L'inflation perverse est out d’une Europe qui espère maintenant une inflation vertueuse<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
L'inflation qui a failli déséquilibrer les économies occidentales n'a pas survécu aux interventions des gouvernements.
L'inflation qui a failli déséquilibrer les économies occidentales n'a pas survécu aux interventions des gouvernements.
©DANIEL ROLAND / AFP

Atlantico Business

Après l'inflation perverse liée au Covid, à l'après-Covid et à la guerre en Ukraine, les autorités européennes s'attendent (et espèrent) à une inflation vertueuse pour accompagner les grandes mutations. Il va falloir dépoussiérer le logiciel qui a si bien marché lors des Trente Glorieuses.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

Voir la bio »

L'inflation, c'est comme le cholestérol, il y a la bonne et la mauvaise. La mauvaise est celle que l'on vient de supporter depuis le Covid avec la hausse violente des prix de l'énergie, de toutes les ressources naturelles et des biens alimentaires. La bonne inflation est celle qui, sur le long terme, permet d'amortir des dettes à condition que ces dettes servent à financer des investissements lourds et durables.

L'inflation qui a failli déséquilibrer les économies occidentales n'a pas survécu aux interventions des gouvernements qui ont mobilisé les moyens afin d'en amortir les effets sur le terrain social. La France, par exemple, n'a pas lésiné sur les chèques carburants afin de bloquer la hausse du pétrole, n'a pas lésiné sur les injonctions auprès de la grande distribution qui a beaucoup joué le rôle de martyr de façon à reporter les responsabilités sur la logistique (le transport) et surtout la production qui s'est bien défendue. L'image très pro-business de la gouvernance française en a pris un sérieux coup et tomber dans le camp des gouvernements interventionnistes, mais a priori, les chiffres prouvent que la thérapeutique a produit des effets. Ce n'est pas le cas partout. Cette sortie de crise a permis à chacun de faire son travail et de sortir la tête haute.

Le recul de l'inflation en zone euro, à 2,9 % en octobre, est évidemment encourageant, mais selon Christine Lagarde, ne saurait « être tenu pour acquis », en raison de l'incertitude sur l'évolution future des prix de l'énergie. La présidente de la Banque centrale européenne a qualifié d'« honorable » la dernière valeur connue de l'inflation, au regard du pic supérieur à 10 % observé à la même période l'an dernier. La présidente de la BCE, très critiquée pour avoir mis en place une politique monétaire trop restrictive et surtout trop tardive, ne pouvait pas profiter de ce retour au calme pour dire et répéter qu'elle avait fait le job.

À Lire Aussi

Cette stagflation vers laquelle fonce la France

Du côté de Bercy, Bruno Le Maire n'a pas manqué lui aussi de rappeler que ses équipes avaient été à la hauteur du défi. La France a permis au système français de ne pas s'asphyxier, et aux catégories sociales les plus fragiles de ne pas tomber dans la pauvreté et la misère quand cette France essaie de remplir son caddy ou de faire le plein d'essence. « La France est sans doute le pays en Europe qui a fait le plus pour protéger les Français. Dont acte. Bruno Le Maire a fait le job.

Et c'est vrai, mais la vraie chance qu'il a eue - et en politique, on a parfois le droit d'avoir de la chance - Bruno Le Maire a fait en sorte qu'il n'y ait pas de contagion aux salaires et qu'on n'embraye pas sur une spirale prix-salaire très difficile à freiner et très désastreuse. Il a donc géré les hausses de prix et de salaires au coup par coup en renvoyant les acteurs à leurs responsabilités. « En passant de 4,9 % d'inflation moyenne en début d'année, à 4 % en cet automne et à 2 % pour l'année prochaine, Bruno Le Maire estime qu'il a atteint ses objectifs. » Ce qui ne l'empêche pas de rappeler que le gouvernement ne maîtrise pas la conjoncture internationale et surtout les effets de la géopolitique bien difficiles à prévoir actuellement. Sur le front de l'Ukraine pour les produits d'origine agricole comme sur le front du Moyen-Orient.

Cela dit, si la crise inflationniste violente est passée (sauf accident à moyen terme), l'inflation n'est pas éradiquée et heureusement parce que nous en aurons besoin. À cette inflation perverse, on va devoir réinventer une inflation modérée mais qui pourrait être vertueuse. On a oublié depuis l'époque où l'argent était devenu gratuit, que l'inflation existe et que c'est une variable qui contribue à la croissance. Nous sommes entrés dans un monde nouveau qui ne fonctionnera jamais plus comme avant. Pour trois raisons.

À Lire Aussi

Les Français estiment que l'inflation leur coûte en moyenne 120 euros par mois

La première raison est liée à la reindustrialisation des pays occidentaux. On ne va pas relocaliser dans les pays consommateurs la totalité des actifs de production, le voudrait-on que ça ne serait pas possible. En revanche, on va relocaliser certaines fabrications et pas seulement les fabrications stratégiques. On a déjà commencé à le faire, aux États-Unis et en Europe. Les industries relocalisées vont renchérir les produits manufacturés. La fabrication industrielle coûtera toujours plus cher en Europe qu'au fin fond de la Chine. Si les prix de production augmentent, les prix de vente augmenteront.

La deuxième raison, le prix des produits va devoir intégrer le coût de la mutation climatique et la nécessité de financer d'immenses investissements très chers. Un seul exemple, si le nucléaire est la meilleure solution pour produire une énergie verte, il faudra payer les EPR sur les 30 prochaines années.

La troisième raison est que le seul moyen de financer ces grands travaux d'équipement pour adhérer à ce nouveau monde va être de consentir un taux d'inflation, modéré mais réel, à condition que le prix de l'argent reste négatif. Les taux d'intérêt ont monté depuis quatre ou cinq ans (taux d'intérêt de base 4%), mais l'important est que les taux réels soient inférieurs au taux de base.

Une économie, qu'elle soit bien ou mal gérée, n'a que trois moyens pour financer sa croissance :

ou bien elle utilise des impôts... La France ne le peut pas. La totalité de ses recettes fiscales passe déjà dans le financement des dépenses d'exploitations quotidiennes, dans les budgets de fonctionnement. Alors ,La France a une bonne appétence aux impôts, sauf que nous sommes désormais au taquet. Impossible de créer ou augmenter la pression fiscale.

À Lire Aussi

Inflation : les prix alimentaires n’augmenteront (quasiment) plus d’ici la fin de l’année, prévoit l’Insee

Ou bien, elle fait de la dette , encore et toujours de la dette . mais la France notamment ne peut pas être plus lourde puisqu’elle finance surtout de l intretion non amortissable . Donc ce mode de financement est condamné .

Ou bien , elle se laisse séduire par l'inflation dont la vertu est de grignoter sa dette.

Cette caractéristique de la combinaison, prix/salaires/taux, a permis de financer grandement les Trente Glorieuses. Peut-on réveiller ce logiciel pour répondre à la situation actuelle ? C'est possible. Nous sommes face à un mur considérable de financement de gros équipements économiques, mais notre démographie vieillissante ne nous incite pas à faire financer un équipement qui n'est amortissable que sur plus de trente ans.

Une centrale nucléaire, par exemple. En 1958, le général de Gaulle avait une démographie galopante (le baby boom), il pouvait donc gager son modèle de financement sur cette structure de population. En 2023-24, nous sommes face à des investissements considérables, mais nous n'en avons pas le financement. Notre démographie est trop pauvre, sauf à intégrer les immigrés qui ne demandent qu'à venir ? C'est évidemment un autre problème.

À Lire Aussi

Malgré l’inflation, les Français restent moins surendettés qu’en 2019

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !