L’or africain détenu par une France plus colonialiste que jamais ? Une somme de contre-vérités virales sur les réseaux sociaux <!-- --> | Atlantico.fr
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La France possède le quatrième stock national d’or, derrière les États-Unis, l'Allemagne et l’Italie.
La France possède le quatrième stock national d’or, derrière les États-Unis, l'Allemagne et l’Italie.
©LUCA SOLA / AFP

La France et l'or

La France possède le quatrième stock national d’or, derrière les États-Unis, l'Allemagne et l’Italie. Objet de tous les fantasmes, cet or proviendrait, pour certains, de pays africains et serait un instrument servant à asservir ces pays.

Loup Viallet

Loup Viallet

Loup Viallet est spécialiste en économie internationale et en géopolitique africaine. Il est l’auteur de La fin du franc CFA (2020) et Après la paix (2021).

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Atlantico : La France possède le quatrième stock national d’or, derrière les États-Unis, l'Allemagne et l’Italie. Objet de tous les fantasmes, cet or proviendrait, pour certains, de pays africains et serait un instrument servant à asservir ces pays. À quel point cette affirmation, qui revient en boucle sur les réseaux sociaux, est mensongère ? 

Loup Viallet : Depuis la fin du système de Bretton Woods en 1971, les monnaies ne sont plus gagées sur l’or. Les stocks d’or ne permettent plus de soutenir sa monnaie.

Mais le mensonge affirmant le contraire continue de circuler et a été repris récemment par Vladimir Poutine, qui a dit qu’il allait reconstituer son stock d’or en déclarant la guerre à l’Ukraine.

D’après les propagateurs de ce mensonge, la France prendrait ainsi de l’or aux Africains via le franc CFA. Or la France n’exploite aucune mine d’or au Mali par exemple. Les seules mines qu’elle exploite sont les mines d’uranium au Niger, mais ce métal noir, elle l’exploite également au Kazakhstan ou au Canada.

La France imposerait également aux pays africains le franc CFA, qui permettrait lui aussi de soumettre ces pays d’Afrique. Dans quelle contexte cette monnaie est-elle née ? 

C’est la monnaie des colonies d’Afrique. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’empire colonial s’organise autour d’une parité avec la monnaie de la métropole, le franc. On unifie cette zone comme zone monétaire et financière.

Au moment de l’indépendance, certains pays ont donc le choix de s’en défaire. La Mauritanie, Madagascar, le Maroc ou encore l’Algérie vont d’ailleurs quitter la zone franc. Mais plusieurs pays, estimant qu’ils sont encore jeunes et en quête de stabilité monétaire, font donc le choix de ne pas abandonner le franc CFA.

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Puis dans les années 1990, il y a la mondialisation de l’Afrique. Les partenaires des pays africains ont changé. Les banques centrales de la zone du franc CFA quittent Paris et s’installent en Afrique. Notons que certains pays adhèrent même au franc CFA, comme la Guinée-Bissau et la Guinée équatoriale. D’autres ont tenté de quitter la zone franc avant d’y revenir, comme le Mali.

En réalité, dès les années 1960, le franc CFA est l’objet de multiples critiques. L’URSS essaye de soutenir tous ceux qui veulent sortir de la tutelle française. Si la France représente alors plus de 50% des économies de la zone franc, ce chiffre chute à 12% aujourd’hui. Et cette zone ne représente plus que 1% de notre commerce extérieur.  Nous ne pilotons plus cette monnaie, et nous n’avons aucun droit de regard sur la politique de ces pays-là. Au Burkina et au Mali, les coups d’Etat se multiplient alors même qu’il y a un fort sentiment anti-français.

Le franc CFA est-il un outil néo-colonialiste qui doit disparaître ? Profite-t-il à la France ? 

Les Etats africains sont libres d’y entrer et d’y sortir. Pour des économies non diversifiées ou "primarisées" comme celles-ci, avoir une monnaie garantie par la sixième puissance du monde permet une certaine stabilité monétaire. C’est un filet de sécurité financière pour avoir le temps de bâtir une économie forte afin d’avoir sa propre monnaie. Or, beaucoup de pays de cette zone se sont appauvris, non pas à cause du franc CFA, mais en raison de l’explosion démographique, du réchauffement climatique et de l’influence de la Chine. Depuis les années 2000, la croissance chinoise s’est faite grâce à l’importation de matières premières africaines. Les pays africains ont donc entretenu un monopole sans chercher à diversifier leur économie : ce que l’on appelle ainsi la « malédiction des ressources ».

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A côté, deux Etats africains, Sao Tomé-et-Principe et le Cap-Vert, ont la monnaie garantie par le Portugal, et donc une parité fixe avec l’euro. Eux ont également fait le choix souverain de la stabilité, et il n’y a aucune protestation dans ces pays-là.

Comment expliquer de tels mythes autour du franc CFA et d’un or africain détenu par la France ?

Par la propagande. Laurent Gbagbo est resté dix ans au pouvoir en Côte d’Ivoire et n’a jamais quitté la zone du franc CFA. Il a seulement évoqué la nocivité de cette zone au moment où il avait perdu les élections. C’est évidemment un instrument politique.

Il faut rappeler que le franc CFA permet de juguler l’inflation, et in fine d’attirer les investisseurs étrangers. En 2020, l’inflation dans le monde est de 3,5% tandis qu’elle n’est que de 2,1% au sein des huit États qui font partie de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) – Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo – et qui ont le franc CFA. Dans l’Afrique subsaharienne, elle est de 10,2%.

Les démagogues africains qui fustigent le franc CFA sont soutenus par Wagner, les néocoloniaux présents en France et les panafricanistes. Kémi Séba, de son vrai nom Stellio Gilles Robert Capo Chichi, a table ouverte en Russie et propage ce sentiment anti-français en Afrique en comparant les membres de la zone franc à des serviteurs de la France néocolonialiste.

Je finirai sur les conséquences de l’abandon du franc CFA. Toutes les monnaies africaines, hormis le Rand sud-africain, sont convertibles. Le dollar libelle toutes les matières premières, or les économies africaines sont intimement liées au prix des matières premières. Si on retire le franc CFA en Afrique, il ne faut pas y aller par quatre chemins : on verra l’hégémonie du dollar partout. 

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