Signaux contradictoires
Le grand écart : lutte contre les trafics de drogue, ministère de l’Intérieur et obligation de résultat
Le droit distingue l'obligation de moyens, selon laquelle on doit déployer ses meilleurs efforts pour atteindre l'objectif visé en respectant les règles de l'art ; et l'obligation de résultat, où un objectif est donné et doit être atteint.
Xavier Raufer
Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date: La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers.
Rappel : le droit distingue l'obligation de moyens, selon laquelle on doit déployer ses meilleurs efforts pour atteindre l'objectif visé en respectant les règles de l'art ; et l'obligation de résultat, où un objectif est donné et doit être atteint.
Pour le ministre de l'Intérieur, il y a obligation de résultat : on ne lui demande pas de raconter combien de policiers ceci, ou combien d'opérations cela ; il lui faut ramener effectivement la pression criminelle sous le seuil de l'insupportable ; sinon, la porte. M. Darmanin répond-il à cette obligation de résultat ? Pas du tout. Il martèle que la lutte contre la drogue est "la mère de toute les batailles" ? Prouvons-le sur ce point.
Rappel : en 2023, Il y a en France ± 900 000 fumeurs de cannabis au quotidien et désormais, autant de cocaïnomanes réguliers. Le chiffre d'affaire des trafiquants (toutes drogues confondues, prix au détail) est de ± 4,2 milliards d'€/an.
• L'inondation de cocaïne s'aggrave. En 2022, saisies en France, ± 27 tonnes (19 en 2021) . Cette explosion des saisies tient-elle à une efficacité accrue des services de l'État ? Non : à un déferlement de cocaïne toujours plus massif. À combien de tonnes l'État estime-t-il cette inondation ? Quel pourcentage pense-t-il en saisir ? Mystère : M. Darmanin est muet sur le phénomène-même qu'il prétend réprimer. Certitude : l'offre de cocaïne explose : preuve, son prix baisse. De ± 80€/gramme en 2020, on la trouve fin 2022 à 60€/g., 30€ le 1/2 g. Ce que confirme l'OFDT, organisme officiel "Avec une cocaïne qui inonde l'Europe, les prix ont baissé".
• Prolifération du "crack" (cocaïne-base) - stupéfiant d'autant plus dangereux qu'il est bon-marché (±15€ la "galette" de quelques grammes, pour 4 à 5 "fumettes") et que pour lui, nuls produits de soin, sevrage ou substitution n'existent. Le toxicomane tend à fumer son crack à jet continu, sans autre espoir que de mourir à petit feu. Or désormais, notamment à Marseille, les dealers "classiques" (cannabis, cocaïne, héroïne) ajoutent le crack à leur "menu" ; ainsi, se répand-il partout en France.
Retour à Paris : Le 16 septembre 2022, le préfet de police de la capitale claironne dans Le Parisien "Le trafic de crack sera éradiqué dans un an". Il ajoute "cela implique de prendre en charge les consommateurs pour les faire entrer dans un processus de soin". Quels "soins" ? Il n'y en a pas pour le crack. Un an a passé. 300 à 400 "crackeux" sont toujours éparpillés dans les 18e et 19e arrdts., Boulevards Ney et MacDonald, Porte de la Chapelle et Stalingrad, jusqu'à Saint-Lazare et Bonne Nouvelle.
Métastases "marseillaises" partout en France - (Note DCPJ d'octobre 2022). À mesure où les ministres de M. Macron éparpillent des migrants partout en France, des supermarchés de la drogue prolifèrent. Début 2023, voici les villes de toute taille - hier préservées - ou existent des "dérives marseillaises" (intimidations, tirs aux jambes, homicides & tentatives, guerres de territoires) : Angers, Angoulême, Avignon, Besançon, Brive-la-Gaillarde, Cambrai, Cavaillon, Chalon-sur-Saône, Chenôve, Clermont-Ferrand, Compiègne, Dijon, Le Creusot, La Roche-sur-Yon, Limoges, Mâcon, Nantes, Niort, Orléans, Poitiers, Reims, Rennes, Valence, etc.
Pour le renseignement territorial, les narcotrafiquants de ces villes sont des professionnels ; quoique jeunes, ils savent où et comment acheter la drogue, la vendre, recruter du personnel, sécuriser les flux (stupéfiants, argent), investir les profits. Répartition des tâches et partage du butin : telle est la définition même du crime organisé. Or dans ces gangs, on répartit les tâches et partage les profits entre clans. Parfois, on y dispose de comptes en cryptomonnaies (Pays-Bas, Lituanie, etc.).
"Pilonnage" des lieux de trafic - M. Darmanin déclare en octobre 2022 qu'en France (Métropole), depuis le début 2021, les "fours" ont diminué, précisément "de 3 952 à 3 233". S'agissant de "plans" évanescents, de cage d'escalier en coin de murs, couloirs dérobés ou cave de HLM, ce décompte d'apothicaire est risible : un "four" n'est ni une station-service, ni un bureau de tabac. Et, chassé un moment, il réapparaît bientôt au même endroit. Sur les 230 de Marseille, certains disparaissent peut-être plus longtemps que d'autres - mais, dit la police de terrain, du fait de guerres entre gangs, plus que du "pilonnage". Les opérations "coup de poing" ? Quand son "four" rapporte 50 000 €/jour à un caïd, perdre quelques kilos de cannabis n'est qu'une broutille.
Autre mensonge par omission de M. Darmanin : il ne dit mot sur la livraison à domicile ou Uber-Shit, qui remplace des "fours". Dans l'Est de la France, à la mi-2023, une magistrate estime que ces livraisons forment quelque 40% du trafic. Combien à l'échelle nationale et que sait l'Intérieur de ce phénomène ? Silence du ministre.
Qui a pourtant une excuse : il n'est pas bien secondé à Marseille, où la pauvre préfète de police patauge toujours. Sa dernière : sur place, elle veut "couper les tentacules de la pieuvre". Rappel : on appelle la mafia sicilienne "la pieuvre" car, outre ses pseudopodes, elle dispose d'une tête, la "coupole", qui dirige et anime l'ensemble. Quiconque a vu une pieuvre une fois dans sa vie sait cela. Or, existe-t-il une telle tête à Marseille ? Bien sûr que non : on a des gangs de cités dopés à l'argent criminel. Ont-ils une direction commune ? Voire, une simple coordination ? D'évidence, rien de la sorte - puisque ces bandes s'entretuent. Un enfant comprend ça sans peine - pas la préfète.
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