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La peur de l’inflation fait son grand retour. Avec toujours aussi peu de fondement quand on regarde les chiffres de près
©BRANDON BELL / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES VIA AFP

Peur bleue

Les titres de nombreux articles affichent une inflation fortement en hausse, mais en y regardant de plus près les risques sont quasiment nuls.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Certains s’inquiètent d’un retour de l’inflation en France, qu’en est-il ? 

Don Diego de la Vega : Le premier réflexe à avoir est de rappeler que cela fait bientôt 40 ans que l’on nous parle du retour de l’inflation. Elle a été terrassée en 1982 et depuis elle est à la fois basse, canalisée, anticipée, plutôt baissière (4% dans les années 1980, 3% en 1990 et l’on moyenne à 1% depuis 2008). Donc dans ce cadre-là quand on a un trend commun à tous les pays occidentaux (et globalement à presque tous les pays) qui est celui d’une désinflation globale depuis 40 ans, malgré des politiques diverses et variées, c’est un phénomène de fond. Il est désinflationniste voire déflationniste et dans les cas japonisant. C’est dans ce cadre que doivent être appréhendées les variants d’une année sur l’autre. Si l’on n’a pas ce réflexe, on s’excite sur les données annuelles, soumises à des effets de base important. De plus, on confond souvent le niveau général des prix et les prix relatifs.

L’inflation c’est la hausse du niveau général des prix, si ce sont les prix relatifs qui augmentent, cela signifie que vous allez aussi payer certaines choses moins chères plus tard. Pour que l’inflation soit pérenne, par exemple sur les prix du pétrole, il faut qu’elle se répète sur plusieurs années. Par ailleurs, puisque vous payez votre essence plus chère, vous allez moins acheter de DVD, ce qui pèse sur la consommation non pétrolière et sur les prix. Donc le plus souvent, l’année suivante, il y a plutôt une baisse des prix. Ce qui compte ce sont les tendances globales. Il n’y a pas eu d’inflation durant l’année 2020, car il n’y a pas eu d’activité. Donc cette activité il y a, normalement, un mouvement de ressort, c’est ce qu’on appelle les effets de base. Il était évident qu’on allait entendre des inquiétudes sur le retour de l’inflation, mais ce qui me surprends c’est la capacité de story telling des commentateurs qui prennent un élément isolé pour prouver l’inflation. Or la macro-économie n’est pas une somme d’anecdotes. L’inflation est un phénomène monétaire et cela fonctionne aux anticipations. Le taux américain a 10 ans est à 1,3%. Aucun investisseur américain n’achèterait si on anticipait une inflation de 5% par an. Donc ce ne sont que des anecdotes sectorielles temporaires qui sont racontées. On parlait beaucoup du bois cet hiver, maintenant cela fait pschitt. Le problème c’est que cela crée beaucoup de diversions qui font qu’on ne parle pas du fond : la poursuite des tendances déflationnistes lourdes qui hantent la zone euro. 

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Qu’est ce qui explique que certains aient le sentiment d’une inflation ? 

Ce ne sont que des effets de base. Comme il n’y a pas eu d’inflation du tout l’année dernière, mécaniquement en comparant une année sur l’autre, on va observer de l’inflation. C’est un peu pareil que pour la croissance française, quand Bruno Le Maire s’extasie d’une croissance à 5 ou 6 % cette année en France c’est une erreur sévère d’analyse économique. Dans un pays qui a fait -8,5 % en 2020, il est normal qu’on ait au moins 5 ou 6%, mais ce n’est pas de la croissance, c’est du rattrapage. C’est le sophisme de la vitre cassée qu’énonçait Frédéric Bastiat. 

A court et moyen termes quels sont les risques que peut engendrer cette peur de l’inflation qui refait surface ?

C’est d’abord un révélateur du manque de culture économique et monétaire, y compris chez les décideurs, dont les décideurs de la politique monétaire à Francfort. Ensuite, c’est gênant car prédire pendant 40 ans un retour de l’inflation qui ne se produit pas, c’est comme crier au loup. L’inflation n’est pas près d’arriver mais imaginons que l’on change de cadre et que cela entraine un choc inflationniste durable, je crains que les alertes de ceux qui crient au loup n’aient pas la même efficacité. Troisièmement, c’est une diversion. Croire à une inflation pérenne mène à une mauvaise allocation des ressources. Par exemple en achetant des obligations indexées ou de l’or. Comme ils n’ont pas le bon pricing de l’inflation présente et future ils n’ont pas celui des taux d’intérêts donc ils n’analysent pas bien les taux réels et nominaux ou les taux de change. Toute leur allocation est donc orientée dans le mauvais sens et ça participe à la marge de la baisse de la croissance. 

Y-a-t-il un discours inflationniste crédible ? 

Si je devais avoir un discours inflationniste, ce qui n’a jamais été le cas heureusement, je soulignerai un point. Il y a une chose qui est inflationniste : tout ce qu’on fait en France, en particulier dans les services publics. L’inflation c’est financer avec de l’argent qu’on n’a pas des dépenses inutiles. Si c’est ça la France est fondamentalement inflationniste.

Mais nous n’avons pas d’inflation car nous avons l’euro et nous importons de manière importante. Le pouvoir d’achat en France depuis trente ans vient d’Asie. Si on peut s’acheter un téléviseur grand écran, c’est parce que des Taiwanais, des Japonais ou des Chinois ont travaillé et nous l’avons importé. Tout ce qui a baissé en termes de prix est importé ou soumis à une concurrence, et tout ce qui a augmenté est ce qui est soumis à impôt, monopole ou production locale. Il peut donc y avoir de l’inflation sur la partie qui dépend le plus de nous car nous sommes. Dès que nous sommes en concurrence avec d’autres ou que l’on produit chez d’autres, nous devenons très bons et de mieux en mieux. Mais il y a une dérive des couts compensée par le système monétaire et la concurrence et les importations. On a compensé notre penchant national à l’inflation de manière idiote par l’euro et de manière intelligente par l’ouverture à l’international.

Si l’on veut réfléchir à la l’inflation comme un sujet de commerce international (et je maintiens que ce n’est pas le cas car c’est un phénomène monétaire) et donc en termes d’ouverture fermeture, ce serait très inquiétant. Si on se met à faire du protectionnisme ou que la Chine se ferme, c’est l’Armageddon. Mais ce n’est absolument pas à l’ordre du jour. Cependant dès qu’on fait une mesure protectionniste, comme pour les semi-conducteurs, on le paie. 

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