La Suède a la surmortalité post-Covid la plus faible d’Europe. Quelles leçons ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La Suède n'a appliqué aucun confinement strict pendant la pandémie.
La Suède n'a appliqué aucun confinement strict pendant la pandémie.
©Claudio BRESCIANI / TT News Agency / AFP

Sur le tard

La Suède, le seul pays à ne pas avoir appliqué de confinement strict, a le taux de surmortalité pendant la pandémie de Covid le plus faible d'Europ

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : La Suède, le seul pays à ne pas avoir appliqué de confinement strict, a le taux de surmortalité pendant la pandémie de Covid le plus faible d'Europe, selon des statistiques publiées récemment et relayées par un professeur de Médecine de Harvard, Martin Kulldorff. Quels sont les principaux enseignements et les leçons de cette donnée ?

Antoine Flahault : Trois pays nordiques, la Suède, la Norvège et le Danemark se classent dans un mouchoir de poche sur le podium du plus faible excès de mortalité en Europe, pendant la période pandémique. L’Islande et la Finlande se retrouvent classés juste après. Or, il est intéressant de noter que le Danemark fut le premier pays d’Europe à avoir confiné sa population, juste après l’Italie alors que la Suède, comme vous l’avez mentionné, n’a pas décrété de confinement. Il semble donc difficile d’attribuer les performances sanitaires que nous constatons à la seule question du confinement. La réalité semble plus complexe que ce raisonnement trop manichéen.

Ce taux de surmortalité faible est-il lié en réalité à un bon traitement des maladies cardiovasculaires en Suède ayant limité le nombre de personnes à risque lors de la pandémie ? Cela s’explique-t-il par la meilleure hygiène de vie des Suédois (moins de fumeurs ou de maladies cardiaques) ou grâce à un système de santé de qualité dans ce pays ?

Il me semble en effet plus pertinent de chercher à mieux comprendre les différences entre les pays vis-à-vis des principaux déterminants de santé pour tenter d’expliquer ces écarts observés. Que partagent les Suédois et les pays nordiques qui les différencient ainsi des autres pays européens ? Les Suédois fument moins que tous les pays de l’OCDE. En Suède, la vente d’alcool a été déprivatisée depuis les années 1950 et la consommation d’alcool par habitant y est de 30% inférieure à celle des Français. Les Suédois marchent davantage, ont une alimentation très saine, à base de poissons, fruits de mer, de baies et de beaucoup moins de viande rouge que dans le reste de l’Europe du sud. Les amortisseurs sociaux y sont très développés dans cet État providence. Mais la France, la Belgique ou l’Allemagne qui ont également un système social très développé engrangent aussi les fruits de ces investissements, car elles sont toutes trois classées dans le Top 10 des pays européens les plus performants en termes d’excès de mortalité durant cette pandémie.

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Ces données et ces chiffres doivent-ils nous amener à nous interroger sur les stratégies liées au confinement déployées lors de la pandémie de Covid-19 ? La Suède n’ayant pas appliqué de confinement strict est-elle le contre-modèle positif par rapport aux pays comme la Chine ou l’Australie qui avaient déployé une stratégie Zéro Covid et qui ont pourtant été touchés par une forte mortalité ?

J’ai discuté personnellement avec Anders Tegnell, le médecin épidémiologiste responsable de la gestion de la pandémie à l’Institut national de santé publique en Suède. Il est d’ailleurs à l’origine de cette figure que nous analysons ici ensemble. Eh bien, il ne partage pas l’idée pourtant répandue que les stratégies aient été fondamentalement différentes entre son pays et les autres. La mobilité des Suédois s’est tout autant effondrée durant la pandémie, en l’absence de confinement décrété par les autorités. Ainsi, aucun décret n’a interdit de se déplacer, et pourtant au printemps 2020 les avions étaient tous cloués au sol sur les lignes domestiques en Suède… faute de clients. Les Suédois détestent les interdits mais ils sont des citoyens mesurés et confiants envers leurs autorités et leurs scientifiques. Durant le (très beau) week-end de Pâques 2020, les Suédois auraient pu s’évader sur leurs côtes, dans leur archipel, comme à leur habitude. Eh bien le trafic routier était effondré, à moins de 10% de celui de Pâques 2019. Les bars et les restaurants recevaient tellement peu de clients à Stockholm ou Göteborg que la plupart ont fermé… sans aucun décret. Les Nordiques fonctionnent différemment des Français, des Italiens ou des Espagnols. De même, l’Allemagne, la Suisse où les Pays-Bas, n’ont pas non plus connu d’assignation à résidence et leur mobilité ne fut plus importante que celle des pays du sud de l’Europe. 

Cette statistique s’explique-t-elle en partie par la faible densité de la population en Suède ou par des spécificités suédoises annexes ?

Il est vrai que la densité de la population est moins forte dans certaines parties de Suède, cependant Stockholm est une grande métropole. Le pourcentage de foyers où ne vit qu’une seule personne est plus important dans les pays nordiques que dans ceux du sud, ce sont autant de facteurs qui peuvent influencer une dynamique épidémique. Cela-dit, les prévisions catastrophiques des modèles mathématiques de l’Imperial Collège de Londres sur le cas suédois ne se sont pas avérées exactes. Ces modèles étaient clairement trop simplistes et ne tenaient pas compte des différences culturelles, de l’indice de confiance envers les autorités, des autres déterminants de santé et du système d’amortisseurs sociaux que nous avons évoqués.

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