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La France affaiblie dans la guerre pour la présidence de la commission européenne
©LUDOVIC MARIN / AFP

Turbulences en vue

Au vu du résultat des élections européennes, les négociations risquent d'être âpres entre la France et l'Allemagne.

Jérôme Vaillant

Jérôme Vaillant

Jérôme Vaillant est professeur émérite de civilisation allemande à l'Université de Lille et directeur de la revue Allemagne d'aujourdhuiIl a récemment publié avec Hans Stark "Les relations franco-allemandes: vers un nouveau traité de l'Elysée" dans le numéro 226 de la revue Allemagne d'aujourd'hui, (Octobre-décembre 2018), pp. 3-110.
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Atlantico : Les résultats des élections européennes marquent un recul du CDU comparé à ses résultats précédents mais le parti d'Angela Merkel se maintient cependant en tête des suffrages. Quelle est la portée de l'échec du CDU ?

Jérôme Vaillant : La participation aux élections européennes a augmenté de plus de 10 points en Allemagne, ce qui confirme l'intérêt que l'électorat allemand porte à l'Europe et continue de s'engager en sa faveur. Les résultats sur la base des estimations de la soirée font apparaître de fortes pertes des deux partis au pouvoir à Berlin, toutefois nettement plus fortes pour le SPD (environ - 12 pts) que pour la CDU-CSU (-7 pts au total, la CSU bavaroise enregistrant  pour sa part une légère augmentation). Pourtant, la présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK) a fait valoir que la CDU avait atteint son premier objectif de rester la premier parti en Allemagne et de propulser Manfred Weber (CSU) à la tête du Parti populaire européen, ce qui lui permettra de prétendre à la présidence de la Commission européenne. AKK a fait remarquer à cette occasion que lors des élections régionales à Brème qui avaient lieu le même jour que les élections européennes, la CDU a, pour la première fois depuis 73 ans, dépassé le SPD rebattant  ainsi les cartes de la scène politique de cette ville du Nord.  Mais une coalition associant SPD aux Verts et à Die Linke  est autant possible qu'une coalition aux couleurs de la Jamaïque associant CDU, Verts et FDP. Les raisons des importantes pertes des deux partis de la grande coalition à Berlin s'expliquent par la fuite des jeunes électeurs vers les Verts, ce qui fait de la CDU comme du SPD des partis de la vieille génération. Les Verts devront à Brème décider s'ils penchent plus vers la CDU ou vers le SPD et s'ils peuvent faire plus confiance au FDP qu'à Die Linke, relançant ainsi le débat sur la finalité des grandes coalitions. D'autant que les vainqueurs des Européennes en Allemagne sont les Verts qui doublent leur score de 2014 et devraient tourner autour de 21%, un score qui, avec celui de EELV en France, devrait conforter le groupe parlementaire vert au sein du nouveau parlement européen.
Pour ce qui est de l'extrême droite représentée par le parti "Alternative pour l'Allemagne" (AfD), celle-ci ne progresse pas depuis les élections fédérales de septembre 2017, qui, pour ce parti, servent de référence aux instituts d'études électorales en Allemagne. Le parti régresse. Il enverra  certes une dizaine de députés au parlement européen sur les 96 attribués à l'Allemagne et pense pouvoir avec ses nouveaux alliés italiens  de la Lega débaucher des formations appartenant à d'autres groupes parlementaires. Il est significatif que l'AfD ne  propose plus de quitter l'Union européenne mais seulement de la réparer. Une évolution qui n'est pas sans rappeler celle des partis de M. Salvini et de M. Le Pen.

Comment ces résultats vont-ils impacter la lutte que se mènent la France et l'Allemagne pour la présidence de la Commission Européenne ?

Les chrétiens-démocrates n'ont pas cessé tout au cours de la soirée électorale de réclamer pour leur tête de liste, Manfred Weber, la présidence de la commission européenne, demandant que soit respectée la procédure mise en place par le parlement européen de prendre la tête de liste du groupe parlementaire arrivé en première position et non pas de s'en remettre, comme dans un passé qu'ils pensaient révolu, au choix des chefs d'Etat et de gouvernement, comme le souhaiterait Emmanuel Macron. La tête de liste du parti libéral, FDP, avec lequel LaRem souhaite s'allier, s'est bien gardée dans ce contexte de prendre position sur la question, tout comme d'ailleurs le SPD. Cela augure de nouvelles tensions à venir entre la France et l'Allemagne. Il n'est pas sûr que LaRem puisse bouleverser le jeu des alliances au parlement européen comme il l'a fait de la scène politique française et réussisse à forger une nouvelle alliance entre Libéraux et Verts qui s'allierait aux sociaux-démocrates et imposer son candidat. Dans ce cas de figure, ce pourrait bien être le candidat social-démocrate des Pays-Bas qui l’emporte, en la personne de Frans Timmermans. Les négociations seront, à n'en pas douter, âpres entre la France et l'Allemagne. Le jeu ne serait pas en soi franchement nouveau, mais Emmanuel Macron apparaît aujourd'hui aux yeux du gouvernement allemand affaibli par son score aux Européennes.

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