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Une jeune femme consulte le guide d'un Forum pour l'emploi.
Une jeune femme consulte le guide d'un Forum pour l'emploi.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Marché du travail

Le gouvernement et la majorité se félicitent de voir le plein emploi en vue. Mais que nous disent les chiffres sur la métropolisation de l’économie et son impact social ?

Laurent Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant, membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Le gouvernement et la majorité se félicitent de voir le plein emploi en vue. Mais derrière les bons chiffres du chômage global, l’amélioration est-elle uniforme ?

Laurent Chalard : Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’au niveau national, on reste sur des chiffres nationaux qui restent bien éloignés du plein emploi, mais avec des variations extrêmement importantes en fonction des territoires. Au premier abord, on remarque qu’il y a des départements avec de faibles taux de chômage. Ce sont essentiellement des départements ruraux, éloignés des grandes métropoles. Ainsi, le Cantal présente un taux de chômage de 4,5%, la Lozère à 4,7% de chômeurs, les Deux-Sèvres en ont 5,4%, l’Aveyron 5,7%… Cela peut paraître contre-intuitif puisque a contrario, dans certains départements très urbanisés, les taux de chômage sont bien plus élevés, comme dans l’Hérault, le Nord ou la Seine-Saint-Denis. Qu’est ce que cela signifie ? Que le taux de chômage est un très mauvais indicateur pour analyser l’évolution de l’emploi à l’échelle des territoires. Cela est dû aux migrations car dans les territoires où il n’y a pas d’emploi, les jeunes migrent vers les régions ou il y en a plus, ce qui fait que le taux de chômage est faible. Ainsi, on se rend compte que le Cantal a perdu 3000 emplois depuis 2008, ce qui n’indique pas un quelconque développement économique. Inversement, dans les territoires qui créent de l’emploi, à savoir les grandes métropoles, il y a un appel d’air d'actifs, ce qui contribue à augmenter le taux de chômage.  

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Philippe Crevel : Sur le territoire français, il y a des évolutions contrastées et des différences de structure économiques au sein des différentes régions en matière d’emploi. Ainsi, certaines régions ou agglomérations s’en sortent mieux que d’autres. Les facteurs de création d’emploi sont multiples et il est toujours difficile de faire une cartographie de l’emploi, même si les régions marquées par une forte croissance démographique comme la Corse créent plus d’emploi que celles en déclin. C’est aussi le cas de bassins d’emploi comme Rennes ou Nantes, de l’agglomération parisienne ou de la région lyonnaise. D’autres régions plus difficiles comme le Nord ou une partie du Grand-Est font face à plus de difficultés. Mis à part la croissance de la population, ces créations d’emploi sont liées au dynamisme de certaines villes comme à Angers, Le Mans mais aussi Annecy ou Grenoble qui arrivent à lier le tourisme et les activités sportives. Le cas de la Corse est plus particulier, puisqu’il est marqué par des activités de services domestiques et bien évidemment le tourisme.

Actuellement, quelles sont les régions qui créent des emplois ?

Laurent Chalard : Depuis la crise du Covid, la création d’emploi est relativement forte dans les départements littoraux, qui présentent une meilleure attractivité économique. Les individus se sont déplacés vers les bords de mer, notamment dans les Pyrénées-Orientales, l’Hérault, le Var ou encore la Gironde. À contrario, depuis la pandémie, l’évolution de l’emploi est moins favorable en Ile de France. Ainsi, et c’est un événement conjoncturel lié à la crise sanitaire, le département des Yvelines a perdu un peu moins de 10 000 emplois entre 2019 et 2021. Il en est de même pour les Hauts-de-Seine.  

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Et au sein des régions, quelles sont les zones ou territoires qui créent ces emplois ?

Laurent Chalard : Comme je l’expliquais précédemment, les littoraux créent beaucoup d'emplois non pas grâce à une activité productive mais grâce à l’attrait de retraités, de touristes, de personnes ayant des résidences secondaires … Mécaniquement, cela entraîne un développement de l’économie, un boom du BTP, des services à la personne … En termes d’activités productives, on a du mal à avoir une vision claire de la situation post-Covid. Si avant la pandémie, la situation était nette et que l’activité se concentrait dans les grandes métropoles, on a depuis beaucoup de mal à savoir quels départements sont les grands gagnants puisque l’économie n’est pas encore revenue à la normale. De plus, la crise ukrainienne renforce cette incertitude économique. 

Philippe Crevel : Les agglomération urbaines créent plus d’emplois tertiaires que d’emplois liés à l’industrie, dont les activités sont davantage situées en périphérie des villes voire en milieu rural ou semi-rural. Désormais, l’industrie ne détruit plus d’emploi mais n’en crée pas, à la différence des secteurs tertiaires, de la logistique ou des services aux ménages. Cela favorise les métropoles comme Lyon, Bordeaux ou Toulouse, même si cette dernière est un peu moins créative ces dernières années à cause des problèmes du secteur de l’aéronautique.

La tendance de la métropolisation de l’économie a donc été inversée ?

Laurent Chalard : La métropolisation de l’économie était très claire sur la période 2008/2020. Nous étions sur une logique d’hyper-métropolisation avec une concentration des emplois dans les grandes métropoles. Depuis la crise sanitaire, la situation est beaucoup plus floue puisque les grandes métropoles n’affichent plus de meilleures performances économiques que le reste du territoire national. Pendant les périodes de confinement, les métropoles ont été pénalisées suite à la fermeture des frontières. Maintenant que cette page est tournée, nous allons voir si cette stagnation se confirme. 

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Philippe Crevel : La métropolisation de l’économie est en route depuis les années 1990. C’est une constance forte en matière de création d’emploi, même si on voit une évolution ces dernières années, puisque les plus grosses métropoles comme Paris sont moins dynamiques par rapport aux villes que j’ai citées précédemment. Les villes de Orsay et Saclay en région parisienne ou des villes de 200 000 habitants sont ainsi plus créatrices que la capitale. 

Quel est l’impact social de ce constat ? La fracture territoriale est-elle en train de continuer à se creuser ?

Laurent Chalard : Dans le sens ou l’évolution de l’emploi est désormais meilleure dans les territoires ruraux, c’est plutôt positif, puisque la situation de l’emploi y était plus mauvaise avant la crise de la Covid-19. Le rééquilibrage de la dynamique de l’emploi au niveau national est donc salutaire, même si tous les territoires ruraux n’en ont pas profité. Il reste donc à savoir si cette situation va se pérenniser. Pour le moment, la fracture territoriale s’est stabilisée mais il est trop tôt pour savoir si ce phénomène va perdurer. L’idéal serait que les tendances vécues depuis le Covid se confirment dans les prochaines années, ce qui sous-entend que nous avons besoin d’une politique de réindustrialisation de la France puisque si réindustrialisation il y a, les nouvelles industries ne s’installeront pas dans les métropoles, où elles ne trouveront pas la main d’oeuvre nécessaire et ou le foncier est plus cher. L’avenir de la fracture territoriale est donc très lié à la réindustrialisation du pays.

Philippe Crevel : Deux grandes catégories d’emploi sont aujourd'hui dynamiques : l’emploi de service, lié à l’aide à la personne, à la logistique, la vente en ligne ou au transport. Les emplois à forte valeur ajoutée sont également dynamiques, notamment dans les secteurs de la recherche, de l’information, de la communication ou encore de l’informatique. Il y a donc une métropolisation mais aussi une polarisation de l’emploi liée à la structuration de l’économie. Ce phénomène était en action avant la crise sanitaire et s’est depuis renforcé suite aux besoins accrus de services et de digital. Par ailleurs, la transition énergétique exige aussi des emplois à haute qualification. 

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La transhumance d’emploi est aussi liée aux conditions de vie et les populations se déplacent vers les littoraux. Logiquement, les emplois suivent. C’est également lié à l’excès de métropolisation de ces dernières années, ce qui aboutit à un changement de priorité chez les ménages qui se demandent quel est l'intérêt de vivre de vivre dans les plus grandes métropoles. Enfin, avec l'événement du télétravail, de nouveaux emplois sont générés, ce qui peut provoquer une baisse du nombre d'emplois dans la restauration en région parisienne.

La fracture territoriale marquée dans les milieux ruraux et urbains a également été très dure pour les communes de 20 000 à 30 000 habitants et qui connaissent un vieillissement de la population. Cela doit se confirmer mais des villes situées à 100/150 kilomètres de grandes agglomérations retrouvent un attrait résidentiel, avec un certain mouvement de population. Ainsi, la ville de Bernay dans l’Eure, qui a environ 10 000 habitants et qui connaissait un déclin majeur, voit désormais arriver de nouveaux flux de population depuis 2020. Il peut donc y avoir une évolution favorable pour ces petites villes dans les milieux ruraux.

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