 

Quand Yahya Sinwar dit que c'est une répétition, ça dépend dans quelle temporalité il s'inscrit. Si c'est dans le temps long, oui c'est possible. On sait que ce conflit israélo palestinien ne peut avoir qu'une issue politique. Si ça continue comme ça, le désespoir palestinien va monter. Donc, oui, dans le temps long, il y aura peut-être des répétitions avec d’autres groupes pour succéder au Hamas. A court terme, je ne le pense pas. Ce qui ne veut pas dire qu’Israël n’est pas à l’abri d'une conflagration importante par d'autres relais ou d'autres alliés du Hamas, à savoir le Hezbollah.

Dans le sud de la bande de Gaza, on voit des éruptions de violence dans la population. On sait que les salaires des fonctionnaires ne sont plus versés. Que contrôle encore Le Hamas ? 

Il est certain que le Hamas est désorganisé, voire en partie affaibli politiquement parce qu'il y a beaucoup de gens qui n’étaient pas favorables à cette stratégie qui a amené à des représailles massives qui ne sont d'ailleurs pas terminées. 

Cette stratégie peut, sans surprise, provoquer un mécontentement. Avant même les événements du 7 octobre, les sondages d'opinion semblaient déjà révéler un certain mécontentement. On peut penser d'une partie de la population qui est un peu désespérée est en colère. Il y a une désorganisation et surtout il y a moins de capacité pour le Hamas de faire taire ces divisions ou ces critiques puisqu’il contrôle moins la bande de Gaza. Avant, tout passait par lui. Maintenant, qu'est ce que ça représente? La question c'est d’évaluer si ça représente 1 %, 5 %, 10 % de la population ou plus. 

Il y a des gens qui depuis des années critiquent le Hamas. Quand les gens ont soutenu le Hamas en 2005 à Gaza, aux élections et puis ensuite son coup de force, c'est parce qu'ils espéraient quelque chose de mieux que l'Autorité palestinienne. Beaucoup ont ensuite déchanté. 

Si l'autorité politique du Hamas s’écroule, ça veut dire que c'est le retour des clans ?  

Oui. Si l'autorité politique du Hamas s'écroule, ça veut dire que c'est le retour des clans et ce sera quand même difficile de négocier avec eux. C'est toujours le risque de ce fameux vide qui n'est pas toujours favorable à ceux qui l'ont provoqué directement ou indirectement. Une fragmentation plus forte n'est pas impossible. Si le Hamas s'affaiblit encore, il n'est pas certain qu'effectivement ça fasse les affaires d'Israël. 

Si le Hamas perd la main, quelles peuvent être les conséquences sur la suite de la guerre et sur la vie des otages ?

On ne peut pas exclure un renforcement de son mouvement du rival islamiste, c'est à dire le djihad islamique. Ce qui serait pire Israël parce que c'est un mouvement qui est inféodé à l'Iran alors que le Hamas a sa logique propre. Il est plus proche de la mouvance des Frères musulmans, c'est à dire le Qatar ou la Turquie qui sont, eux, des interlocuteurs d'Israël. 

On peut aussi imaginer que d'autres groupes puissent en profiter. Mais des groupes, des groupes moins organisés avec lesquels le dialogue serait plus difficile. Il n’est donc pas certain qu’un affaiblissement du Hamas soit favorable à Israël. 

Troisième hypothèse, la création d’un nouveau daesh. Elle est avancée par certains en Israël. A force d’avoir rejeté l'OLP puis le Hamas, les israéliens risquent d'avoir quelque chose d'encore plus extrémiste.

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