La stratégie chinoise de nucléaire militaire risque de relancer la course à l’armement de la planète <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Le président chinois Xi Jinping lors d'un discours devant des soldats de l'Armée populaire de libération dans une caserne à Hong Kong, le 30 juin 2017.
Le président chinois Xi Jinping lors d'un discours devant des soldats de l'Armée populaire de libération dans une caserne à Hong Kong, le 30 juin 2017.
© CRÉDITDALE DE LA REY / AFP

Velléités expansionnistes

La Chine a fait des progrès significatifs dans la construction de silos à missiles nucléaires. Cette course à l'armement est-elle révélatrice des velléités expansionnistes du régime chinois ?

Emmanuel Véron

Emmanuel Véron

Emmanuel Véron est géographe et spécialiste de la Chine contemporaine. Il a enseigné la géographie et la géopolitique de la Chine à l’INALCO de 2014 à 2018. Il est enseignant-chercheur associé à l'Ecole navale.

Voir la bio »

Atlantico : Les Etats-Unis ont annoncé ce jeudi que la Chine avait fait des progrès significatifs dans la construction des silos à missiles nucléaires. Qu’est-ce qui explique la volonté chinoise de s’armer de la sorte ?

Emmanuel Veron : Le rapport annuel du département américain de la défense estime que la Chine disposera de 1 000 têtes nucléaires en 2030. Cela fait suite à plusieurs annonces depuis au moins le milieu de l’année 2020, où les Etats-Unis par la voix de diverses institutions, images satellites à l’appui. Plusieurs sites ont ainsi été « dévoilés » dans le grand ouest du territoire chinois ou plus proche de la capitale (Mongolie-Intérieure), Pékin, centralité du pouvoir politique et militaire. Il est à noter que le chef de la rédaction de Global Times (journal chinois) annonçait avec provocation en 2020 la multiplication des têtes nucléaires…

Contrairement à ce que les autorités annoncent ou annonçaient, y compris dans le dernier livre Blanc de la Défense à l’été 2019, la démultiplication des capacités nucléaires militaires chinoises confirme l’opacité de la modernisation des armes, voire une forme de duplicité quant au nombre et à l’usage. Aussi, le signal est clair. La recherche de la parité stratégique avec les Etats-Unis (3 800 têtes) par Pékin a toujours motivé la modernisation des armées, des moyens et des doctrines. De plus, dans l’environnement stratégique asiatique, Pékin se veut être la puissance, et cela passe par l’arme nucléaire, supérieure au moyen des voisins nucléarisés : Inde, Pakistan, Corée du Nord, voire Iran…Ainsi, Pékin développe son arsenal et des moyens de protections autour de ses silos et têtes.

À Lire Aussi

Le 14e plan quinquennal chinois est moins ambitieux que ses prédécesseurs. Et la Chine pourrait s’en trouver gagnante

Cela ne va-t-il pas à contre-courant du désarmement nucléaire depuis la fin de l'URSS ? Faut-il craindre une course à l’armement dont ce serait le point de départ ?

Cela est en contradiction avec le processus de désarmement engagé depuis plusieurs décennies. C’est un signal évident que l’environnement stratégique mondial n’est plus à « une fin de l’histoire » et d’un triomphe des démocraties libérales, mais plutôt d’un niveau de conflictualité important entre modèle de gouvernance et vision de l’organisation du système international. Si la Russie et les Etats-Unis sont dans une logique d’amélioration de leurs moyens, la Chine souhaite augmenter ses capacités pour modifier à terme l’équilibre stratégique international.

A ce stade, Pékin rétorquera toujours que ses capacités restent inférieures à celles des Etats-Unis ou de la Russie. Manifestement tous les signaux sont au vert pour suivre un nouveau mouvement de « course » à l’armement, à relier aux autres armes : cyber, marine, spatial, air et terre…des armes hypervéloces, des armes nucléaires à faible rendement ou encore des systèmes nucléaires navals autonomes…

Ces silos de missiles pourraient abriter des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) du type DF-41 (qui avaient été présentés lors du défilé militaire de 2019 place Tian’anmen). Ces missiles peuvent porter des têtes multiples et une portée de 15 000 kilomètres.

On a longtemps entendu que la Chine ne cherchait que le contrôle de son territoire et n’avait pas de velléités expansionnistes. Cet armement indique-t-il le contraire ?

À Lire Aussi

Vers une guerre entre la Chine et les Etats-Unis ?

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la Chine dans sa longue histoire a su mettre en œuvre une forme de gouvernance originale qui n’a que peu changé depuis 2000 : un pouvoir fort auto-centré et un développement plutôt continental. En résulte une expansion de ce modèle (par colonisation/sinisation) du nord au sud, de l’est (façade maritime) jusqu’à l’ouest, là où se cartographie l’actuelle Chine populaire. Cette arme (nucléaire) reste intimement liée à la question de la puissance et de la dissuasion. Géographiquement, les sites de ces silos sont concentrés essentiellement dans trois zones du territoires chinois, la grande majorité dans le grand ouest, dans la province du Gansu (Yumen), dans la région autonome du Xinjiang (Hami) et en Mongolie-Intérieure (Jilantai). Plus précisément, les silos de missiles de Yumen et de Hami sont hors de portée des missiles de croisières conventionnels. En cela, le grand ouest chinois, profondeur stratégique, est idoine pour la « sécurisation » de la matrice territoriale chinoise, mais aussi pour mener des offensives en direction de l’Asie orientale ou du continent nord-américain (d’où l’inquiétude américaine). La question est de savoir si Pékin résistera à sa doctrine « de frappes en représailles en cas d’attaques adverses »…

À Lire Aussi

Chine : Xi Jinping, tout puissant mais en situation délicate

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !