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Le grand doute : et si François Fillon est sorti du jeu, qui pourrait être un candidat de substitution ?
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Ami, si tu tombes...

Alors que François Fillon est confronté à des fortes turbulences dans sa campagne suite à la révélation PenelopeGate, que le candidat à la Présidentielle a évoqué lui même qu'il "renoncerait" en cas de mise en examen, et que les Echos évoquent clairement la possibilité d'un "Plan B", revue de détails de ce qui pourrait advenir en cas "d'empêchement" de l'ancien favori des sondages.

Bruno Larebière

Bruno Larebière

Journaliste indépendant, spécialisé dans l’étude des droites françaises, Bruno Larebière a été durant dix ans rédacteur en chef de l’hebdomadaire Minute. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Jean-Paul II (éd. Chronique, 1998) et De Gaulle (éd. Chronique).

Il prépare actuellement un ouvrage sur Les Droites françaises vues de droite (parution 2017).

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Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Atlantico : Suite aux révélations du Canard Enchaîné impliquant Pénélope Fillon, et en imaginant, dans une sorte de "politique fiction" que le candidat ne puisse être en capacité de se présenter, quels seraient les personnalités susceptibles de reprendre le flambeau du parti Républicain ? Ceci, aussi bien d'un point de vue statutaire qu'au regard des rapports de force politique au sein du parti ?

Bruno Larebière« Statutairement », c’est très simple : une nouvelle primaire de la droite et du centre devrait être organisée, ce qui exigerait que la Haute Autorité de la primaire, qui, par un coup de malchance, s’est dissoute mercredi, le jour de la parution de l’article du Canard enchaîné, se reconstitue !

Les modalités de cette primaire sont est en effet inspirées de l’article 7 alinéa 8 de la Constitution de la Ve République : « En cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats les plus favorisés au premier tour avant les retraits éventuels, le Conseil constitutionnel déclare qu'il doit être procédé de nouveau à l'ensemble des opérations électorales ; il en est de même en cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats restés en présence en vue du second tour. »

Nous sommes ici dans un cas de figure un peu différent puisque le scrutin a eu lieu mais c’est bien une disposition du même type qui s’appliquerait. Si Fillon renonce, on revote !

Ceci pour dire que l’« empêchement » de François Fillon n’entraînerait pas ipso facto son remplacement par le candidat arrivé deuxième, à savoir Alain Juppé. Celui-ci, s’il voulait prétendre à « reprendre le flambeau », devrait à nouveau en passer par une primaire, et je dois dire que c’est heureux. Imagine-t-on qu’un candidat qui renoncerait, parce qu’il serait mis en examen – hypothèse qu’il a évoquée hier soir sur TF1 – soit remplacé par un candidat, qui, lui, je vous le rappelle, a été condamné à quatorze mois de prison avec sursis, assortis d’un an d’inéligibilité, et cela pour quoi ? Pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris !

Mais si on prenait un peu de recul, si tant est que l’on puisse être entendu au milieu du hourvari irraisonné de ces derniers jours ? A cette heure, où en est-on ? Un article mettant en cause François Fillon est paru il y a quarante-huit heures, point. Ah si : le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire. Et on en serait déjà à se demander si Fillon ne serait pas discrédité dans la course à l’Elysée ? Et tout le monde semble d’accord, lui-même inclus, pour dire qu’une mise en examen serait une infamie incapacitante ?

On mesure ici, une fois de plus, les ravages de ce que l’on a appelé la « jurisprudence Balladur », selon laquelle tout ministre mis en examen – ou même simplement suspecté d’avoir commis ou couvert des agissements répréhensibles – doit remettre sa démission, et qui n’a cessé de s’étendre, alors que sa parfaite injustice a été maintes fois démontrée depuis. Je ne prendrai qu’un seul exemple, celui de Gérard Longuet, contraint de démissionner en 1994 et définitivement blanchi de toutes les accusations portées contre lui – et qui lui avaient même valu d’être placé en garde à vue –, mais seulement vingt ans plus tard !

Je rappellerai enfin un principe élémentaire du droit : ce n’est pas à François Fillon de prouver que sa femme a effectivement travaillé pour lui, c’est la justice de démontrer que cet emploi était fictif. En droit français, et c’est tout de même le minimum, on n’a pas à prouver qu’on n’a pas commis un délit !

François Fillon a dit que son « honneur serait atteint » s’il était mis en examen et je ne partage pas du tout ce point de vue, qui est d’ailleurs en contradiction avec ce qu’il prétend être sur le plan politique – sans complexe face à la dictature de la gauche –, car il exprime là sa soumission à la dictature morale du tandem médiatico-judiciaire. Son honneur serait atteint s’il était condamné, et là, c’en serait fini pour de bon de sa carrière politique. Du moins cela devrait, n’est-ce pas Jean-Christophe Cambadélis ?

Christelle BertrandIl semblerait que les rédacteurs de la charte de la primaire et des statuts des Républicains aient oublié d'envisager ce scénario. Rien ne figure dans les textes. On ne peut donc faire que des déductions. Lorsque, entre les deux tours, Alain Juppé hésite à déclarer forfait, il renonce finalement car Nicolas Sarkozy aurait été automatiquement qualifié pour le second tour. Ce cas de figure est évoqué dans l'article 6 de la charte qui dit : «  peuvent (se) présenter (au second tour) les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour ». Si le candidat désigné par la primaire déclare forfait, il serait donc logique que le second soit automatiquement investi. Mais lorsque rien n'est gravé dans le marbre, tout est possible. On l'a vu pour le PS qui n'avait pas prévu le cas où un Président sortant souhaitait se représenter. Les tensions ont été forte entre les pro primaires et les anti. Les pro l'ont finalement emporté.

De la même manière, si François Fillon déclarait forfait, les juppeistes monteraient immédiatement au créneau pour faire valoir les droits de leur champion, et leurs arguments auraient du poids. Reste que les anti juppeistes pourraient arguer du fait que la ligne politique choisie par les électeurs est loin de celle défendue par le maire de Bordeaux et qu'un candidat plus à droite serait plus fidèle à l'esprit du vote de novembre. Mais, dans ce cas, je ne vois pas comment éviter une nouvelle primaire. D'autant que l'idée que les électeurs, en votant Fillon, ont choisi une ligne politique plutôt qu’une autre est un postulat discutable dans le sens où, dès le lendemain de l'élection de François Fillon, ses propres électeurs contestaient son positionnement catholique et libéral.

Une solution de rechange, un candidat providentiel peut-il émerger au sein des Républicains? Etant donné que la primaire semble avoir disqualifié beaucoup de personnalités, quelles sont celles que l'on pourrait voir émerger dans un tel cas de figure ? Xavier Bertrand ? Laurent Wauquiez ? Les soupçons qui pèsent sur tous du fait de la probabilité d'une trahison interne ne risquent-ils pas simplement de rendre toute candidature alternative suspecte et inopérante ?

Bruno Larebière : Pourquoi ne citez-vous pas Michèle Alliot-Marie ? Ou Henri Guaino ? Ou le général Tauzin ? Ou le maire du village où j’ai appris à nager et dont je veux vous assurer que c’est quelqu’un de très bien – surtout qu’il ne fait pas de politique !

Encore une fois, comme par hasard, je vois les chiraquiens se pourlécher les babines à l’idée de pouvoir prendre leur revanche, eux qui n’ont de cesse, depuis leur défaite cinglante à la primaire, de vouloir infléchir le programme de celui qui a plébiscité, et viennent prétendre qu’ils n’ont certes pas su gagner la primaire, mais qu’ils savent comment faire pour gagner la présidentielle !

Ces gens-là ont toujours œuvré contre leur camp, du moins contre ce qui devrait être leur camp, en tout cas contre la droite.

Ce sont les chiraquiens, qui, en 1981, ont porté François Mitterrand au pouvoir, après une campagne éhontée contre Giscard montée, entre autres, par Charles Pasqua, où l’on a vu les militants chiraquiens – je suis bien placé pour en parler, j’en étais ! mais je plaide l’excuse de minorité – coller sur les affiches de Jacques Chirac d’immenses autocollants en forme de diamant – on était en plein dans l’affaire des diamants de Bokassa révélée, hasard, par le Canard enchaîné –  et apposer des bandeaux aux lettres sanguinolentes « Brejnev vote Giscard ». Sans parler des « gaullistes de gauche » qui avait carrément appelé à voter pour le candidat socialiste.

Ce sont également les chiraquiens, fortement aidés il est vrai par François Bayrou et par Marine Le Pen, qui ont préféré faire élire François Hollande à l’Elysée en 2012 plutôt que d’y reconduire Nicolas Sarkozy, et cela sans complexe puisque la liste est longue de tous ceux qui ont confié, avant ou après l’élection, avoir voté pour Hollande.

Plus crade que les guerres internes à la droite, je ne connais pas. Vous avez aimé le duel Balladur/Chirac de 1995 ? Vous allez adorer 2017 ! D’ailleurs, vous l’aimez déjà, non ? Emmanuel Macron, lui, la goûte déjà avec gourmandise.

Christelle Bertrand : A part, Alain Juppé, aucun autre candidat n'aura la légitimité pour s'imposer hors primaire. Sûrement pas Nicolas Sarkozy, ni aucun des candidats à la primaire et encore moins un homme providentiel qui n'aurait pas eu l'idée de se présenter en novembre et qui aurait brusquement changé d'avis. Une nouvelle primaire devrait donc être organisée au plus vite. A partir de là, il est compliqué d'imaginer qui sera candidat. On peut exclure une candidature de Nicolas Sarkozy encore marqué par son score, tout comme Bruno Le Maire qui ne devrait pas retenter l'expérience. Laurent Wauquiez pourrait profiter du vide laissé par Nicolas Sarkozy pour tenter sa chance. Quant à Xavier Bertrand, puisque vous citez son nom, je ne crois absolument pas qu'il quitterait sa région alors qu'il a promis, il y a à peine plus d'un an, à ses électeurs de se consacrer entièrement à sa tache. On sait que les électeurs ne pardonnent pas ce genre de trahison. Il le sait aussi, le répète souvent. C'est pour cette raison qu'il a toujours dit que 2017 n'était pas son élection.

L'appareil de parti et les courants de pression qui le composent sont-ils aujourd'hui devenus trop instables pour être contrôlés par un candidat issu des primaires ? L'avenir est-il à la candidature sans parti, comme la prône Jean-Luc Mélenchon et surtout Emmanuel Macron ?

Bruno Larebière : C’est surtout que les divergences sont trop profondes au sein même de ces partis, que ce soit chez les Républicains ou au Parti socialiste. Le PS issu du congrès d’Epinay vit sans doute ses derniers instants, le temps que les rapports de force s’établissent et que les uns se tournent vers Macron, les autres vers Mélenchon. Quant aux Républicains, ils ne sont plus qu’une coalition d’intérêts convergents vers la répartition des postes en cas de victoire, mais sans plus de cohésion sur le plan des idées.

On peut souhaiter la disparition des partis politiques, et nul mieux que Simone Weil n’en a dressé le réquisitoire dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques, (écrite dès 1940, parue en 1950 et rééditée en 2006 par les éditions Climat), dont on retrouve une analyse très proche dans le récent ouvrage de Guillaume de Thieulloy, Les Partis contre la France (éditions de la Délivrance).

Mais on le voit très bien avec la candidature d’Emmanuel Macron : sans parti – disons sans véritable parti –, on glisse alors vers la remise du pouvoir, non plus aux « courants de pression » qui ont au moins l’avantage de représenter des sensibilités politiques différents, mais aux groupes de pression, autrement dit aux lobbies, qui n’ont, eux, aucune légitimité et ne défendent que leurs propres intérêts.

Je crois la question impossible à résoudre. Une clarification – ce serait déjà mieux que rien – pourrait survenir par l’implosion de tous les partis existants et par une recomposition complète du paysage politique française sur des bases idéologiques. On n’en est pas là mais sait-on jamais…

Christelle Bertrand : Un candidat élu par des primaires peut avoir du mal à s'imposer au sein de son propre parti. En effet, il n'est pas candidat parce qu'il tient l'appareil, comme c'était le cas lorsque les primaires n'existaient pas. D'autres que lui étaient aux commandes encore hier, d'autres dont les proches peuvent s'employer à faire trébucher le nouvel entrant. C'est ce qu'on fait les aubrystes avec François Hollande. Mais ils ont attendu que le lendemain de la victoire. Cette fois, on peut imaginer que la fronde contre François Fillon commence un peu plus tôt. Mais il n'y a fronde que lorsqu'un candidat est faible. C’est parce que François Fillon a commis des maladresses que ses adversaires se réveillent. Parce qu'ils doutent de sa capacité à les emmener vers la victoire. Mais il est quand même extrêmement difficile de déstabiliser un candidat qui tire sa légitimité d'une élection large, tant du point de vue du score que de celui du nombre de participants à la primaire. Je pense que François Fillon n'est pas sur le point de déclarer forfait et c’est bien là la force d'un candidat élu par rapport à un candidat auto désigné.

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