L’industrie automobile opère la plus grande mutation depuis un demi-siècle, sous la seule pression des marchés <!-- --> | Atlantico.fr
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Chez Renault comme chez PSA, on estime être prêt à fournir une voiture entièrement connectée dans moins de 20 ans.
Chez Renault comme chez PSA, on estime être prêt à fournir une voiture entièrement connectée dans moins de 20 ans.
©Reuters

Atlantico Business

L’industrie automobile mondiale est en train de transformer radicalement ses process de fabrication et ses produits en tirant les leçons de la révolution digitale sans aucune directive stratégique des États.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C’est sans doute la première fois depuis la révolution industrielle qu’un secteur économique se rénove de fond en comble sans la directive et le soutien d’un plan stratégique élaboré par l’État. Et ça marche !

Dans le monde entier, l’industrie automobile change ses motorisations pour adopter des énergies propres, bouleverse l'usage de ses produits en accélérant la mutation vers l’automatisation et la voiture connectée, et rénove complètement ses modes de distribution, pour s’adapter à la mondialisation et aux changements dans les modes d’usage des voitures.

Trois mutations en une qui doivent tout à l'ingéniosité des chefs d’entreprise stimulés par la pression des consommateurs, des actionnaires et de la concurrence.

Depuis le début du 20e siècle, les innovations nées de la révolution industrielle sont sorties du cerveau et de l’imagination d’un certain nombre d’entrepreneurs. Beaucoup de ces innovations ont donné naissance à des industries mondiales grâce à la stratégie et aux moyens financiers de la puissance publique.

Les exemples sont innombrables. C’est l'État qui, dans la plupart des pays, a sponsorisé le développement de l'électricité, c’est l'État qui a permis et aidé la mise en place du chemin de fer, le lancement de l’énergie nucléaire, le démarrage des industries aéronautiques et du transport aérien. C’est aussi l'État qui a permis le développement des grandes industries de la santé par l'installation d’un financement de la protection sociale très généreux.

Mais depuis une dizaine d'années, on assiste à la transformation du paysage économique par l'application du digital. Si la révolution numérique est née dans l'orbite du ministère de la Défense américain, son développement à l'échelle mondiale, au bénéfice du plus grand nombre, s’est opéré à l'initiative de chefs d'entreprises et d’investisseurs qui ont pris énormément de risques mais qui ont finalement rencontré l’adhésion des marchés. Le succès de Microsoft, de Google, d’Apple, d’Amazon, de Facebook etc. n'est plus à démontrer.  

Depuis dix ans, ce sont les industries traditionnelles qui sont bouleversées. Elles ont failli mourir, étouffées par l’archaïsme de leurs produits et de leurs organisations, mais certaines parce qu’elles étaient très grosses, ont su négocier des aides de l'État pour survivre. C’est le cas de l'industrie automobile mondiale qui a reçu un premier coup au moment de l’an 2000, puis un second presque fatal en 2008/2009.

Mais depuis, la plupart des constructeurs ont tiré les leçons de la crise. L’automobile est le meilleur exemple des mutations en cours de réussite.

Les premiers efforts ont porté sur la motorisation et la recherche d’énergie plus propre.Et particulièrement le véhicule électrique. Dans un premier temps, les constructeurs ont mis au point des moteurs extrêmement sobres. Il y a dix ans, une automobile consommait encore 10 litres aux cent kilomètres. Aujourd’hui, la consommation des plus récentes ne dépasse guère les 3 litres. Dans un deuxième temps et sous la pression de la concurrence, tous les constructeurs ont lancé des recherches pour fabriquer les moteurs électriques. Alors l'américain Tesla a lancé le mouvement, mais il est aujourd’hui suivi par les allemands BMW, Audi, et Mercedes, les français PSA Peugeot-Citroën et Renault sont également dans la course. On estime que dans 15 ans, une voiture sur 5 sera électrique. Certains pays, ou même certaines villes, étudient déjà l’interdiction des voitures à essence ou à diesel.

Alors, cette évolution ne s’est pas produite sans bavures. La plus grave a touché l’entreprise Volkswagen qui pour satisfaire son marché américain a promis des performances de propreté qu‘elle n’a pas pu tenir sauf à trafiquer ses instruments de mesure. Le scandale a été mondial et le coût de cette catastrophe pour les actionnaires est considérable.

Cela dit, ce genre de raté ne bloquera pas l’évolution, au contraire, il la crédibilise et pourrait accélérer la recherche.

Les efforts d’adaptation portent également sur le développement de l'autonomie. On sait depuis ce mois d’août que l’entreprise Uber mettra en service avant cinq ans des voitures totalement connectées, automatiques et sans chauffeurs. C’est le modèle sur lequel tous les industriels de l'automobile et du digital confondus travaillent. Une voiture qui offrirait un service de transport totalement sécurisé et individuel. Les alliances se nouent entre les constructeurs (Bmw ou Ford) les champions du digital (Google, Intel) et les utilisateurs ou les gestionnaires de flottes comme Uber. Chez Renault comme chez PSA, on estime être prêt à fournir une voiture entièrement connectée dans moins de 20 ans. C’est le mariage réussi entre les constructeurs d’automobiles, les champions de la connectique et ceux de la géolocalisation.

La mutation touche enfin le mode de fabrication et de distribution. Pour ce qui est de la production, il y a déjà plus de dix ans que les constructeurs ont compris le rôle de la sous-traitance et la part des délocalisations vers les pays émergents. La délocalisation pure et simple qui s’opérait autrefois pour arracher des conditions de fabrication low cost, grâce à une main d’œuvre peu chère, a été remplacée par une affectation des investissements à proximité des centres de consommation. Les usines en Chine ou en Corée ne servent plus à approvisionner les Occidentaux, mais elles fournissent surtout les marchés locaux.

Mais la mutation porte surtout sur le mode de distribution. Le client automobile n‘achète plus une voiture, mais un service de transport. D’où le succès des locations longue durée et des voitures partagées. Ce phénomène est mondial et a évidemment impacté la conception même des modèles vendus. L'automobile n‘est plus un signe de statut, ou un objet de propriété, mais un bien d’usage.

Ce qui est fascinant dans cette révolution, c’est qu'elle n’a pas été décidée par une instance politique. Le rôle du politique aura été de l’accompagner, peut-être de la réguler, puis de la soutenir ou de la freiner.

Mais le moteur de l’évolution aura été le mariage entre le génie de quelques industriels et les clients qui ont poussé le marché.

Et quand on parle des forces du marché, on parle tout autant des écologistes qui ont dénoncé les risques du réchauffement climatique, des automobilistes qui trouvent que le pétrole est trop cher, des clients qui sont plus sensibles à l'utilité des choses plutôt qu'à leur apparence, des investisseurs qui cherchent avant tout une rentabilité à long terme et des syndicats qui défendent des process capables de sauver les emplois et les fonds de retraites.

Le moteur aura été la concurrence entre les constructeurs pour capter ces nouveaux consommateurs.

Ce qui est fascinant dans cette révolution qui ne s’arrête pas à l'automobile, c’est que les administrations d’État et les responsables politiques ne réussissent pas à trouver des formules qui permettraient de faciliter encore davantage ces évolutions. Que ce soit en Grande Bretagne, aux États-Unis, ou en France, il y a peu de place dans les programmes politique pour offrir une gestion de la rencontre entre cette modernité et la vie quotidienne.

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