Le grand écart : lutte contre les trafics de drogue, ministère de l’Intérieur et obligation de résultat<!-- --> | Atlantico.fr
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En 2023, Il y a en France plus ou moins 900 000 fumeurs de cannabis au quotidien et désormais, autant de cocaïnomanes réguliers.
En 2023, Il y a en France plus ou moins 900 000 fumeurs de cannabis au quotidien et désormais, autant de cocaïnomanes réguliers.
©MARTIN BERNETTI / AFP

Signaux contradictoires

Le droit distingue l'obligation de moyens, selon laquelle on doit déployer ses meilleurs efforts pour atteindre l'objectif visé en respectant les règles de l'art ; et l'obligation de résultat, où un objectif est donné et doit être atteint.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Rappel : le droit distingue l'obligation de moyens, selon laquelle on doit déployer ses meilleurs efforts pour atteindre l'objectif visé en respectant les règles de l'art ; et l'obligation de résultat, où un objectif est donné et doit être atteint.

Pour le ministre de l'Intérieur, il y a obligation de résultat : on ne lui demande pas de raconter combien de policiers ceci, ou combien d'opérations cela ; il lui faut ramener effectivement la pression criminelle sous le seuil de l'insupportable ; sinon, la porte. M. Darmanin répond-il à cette obligation de résultat ? Pas du tout. Il martèle que la lutte contre la drogue est "la mère de toute les batailles" ? Prouvons-le sur ce point.

Rappel : en 2023, Il y a en France ± 900 000 fumeurs de cannabis au quotidien et désormais, autant de cocaïnomanes réguliers. Le chiffre d'affaire des trafiquants (toutes drogues con­fon­dues, prix au détail) est de ± 4,2 milliards d'€/an.

• L'inondation de cocaïne s'aggrave. En 2022, saisies en France, ± 27 tonnes (19 en 2021) . Cette explosion des saisies tient-elle à une efficacité accrue des services de l'État ? Non : à un déferlement de co­caïne toujours plus massif. À combien de tonnes l'État estime-t-il cette inon­dation ? Quel pourcentage pense-t-il en saisir ? Mystère : M. Darmanin est muet sur le phéno­mène-même qu'il prétend réprimer. Certitude : l'offre de cocaïne explose : preuve, son prix baisse. De ± 80€/gramme en 2020, on la trouve fin 2022 à 60€/g., 30€ le 1/2 g. Ce que con­firme l'OFDT, organisme officiel "Avec une cocaïne qui inonde l'Europe, les prix ont baissé".

• Prolifération du "crack" (cocaïne-base) - stupéfiant d'autant plus dangereux qu'il est bon-marché (±15€ la "galette" de quelques grammes, pour 4 à 5 "fumettes") et que pour lui, nuls produits de soin, sevrage ou substitution n'existent. Le toxicomane tend à fumer son crack à jet continu, sans autre espoir que de mourir à petit feu. Or désormais, notamment à Mar­seille, les dealers "classiques" (cannabis, cocaïne, héroïne) ajou­tent le crack à leur "menu" ; ainsi, se répand-il partout en France.

Retour à Paris : Le 16 septembre 2022, le préfet de police de la capitale claironne dans Le Pari­sien "Le trafic de crack sera éradiqué dans un an". Il ajoute "cela implique de pren­dre en charge les consommateurs pour les faire entrer dans un processus de soin". Quels "soins" ? Il n'y en a pas pour le crack. Un an a passé. 300 à 400 "crackeux" sont toujours éparpil­lés dans les 18e et 19e arrdts., Bou­levards Ney et MacDonald, Porte de la Chapelle et Stalin­grad, jus­qu'à Saint-La­zare et Bonne Nouvelle.

Métastases "marseillaises" partout en France - (Note DCPJ d'octobre 2022). À mesure où les ministres de M. Macron éparpillent des mi­grants partout en France, des supermar­chés de la drogue prolifèrent. Début 2023, voici les villes de toute taille - hier préservées - ou existent des "dérives mar­seillaises" (intimidations, tirs aux jambes, homicides & tentatives, guerres de terri­toires) : Angers, Angoulême, Avignon, Besançon, Brive-la-Gail­larde, Cambrai, Cavaillon, Chalon-sur-Saône, Chenôve, Clermont-Ferrand, Com­piègne, Dijon, Le Creusot, La Roche-sur-Yon, Li­moges, Mâcon, Nantes, Niort, Or­léans, Poitiers, Reims, Rennes, Valence, etc.

Pour le renseignement territorial, les narcotrafiquants de ces villes sont des professionnels ; quoique jeunes, ils savent où et comment acheter la drogue, la vendre, recruter du personnel, sécuriser les flux (stupéfiants, argent), inves­tir les profits. Répartition des tâches et partage du butin : telle est la définition même du crime organisé. Or dans ces gangs, on répartit les tâches et partage les profits entre clans. Parfois, on y dis­pose de comptes en cryptomonnaies (Pays-Bas, Lituanie, etc.).

"Pilonnage" des lieux de trafic - M. Darmanin déclare en octobre 2022 qu'en France (Métro­pole), depuis le début 2021, les "fours" ont diminué, précisément "de 3 952 à 3 233". S'agis­sant de "plans" évanescents, de cage d'escalier en coin de murs, couloirs dérobés ou cave de HLM, ce décompte d'apothicaire est risible : un "four" n'est ni une station-service, ni un bu­reau de tabac. Et, chassé un moment, il réapparaît bientôt au même endroit. Sur les 230 de Marseille, certains disparaissent peut-être plus longtemps que d'autres - mais, dit la police de terrain, du fait de guerres entre gangs, plus que du "pilon­nage". Les opérations "coup de poing" ? Quand son "four" rapporte 50 000 €/jour à un caïd, perdre quelques kilos de can­nabis n'est qu'une broutille.

Autre mensonge par omission de M. Darmanin : il ne dit mot sur la li­vraison à domicile ou Uber-Shit, qui remplace des "fours". Dans l'Est de la France, à la mi-2023, une magistrate es­time que ces livraisons forment quelque 40% du trafic. Combien à l'échelle nationale et que sait l'Intérieur de ce phénomène ? Silence du ministre.

Qui a pourtant une excuse : il n'est pas bien secondé à Marseille, où la pauvre pré­fète de po­lice patauge toujours. Sa dernière : sur place, elle veut "couper les tentacules de la pieuvre". Rappel : on appelle la mafia sicilienne "la pieuvre" car, outre ses pseudopodes, elle dispose d'une tête, la "coupole", qui dirige et anime l'ensemble. Quiconque a vu une pieuvre une fois dans sa vie sait cela. Or, existe-t-il une telle tête à Marseille ? Bien sûr que non : on a des gangs de cités dopés à l'argent criminel. Ont-ils une di­rec­tion commune ? Voire, une simple coor­dination ? D'évidence, rien de la sorte - puisque ces bandes s'en­tretuent. Un en­fant com­prend ça sans peine - pas la préfète.

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