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L'erreur est humaine : l'impérieuse nécessité du retour d'expérience pour éviter les désastres
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Bonnes feuilles

Les lourdes sanctions seraient-elles contreproductives en cas de fautes graves ? Christian Morel évoque le cas d'une méthode plus appropriée, celle d'une pratique juste, sans laxisme, en ayant recours au dialogue et au retour d'expérience. Extrait de son ouvrage "Les décisions absurdes III, L'enfer des règles, Les pièges relationnels" aux éditions Gallimard. (2/2)

Christian Morel

Christian Morel

Christian Morel, a effectué une carrière de cadre dans des grands groupes français. Il a terminé cette carrière comme directeur des ressources humaines. Parallèlement à ces fonctions, il a mené une réflexion dans le domaine de la sociologie des organisations et a publié articles et ouvrages. Retraité de son métier opérationnel, il poursuit cette activité intellectuelle sous la forme de publications, d'échanges et de conférences, concernant la gestion des risques liés aux facteurs humains. Il a été membre nommé du Comité National de la Recherche Scientifique de 1991 à 1995 et fait partie de comités de rédaction de revues académiques. 
 
Le magazine Challenges, dans son numéro du 30 juin 2016, a cité ses ouvrages sur les décisions absurdes (tomes 1 et 2) parmi les dix livres culte du XXIème siècle en management. Le premier tome a reçu le Grand Prix du Livre de Stratégie et de Management de l'Expansion-McKinsey et a été primé par l'Académie des Sciences Morales et Politiques. Le prix du Livre RH Le Monde-Sciences Po-Syntec et la distinction "Le Stylo d'Or" de l'Association Nationale des DRH ont été décernés au second tome. Ces deux livres ont fait l'objet de nombreux articles dans la presse nationale, étrangère et dans des revues académiques. Le tome 1 des Décisions absurdes a été traduit en japonais, chinois, tchèque, espagnol et portugais. Son ouvrage L'enfer de l'information ordinaire a été également largement commenté dans la presse.
 
En 2018, il publie le troisième tome des Décisions absurdes : Les décisions absurdes III. L'enfer des règles. Les pièges relationnels. 
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La transparence, « punition » constructive 

À l’occasion d’une conférence sur le Charles-de-Gaulle, où j’avais été invité pour faire passer des messages en matière de fiabilité humaine, et d’une conférence au Centre de planification et de conduite des opérations militaires (CPCO) du boulevard Saint-Germain, j’ai pu discuter avec deux commandants du porte-avions de leur pratique de la culture juste. Leur idée était de substituer à la sanction d’une erreur sa diffusion par les intéressés eux-mêmes auprès des autres unités du bâtiment et ils ont cité chacun un exemple très intéressant. 

Le premier a décrit le cas d’un marin cuisinier qui avait failli rester enfermé dans une chambre froide, parce que l’équipe de cuisine avait négligé et retardé la réparation de la porte. Au lieu de sanctionner le groupe, le commandant a demandé à ses membres d’exposer, devant les officiers du porte-avions, à l’occasion d’une journée sur la sécurité, le retour d’expérience de leur erreur en veillant à parler des causes profondes. 

Le second a cité l’exemple d’un branchement erroné de la ligne d’alimentation en électricité du porte-avions à quai par une équipe de trois marins, un binôme et son chef coordinateur. Deux des trois fils électriques avaient été intervertis sur la boîte, ce qui, fort heureusement, avait fait disjoncter le système. Mais, si la coupure automatique avait fait défaut, les conséquences auraient pu être très graves. Les marins, certains que leur action était correcte, ont répété la fausse manœuvre une ou deux fois. En fait, les indications de couleur qui devaient détromper les opérateurs étaient mal placées et pouvaient se confondre avec les teintes du cuivre. Compte tenu de cette ambiguïté, le commandant a décidé de ne pas les punir. En remplacement de la sanction, il leur a demandé d’aller dans cinq services du porte-avions raconter l’histoire de la méprise et d’y discuter des enseignements à en tirer. 

Pour comprendre la portée de cette politique, il faut imaginer ce qu’elle représenterait dans un hôpital : les soignants, concernés par un événement indésirable, tenus de raconter devant une assemblée de médecins ou dans d’autres services le déroulement des faits et de discuter de leurs causes profondes. 

La formule choisie par les commandants du porte-avions est doublement pédagogique. L’important n’est pas la sanction, la compréhension de ce qui s’est passé évitera que le dysfonctionnement ne se reproduise. De plus, la diffusion large du retour d’expérience vers les opérateurs enrichit l’apprentissage collectif : c’est une action de résilience non seulement pour le service « fautif », mais pour tous. 

Cependant, non-punition ne signifie pas laxisme. Un des deux commandants a cité une sanction qu’il a dû prendre à l’égard de deux membres d’équipage qui avaient oublié de bloquer, à l’aide d’une goupille, une grue de dépose de siège éjectable qui a basculé, détérioré une pièce de l’avion et créé un risque d’écrasement du personnel. La punition est alors tout sauf anodine, car, aux quelques jours d’arrêt, s’ajoute l’inscription de la sanction au dossier professionnel.

Extrait "Les décisions absurdes III, L'enfer des règles, Les pièges relationnels" de Christian Morel aux éditions Gallimard

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