L'État va puiser dans le Livret A pour financer l'industrie de la Défense, et payer le nucléaire civil dont EDF a besoin. Tout arrive !<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Les ressources du Livret A pourront servir à financer l'industrie de la défense, selon un amendement du projet de loi de finances visé par le 49.3 du gouvernement.
Les ressources du Livret A pourront servir à financer l'industrie de la défense, selon un amendement du projet de loi de finances visé par le 49.3 du gouvernement.
©DR

Atlantico Business

Bercy était farouchement contre, mais Bercy aurait trouvé une solution pour puiser dans l'épargne surabondante des Livrets A afin de financer l'industrie de la Défense (c'est sûr) et la construction des nouvelles centrales nucléaires nécessaires à EDF (c'est plus que probable).

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

Voir la bio »

C'était un secret de Polichinelle quand on soufflait à l'oreille d'un des ministres de Bercy pour leur demander pour quelles raisons il ne puisait pas dans le bas de laine des Français pour financer des investissements nécessaires à l’avenir. La réponse était claire, nette et précise : l'épargne du Livret A sert principalement au financement du logement social sous la houlette de la puissante Caisse des Dépôts. Donc pas de débat.

L'industrie de la Défense était candidate parce qu'elle doit renouveler son matériel très sollicité par les campagnes africaines et par l'aide octroyée à l'Ukraine. Mais la Défense n'était pas seule à lorgner dans le magot, l'État lui-même savait bien qu'il aurait un problème pour financer les EPR prévus et promis dans le cadre de la mutation énergétique. Le lobbying était très puissant parce que les industries de la Défense ne peuvent guère se faire financer par le marché ni par les banques pour des questions de garanties à long terme et de taux.

La question du financement du nucléaire pose les mêmes problèmes, avec en plus le risque de voir les écolos se liguer contre le projet de centrales nucléaires en rappelant que la France avait besoin de logement social... Bref, le gouvernement n'avait pas besoin d'ouvrir un nouveau débat alors que la loi de finances était passée via l'article 49.3 de la Constitution.

La réalité budgétaire française a, semble-t-il, fait évoluer les positions des ministres de Bercy et même de l'Élysée. Cette réalité est assez têtue.

D'un côté, les marges budgétaires et fiscales sont nulles (pas d'impôts nouveaux possibles sans dérégler la machine, pas d'économie de dépenses dans le cadre de la majorité actuelle, et un endettement qui déborde de partout, sans parler des engagements de stabilité pris pour assurer la soutenabilité de la dette vis-à-vis des marchés et conserver le garantie de l'Union européenne.

Mais de l'autre, tout le monde des affaires sait bien que l'épargne disponible et réalisable à court terme est surabondante pour atteindre les 6 000 milliards d'euros, dont 3 000 placés sur les Livrets A. Ce pays aurait donc été assez mal avisé s'il se privait d'engager des investissements nécessaires à long terme en laissant inutiliser une telle quantité d'épargne de précaution. La France aurait refusé de préparer l'avenir alors que les Français ont amassé un trésor qui serait resté complètement inutile. Indéfendable !

Du coup, dans la dernière version de la loi de finances soumise à l'article 49.3, le gouvernement a accepté un amendement qui prévoit que l'épargne du Livret A viendra financer l'industrie de l'armement. C'est une petite révolution parce que si les parlementaires de droite n'ont pas bougé un cil, les députés de gauche sont montés sur leurs grands chevaux en exprimant leurs regrets de voir sacrifier le logement social. Sauf que Bercy, assez habile, a montré que l'argent des caisses d'épargne était pour moitié seulement fléché vers le logement social et que l'autre moitié restait disponible. La Caisse des Dépôts n'a rien trouvé à redire, du moins publiquement.

Cette affaire va évidemment faire jurisprudence et donner des idées à tous ceux qui gèrent des priorités, notamment l'industrie qui doit gérer la mutation énergétique, c'est-à-dire la construction des fameuses centrales nucléaires EPR si l'on veut restaurer l'indépendance énergétique du pays. Or, on n'a pas beaucoup de solutions pour trouver dans un premier temps 100 milliards par an, pendant plus de 10 ans. On peut certes augmenter les prix de l'électricité, mais ni les consommateurs ni les entreprises ne l'accepteront. On peut certes payer par les impôts, mais quel impôt augmenter ou créer ? Le seul impôt capable de répondre à ce besoin serait de ressortir la taxe carbone, qui a l'immense avantage de faire payer les industries vertes ou nucléaires par les clients de l'énergie fossile. Sauf qu'actuellement les consommateurs n'auraient pas le choix et que cela reviendrait à augmenter les prix. On peut enfin emprunter de l'argent, mais le projet est complètement théorique parce que les marchés ne s'engageraient pas. On pourrait imaginer, comme l'avait fait le général de Gaulle, un grand emprunt national, mais comment lever un emprunt national dans le climat actuel alors même que l'épargne populaire existe et qu'elle est stockée à la Caisse d'Épargne ? La seule solution pour rassurer les Français serait évidemment de les appeler pour financer des grands travaux dont le pays a besoin. La ponction sur les réserves du livret A lui évitera un grand emprunt national.

La boucle financière est bouclée, mais elle va sans doute ouvrir un nouveau débat politique. Mais ce débat n'est rien à côté du risque climatique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !