L'économie chinoise poursuit sa descente aux enfers et Pékin ne réagit toujours pas<!-- --> | Atlantico.fr
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Xi Jinping
©Naohiko Hatta / POOL / AFP

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Les indicateurs économiques publiés cette semaine sur la Chine sont alarmants, mais Pékin nie les faits, les chiffres et masque la réalité... ce qui est encore plus inquiétant. Plus la situation économique se détériore, plus le régime se durcit et se militarise.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Dans l'histoire du monde, le destin des dictatures a toujours été très simple à prévoir. Aucune dictature n'a survécu à l'inflation, à la pénurie ou à la misère. Et quand les régimes autoritaires ne réussissent pas à offrir la prospérité économique à leur peuple, ils lui offrent une puissance militaire et une certaine idée de la grandeur. L'économie chinoise a vécu une semaine calamiteuse puisque tous les indicateurs conjoncturels sont dans le rouge. C'est très difficile à vivre pour le peuple chinois, c'est très inquiétant pour le reste du monde.

Après un premier semestre très compliqué, les observateurs espéraient un début d'un redressement en juillet. Il n'en est rien. Les moteurs de la croissance sont en panne :

  • La consommation s'est encore ralentie alors que d'ordinaire la période d'été marque une reprise. La consommation est tombée à 2,5 % sur l'année alors que les économistes s'attendaient à une reprise de 3,5 %, et que le pouvoir avait promis plus de 5 %.
  • L'investissement industriel est au plus bas, et l'immobilier plus bas que bas avec un risque de crise systémique liée au fort endettement des ménages.
  • Le commerce extérieur a retrouvé des couleurs en sortie de covid, mais les a reperdus compte tenu des réactions prudentes de l'Occident par rapport aux risques de la mondialisation. Le résultat est que la production industrielle est ralentie autour de 3,7 % contre une prévision officielle de 5 % et alors que la pression démographique commanderait de retrouver des taux de croissance à deux chiffres, c'est-à-dire supérieurs à 10 %.

L'effet direct et immédiat passe par une remontée du chômage... officiellement à 5 % ; mais en réalité beaucoup plus élevé, puisque les autorités ont freiné les flux de migration de population à l'intérieur de la Chine, de la campagne vers les villes. Chez les jeunes de moins de 25 ans, on ne connaît pas exactement le nombre de chômeurs, le taux devrait atteindre les 30 %, mais les chiffres ne sont plus publiés. Un autre effet lié à ce climat est le risque financier, avec des risques de défaut de paiement de plus en plus grave chez les ménages qui ont acheté et spéculé sur l'immobilier, et dans les entreprises qui ont perdu leurs commandes. Structurellement, l'état du secteur bancaire chinois ressemble étrangement à celui des banques américaines en juillet 2007 à la veille de la crise des subprimes, qui avait démarré avec une crise des prêts hypothécaires.

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Le plus inquiétant dans cette situation, c'est l'absence de réactions du gouvernement chinois. La banque centrale essaie bien de manipuler les taux d'intérêt pour alléger les factures, mais les baisses de taux n'ont aucun effet. Au contraire, les équipes de Xi Jinping, qui auraient dû, au lendemain du Covid, lancer comme en Occident un plan de relance massif de l'économie, n'ont rien fait sinon renforcer les mesures de contrôles et restreindre les libertés individuelles. La chasse aux riches a poussé un certain nombre d'entrepreneurs fortunés à fuir du pays, elle en a poussé certains au suicide et a même carrément emprisonné les autres. Beaucoup de jeunes boursiers et étudiants en Occident ont été priés de rentrer au pays. Quant aux investisseurs étrangers, ils hésitent de plus en plus à s'engager compte tenu de l'essoufflement du marché intérieur et du non-respect des normes et du droit international.

Tout se passe comme si Xi Jinping avait donné un coup d'arrêt à la politique de croissance et de développement qui était pratiquée depuis près de 20 ans. Or, pour l'ensemble du monde occidental, l'admission de la Chine à l'OMC donnait le signal d'une mondialisation accélérée qui aurait eu pour effet de générer une classe moyenne chinoise éprise des valeurs occidentales et d'alléger un peu le poids de l'idéologie autoritaire qui était imposée par le parti communiste.

Depuis la crise du Covid, la Chine s'est plutôt refermée sur ses propres valeurs d'origine en renforçant les mesures de contrôle sur les libertés de la population.

 Toute la question est de savoir si cet équilibre-là va tenir... parce que les informations qui remontent du terrain font état de grogne et de colère sociale de plus en plus nombreuse dans les quartiers et les campagnes. Le manque de liberté individuelle, le manque de travail, l'absence d'un niveau de confort minimum par l'école, la santé, le logement ou la liberté de créer une entreprise, ou tout simplement la liberté de circuler. 

Pour les observateurs occidentaux, cette situation donne évidemment raison à tous ceux qui prônent un protectionnisme accru et une relocalisation des industries, sauf que la politique de relocalisation qui reviendrait à tourner le dos au marché chinois est non seulement très compliquée à mettre en place mais irresponsable. L’occident a besoin des marches chinois pour maintenir ses niveaux de vie. La chine a besoin des marches occidentaux pour maintenir ces capacités d’emplois et ses promesses de développement. 

Cela étant, l'attitude de Pékin signifie aujourd'hui que la croissance économique et la prospérité ne sont plus la priorité absolue du régime. Ce qui va être lourd de conséquences, car quand une dictature ne peut pas offrir à son peuple la prospérité économique et sociale pour le plus grand nombre, la dictature doit offrir autre chose : l'ordre, le prestige militaire ou la puissance géopolitique. Si le risque de voir la Chine devenir la première puissance mondiale s'éloigne, le risque de la voir attaquer sur le terrain militaire et de récupérer Taiwan, par exemple, se rapproche.

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