L’Industrie Verte : un rapport soviétique pour des objectifs flous<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire, ministre de l'Economie (au centre).
Bruno Le Maire, ministre de l'Economie (au centre).
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Réindustrialisation de la France

L’industrie correspondrait à 19% des émissions de GES et le souci de l’Etat serait d’arriver à les éliminer d’ici 2030, dans 7 ans !

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Le constat à partir duquel il est proposé de mobiliser le pays est celui de la persistance d’un tissu industriel national ne respectant pas la défense de l’environnement pas plus que les émissions de gaz à effet de serre (GES) responsables du changement climatique. L’industrie correspondrait à 19% des émissions de GES et le souci de l’Etat serait d’arriver à les éliminer d’ici 2030, dans 7 ans ! 

La réindustrialisation de la France serait donc aisée, cette installation prioritaire de la décarbonation comme devoir national suffirait pour obtenir une indépendance stratégique, une souveraineté industrielle, et une attractivité pour de nouveaux investissements, en supposant que, dès maintenant, les conditions de compétitivité et de souveraineté industrielle aient été remplies. 

La « verdeur » de l’industrie apparaît comme une définition évidente conduisant à une économie basée sur l’utilisation de l’hydrogène, des batteries, des semi-conducteurs, des panneaux photovoltaïques, et des pompes à chaleur, mais aussi d’un standard d’excellence environnementale dit Triple E, un standard « lisible et simple » intégrant indicateurs, labels et normes, à partir de l’utilisation d’énergie décarbonée, de respect de la biodiversité et de l’analyse du cycle de vie ! (SIC).

Si facile la lecture des auditions et des institutions qui ont coopéré à cet ouvrage laisse pantois ! Comment un industriel peut-il participer à un texte aussi éloigné d’un tissu industriel français malade d’une désindustrialisation massive, de conditions fiscales, sociales et environnementales non compétitives auxquelles sont venues se rajouter surtout depuis le début 2023 des factures énergétiques jusqu’à dix fois plus importantes que les années précédentes. Les centaines de milliers d’entreprises industrielles du pays sont d’abord en train de lutter pour leur survie, surtout les PMI qui ne sont installées qu’en France et qui n’ont pas la ressource de faire fabriquer ailleurs. Ce document est un exercice intellectuel hors sol qui ne tient aucun compte de la réalité du secteur de la production. 

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Mais ce texte a une autre caractéristique majeure, il est basé sur une philosophie qui donne à l’Etat le monopole de la connaissance de ce qui est bon pour le pays et qui va, avec des aides et des sanctions, diriger l’industrie française vers le nirvana de la protection de la planète que le monde entier applaudira. En cela ces propositions rappellent celles de la planification soviétique dont on connaît les résultats flatteurs : qui aura encore envie de produire et d’être industrialisé s’il ne peut le faire qu’avec la permission de l’Etat, puis de satisfaire ses exigences et enfin d’être remercié, financé ou puni ! C’est ignorer que l’entreprise et surtout l’industrie ne peut se développer et prospérer qu’à travers la volonté de chefs d’entreprise entraînant des équipes de collaborateurs cherchant à réussir et non à être félicités par des instances extérieures. La renaissance d’une technocratie d’un autre âge dont l’existence a secoué le monde entier et qui a échoué, on ne pensait pas que cela reviendrait en France (pays accusé d’être trop libérale). 

En Cinq chapitres et 29 propositions, ce n’est pas digne d’un pays qui regroupe encore autant d’industriels de talents (même si on en a fait disparaître plus de la moitié en 25 ans). Vouloir « verdir » l’industrie, la « purifier », la » fantasmer », c’est nier son existence et sa vitalité. A partir du moment où la société, où les sociétés se donnent comme objectifs de respecter l’environnement et de décarboner, c’est toute l’industrie qui transforme sous nos yeux tous les jours en adaptant ces grands principes à ses productions, non pas parce que l’Etat ou les fonctionnaires les lui demandent, mais parce que ses clients l’exigent et que le « patron c’est le client ». 

L’industrie verte célébrée par ce document préparatoire n’existe donc pas, toute l’industrie se met au service de ses clients ou disparaît. Si les clients veulent plus de considération pour l’environnement, plus de recyclage, plus de longévité, plus de qualité, plus de transparence, plus de propreté dans les usines …les industriels le font. Mais lorsque l’Etat se substitue aux clients en indiquant les produits qu’ils doivent faire pour satisfaire les acheteurs, c’est toute l’économie qui se met en danger. L’exemple du véhicule électrique : le consommateur est réticent parce que le nouveau mode de propulsion, abandonné lors des débuts de l’automobile, ne remplit pas son cahier des charges : plus lourd il est moins confortable, sa recharge est longue, il ne remplit donc pas les mêmes usages, il modifie donc la vie de certains clients qui veulent garder les critères précédents ! Plutôt que de vouloir, de nouveau, orienter l’industrie, puis la contrôler et la punir avec la création de nouveaux gendarmes grossissant le train de vie de l’Etat, revenons au véritable fonctionnement de l’industrie : le client 

Le client veut que l’on respecte l’environnement, l’industrie le fait et va le faire plus vite et mieux si elle retrouve sa liberté et sa compétitivité. Pour l’instant en France le problème est le déficit de compétitivité à cause de la fiscalité, des transpositions des textes environnementaux, des rigidités du droit du travail et des charges sociales dérivées du train de vie de l’Etat, il s’y rajoute la folie des factures de l’énergie dues au mauvais traitement du dossier du marché de l’électricité et des taxes imposées. Commençons donc par la liberté et la compétitivité, et l’industrie française déjà très verte ira encore plus vite et plus loin, toute seule, pour satisfaire ses patrons, les clients !    

La définition de l’industrie « verte » autour de fantasmes futuristes est pauvre scientifiquement, illusoire techniquement, et inexacte industriellement.

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