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L’Europe doit pouvoir se passer du gaz russe mais en attendant le nucléaire, ça coûtera très cher aux Européens ...
©©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Les dirigeants européens en sont convaincus. Il va falloir sérieusement penser à remplacer le gaz russe. Pour beaucoup, la facture sera insupportable. Pour d’autres, c’est l’occasion d’accélérer dans la transition énergétique vers... le nucléaire

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Même pendant les pires moments de la guerre froide, les Russes n’ont jamais coupé le robinet de gaz aux Européens. Les Européens ont exclu des sanctions tout ce qui concerne les importations d’énergie (gaz et pétrole), nous en avons trop besoin, et en premier lieu les Allemands. De leur côté, les Russes n’ont jamais brandi le chantage au gaz, ils ont trop besoin du revenu que les ventes de gaz représentent. 

On estime qu’aujourd‘hui, les Européens dépensent plus d’un milliard d’euros par jour en gaz versé à la Russie. C’est la première recette et d’ailleurs, la seule avec le pétrole qui vient alimenter son budget. Les Russes respectent donc, à la lettre ou presque, les engagements pris dans les contrats avec les Européens et du coup, le gaz continue d’arriver en Europe pendant que les bombes sont lâchées sur Kiev. 

Globalement, 40% du gaz européen importé provient de Russie. Le reste vient de Norvège, d’Algérie ou du Qatar. Très peu des États-Unis et du Canada. 

Si les gazoducs qui relient la Russie à l’Europe devaient être coupés du jour au lendemain, du fait d’une destruction de guerre ou alors de nouvelles sanctions - qu’elles soient prises par les Occidentaux ou par les Russes en mesure de rétorsion, ce serait un dixième de l’énergie totale consommée par les Européens qui serait en risque. Énergie totale, c’est à dire toute forme confondue. 

La France est moins concernée (4% de son énergie totale) que beaucoup d’autres pays situés plus à l’Est et davantage importateurs de gaz (Allemagne 19%, Italie 17%, Hongrie 33%, Slovaquie 26%) selon des chiffres rapportés par Euler Hermès.

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Combien d’années avant que l’Europe ne parvienne à s’extraire du piège dans lequel elle s’est elle-même enfermée après la guerre d’Ukraine de 2014 ?

Les Européens ont les yeux rivés sur quelques niveaux d’alerte en matière de consommation et d’approvisionnement.

D’abord, ils observent le niveau des réserves de gaz. Elles sont essentielles en cas de coupure, parce qu’elles nous indiquent combien de temps on pourrait tenir. Ces réserves ne sont pas pleines, 29% de leurs capacités, un plus bas depuis 10 ans. Elles sont habituellement remplies à hauteur de 80%. 

Le niveau actuel des réserves ne permettrait de tenir qu’un seul mois, et encore, à condition que la météo soit clémente et ne nous inflige pas une nouvelle de vague de froid. Il est impensable d’espérer les remplir avant la fin de l’hiver, tant la consommation du moment est importante. Peut-être vers la fin du mois de mars, quand la consommation d’énergie, qui suit le cycle des saisons, commencera à redescendre. Mais dans tous les cas, il faudra anticiper dans tous les cas pour l’hiver prochain.

Ensuite, les Européens interrogent tous les autres fournisseurs de gaz pour savoir s’ils seraient en capacité de nous livrer ce que la Russie pourrait cesser d’envoyer en cas de conflit encore plus dur qu’actuellement ! Peine perdue, les autres fournisseurs de gaz marchent à plein régime, au maximum de leur capacité (Norvège, Algérie). D’autant que les infrastructures européennes ne sont pas prêtes pour accueillir plus de gaz naturel liquéfié venant des Etats-Unis. Dans tous les cas, une hausse de prix majeure attend les Européens, qui seront confrontés à une forte concurrence dans la demande asiatique qui importe déjà du GNL. (Gaz naturel Liquéfié) 

Face à cette situation, l’Europe a trois solutions.

La première, c’est d’actionner un « quoi qu’il en coûte énergétique ». Les gouvernements ont tellement mis la main à la poche depuis la pandémie qu’on ne les imagine pas ne pas continuer à aider le consommateur en cas de flambée des prix. Sous forme de chèque énergie ou de blocage de prix. 

Mesures d’ailleurs déjà intégrées par les patrons du secteur, à commencer par la Directrice générale d’Engie, Catherine McGregor : « Dans une situation extrême, si nous ne recevions plus de gaz de Russie, il n'est pas inimaginable que les pouvoirs publics mettent en place des mesures de limitation de la demande, mesures qui sont déjà prévues par des dispositifs gouvernementaux. Des utilisateurs industriels pourraient réduire temporairement leur consommation de gaz. On pourrait aussi demander aux Français de baisser leur consommation, leur chauffage. Un degré en moins sur une durée de douze mois, cela représente 10 à 15 térawattheures de gaz économisé. On peut le faire dès aujourd'hui d'ailleurs ! ».

La deuxième solution, serait d’aller vers plus de sobriété dans la consommation énergétique, qu’elle soit temporaire ou longue durée. Consommer moins pour dépendre moins des approvisionnements internationaux. C’est ce qui, semble-t-il, se prépare. Les gouvernements ont dans l’idée de surfer sur la vague de solidarité avec l‘Ukraine, pour demander à leur peuple de baisser le niveau de la température relevée dans les appartements. Passer de 22°C à 18°C ou 17°C représentera pour la majorité de habitants un gros effort mais cet effort permet de se passer du gaz russe. Actuellement, les appartements dans l’Europe du nord sont chauds à 22°C en moyenne. Baisser cette température à 19°C permettrait de commencer à se priver du gaz de Russie. 

Enfin, il faudra bien que l’Europe joue sur les fournitures alternatives et si possible, pas les plus polluantes (comme le charbon). Le déficit de gaz provenant de Russie peut être comblé à un coût raisonnable par les énergies renouvelables. Si les prix actuels de l'énergie fossile (pétrole et gaz) restent volatiles mais à un niveau élevé, les énergies renouvelables sont l'option la moins coûteuse et la plus flexible. A long terme, comme solution durable, on retombe sur le nucléaire. C’est le nucléaire qui s’impose comme la source d’énergie la plus sûre, la moins polluante et la moins onéreuse, encore faut-il le faire entendre au reste de l’Europe.

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