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Le consommateur sera toujours plus malin que l’électeur mais les responsables politiques ne veulent pas le savoir
©Reuters

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Brexit, gilets jaunes, populisme… Quand les citoyens prétendent avoir le pouvoir, les consommateurs qu’ils sont, ils décident autrement. Bizarre, non ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Quand le citoyen est électeur, il croit souvent aux promesses qu’on lui fait. Mais quand il redevient consommateur, il n’y croit plus et s’avère beaucoup plus malin. Le responsable politique élu se retrouve en porte à faux. C’est ce qui se passe en Grande-Bretagne, ce qui se passe désormais souvent en Europe. En Italie, en Grèce et qui sait demain en France ?

L’aventure désastreuse du Brexit va faire beaucoup de dégâts dans la classe moyenne britannique et des victimes dans le personnel politique garant de la démocratie, à commencer par Theresa May. Le mouvement des Gilets jaunes en France est en train de s’éteindre parce que les occupants des ronds-points croyaient incarner le peuple et par conséquent, détenir le pouvoir. Ils ont découvert qu’en redevenant consommateurs, salariés ou contribuables, ils avaient d’autres besoins que des vagues promesses impossibles à tenir.

En clair, l’histoire ancienne et récente de la vie en société montre que le consommateur est beaucoup plus malin que l’électeur.

C’est très simple, l’électeur pense que son vote va faire émerger un législateur intelligent et généreux puisqu’il promet de régler tous ses problèmes et de répondre à ses aspirations. C’est la promesse que font les candidats au pouvoir. Et les promesses ne manquent pas : il faut évidemment baisser les impôts et augmenter les services publics (tous les services publics, quelqu’en soit le prix) et cela en dépit d’un endettement dont on ne se méfie pas alors qu’il finira par nous étouffer tous. Il faut aussi garantir la sécurité de la planète en luttant contre la dégradation de l’environnement, sans efforts supplémentaires et surtout sans attenter à la croissance etc.

Le même électeur, quelques mois plus tard, en reprenant sa casquette de salarié, va s’inquiéter pour la pérennité de son emploi, la solidité de son entreprise, le montant des investissements et au final de la croissance. Il accepte que certaines promesses qu’il a entendues comme citoyen-électeur soient retardées ou supprimées.

Le même électeur devenu salarié va prendre sa casquette de consommateur et là, on va découvrir un acteur totalement différent. Alors parfois, ce consommateur cèdera aux sirènes de la publicité, il cèdera aussi aux sollicitations d’une surconsommation, qui suscitera tantôt des indigestions coupables, et tantôt beaucoup de frustration.

Mais globalement, ce consommateur va néanmoins se montrer extrêmement malin, c’est à dire intelligent, rationnel et lucide. Il va peser et comparer les offres, il va faire jouer la concurrence, jouant sur le prix et la qualité. Il va voter à chaque instant de sa vie quotidienne pour ou contre tel ou tel produit ou service. Le digital va d’ailleurs lui donner les moyens de pratiquer cette forme de démocratie directe en l'autorisant à changer de banquier, d’assureur ou d’opérateur téléphonique par un clic de souris.

Ce consommateur va même donner un sens nouveau au producteur. Sans trop avoir besoin d’une intervention de l‘Etat, ou de la fiscalité, il peut obliger l’entreprise à réorienter sa stratégie, il peut forcer l'usine de son village à être moins polluante, il peut pratiquement tout se permettre. Obliger l’agriculteur à produire bio et la grande distribution à distribuer ces mêmes produits bio.  Le consommateur a le droit de vie ou de mort sur une marque. Il a fait la notoriété de Nutella, il peut demain la défaire. La RSE (la responsabilité sociale et environnementale) n‘a pas été imposée par le législateur, elle a été inventée par des chefs d’entreprises sous la pression de leur environnement et de leurs parties prenantes,  les clients, les salariés et les actionnaires.

Les marques sont en général solides, tant que la promesse qu‘elle porte est réalisée. Si la marque ne tient pas sa promesse, elle peut se défaire très vite. Le consommateur est impitoyable.

Quand il est électeur, il avale tout ou presque, quand il est consommateur, ils ne pardonnent rien. Et c’est pourtant le même cerveau.

Ce qui est incroyable dans ce paradoxe, c’est que jusqu'à maintenant, les responsables politiques ont fait semblant de connaître cet aspect schizophrénique du citoyen-consommateur. L‘homme politique sait qu’il ment, le citoyen le sait aussi, n’empêche qu’il n’en tiendra pas compte et l’homme politique en bénéficie pour accéder au pouvoir. Une fois élu, l’homme politique qui exerce le pouvoir est confronté au consommateur.  Nous sommons donc plongés au cœur d’une partie de poker menteur.

Le fait nouveau aujourd’hui, c’est que cette partie  connaît quelques bugs. Le Brexit anglais à qui on a raconté des sornettes sur le Brexit, ne comprend plus rien. Le gilet jaune va rester chez lui parce qu’il se trouve confronté aux difficultés de la vie.

Les hommes politiques essaieront de moins mentir, mais le pourrons-ils ? Depuis Machiavel, « les experts en sciences politiques nous expliquent que les gouvernances (démocratiquement élues ou pas)  doivent très rapidement se frotter à la contrainte des marchés. Les gouvernances n’y échappent pas sinon, elles sont emportées au mieux par un vote de défiance, au pire par une révolution. »

La 4e république est morte parce qu’elle était en faillite et que la faillite engendre la perte d’autonomie ou d’indépendance. Le FMI frappait à la porte et il fallu toute l’énergie et le pouvoir personnel du Général de Gaulle pour s’en débarrasser et se protéger.

François Mitterrand a payé quelques promesses qu’il avait faites pour assurer son élection de 1981, mais très vite il a changé de stratégie pour sauver son équilibre économique.

La plupart des gouvernants ont dû s’adapter au pouvoir des consommateurs. Donc la plupart des candidats savent que si le mensonge politique leur permet de gagner le pouvoir, ils savent aussi qu’en cours d’exercice, l’électeur consommateur les obligera à changer de trajectoire et plus grave , qu’il ne leur pardonnera pas le mensonge originel.


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