L’Amazonie titube-t-elle dangereusement vers le point de non-retour ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La BR230 et la BR163, voies de transport majeures au Brésil, ont joué un rôle clé dans la destruction de la plus grande forêt tropicale du monde.
La BR230 et la BR163, voies de transport majeures au Brésil, ont joué un rôle clé dans la destruction de la plus grande forêt tropicale du monde.
©NELSON ALMEIDA / AFP

Déforestation

L’alerte est lancée par des scientifiques brésiliens qui redoutent que l'Amazonie ne devienne bientôt qu'une savane herbeuse, ce qui aurait de profondes répercussions sur le climat mondial.

Luciana  Gatti

Luciana Gatti

Luciana Gatti est une chercheuse à l'Institut national de recherche spatiale / Centre scientifique du système terrestre et professeur du cours de technologie nucléaire IPEN / Université de São Paulo. Elle coordonne le Laboratoire des gaz à effet de serre (LaGEE). Et elle opère depuis 2003 principalement sur la recherche dans le domaine du changement climatique, axé sur la compréhension du rôle de l'Amazonie dans les bilans de gaz à effet de serre et l'effet des variables climatiques dans ces déclarations. 

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Atlantico : Vous lancez l'alerte sur le "point de basculement" en cours en Amazonie. Pourquoi maintenant ? Que se passe-t-il ?

Luciana Gatti : Le point de basculement est le moment où, à cause de la température, les espèces d'arbres de la forêt tropicale ne peuvent plus survivre. Je ne dis pas que le point de basculement est arrivé mais qu'il pourrait être très proche. Le point le plus bas a été atteint en 2012. Après cela, un groupe très important et puissant d'entreprises agroalimentaires a commencé à être représenté au Congrès et au gouvernement. Ces personnes ont exercé de fortes pressions pour assouplir les règles afin de permettre les activités anthropiques en Amazonie.  L'intensification de la déforestation a eu lieu en 2016. Le code forestier stipulait que seulement 20% de la forêt pouvait être déboisée, mais ils ont introduit de nombreux changements pour contourner cela. Ils déforestent pour cultiver du soja ou du maïs. Ils disent qu'ils compensent la déforestation ailleurs, mais cela n'a pas de sens scientifiquement. Cela compromet les forêts. En 2016, Dilma a été destituée, et la déforestation a commencé à vraiment se développer. Jair Bolsonaro a ensuite défendu la déforestation au nom des intérêts économiques. En ce moment, nous transformons les forêts en champs alimentaires.

Quelles sont les données qui soutiennent votre analyse, et les inquiétudes ?

Si nous observons la température en août et septembre au fil des années, elle augmente depuis 40 ans et pas de manière linéaire : de 0,077°C/an sur les 40 dernières années, mais de 0,103°C/an sur les 20 dernières années seulement.

Pourquoi est-il important d'empêcher le point de basculement d'être atteint ?

L'Amazonie est un tampon climatique. Une grande quantité d'eau s'y évapore et, ce faisant, refroidit les températures. Et elle absorbe le carbone. D'un autre côté, mettre plus de carbone dans l'atmosphère réduit les précipitations. Un effet qui augmente pendant la saison sèche. Et comme la déforestation augmente, nous voyons de plus en plus d'événements extrêmes au Brésil.

L'Amazonie est une forêt tropicale. Les animaux et les plantes qui vivent ici ont besoin de beaucoup d'eau. Mais les émissions changent les conditions climatiques. Le manque d'eau est une souffrance pour les arbres qui sont obligés de s'adapter, ou de mourir. Et le phénomène fait boule de neige : des bois plus secs, ce qui entraine plus d'incendies et ensuite plus d'émissions de CO2, etc. Chaque année est pire que la précédente. Certains, comme le scientifique Carlos Nobre, pensent que l'Amazonie va devenir une savane. Ce serait catastrophique : la quantité d'eau que la forêt amazonienne rejette dans l'air est presque aussi importante que celle que les rivières amazoniennes rejettent dans l'océan. Et bien sûr, le Brésil est le principal pays à être touché, mais nous le sommes tous, c'est un phénomène mondial. Si l'Amazonie accélère le changement climatique, cela aura des conséquences mondiales. Et l'Amazonie est la forêt tropicale la plus conséquente, mais les gens détruisent la nature partout.

Que peut-on faire à présent ?

Nous devons d'abord arrêter la déforestation et commencer à reboiser dans les zones qui risquent le plus d'atteindre le point de basculement, notamment la partie orientale de la forêt amazonienne. Et nous devons prendre des mesures pour que le monde cesse de consommer l'Amazonie en achetant des aliments produits sur place, sur les terres déboisées. Nous avons besoin d'un accord mondial pour définir nos priorités, car pour l'instant, l'humanité mange l'Amazonie. De nombreux pays promettent d'aider à reboiser la forêt amazonienne, mais cela n'a aucun sens si l'on continue à acheter des produits provenant de cette région.

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