L’Allemagne se rend compte que la Chine la concurrence plus que prévu sur son marché domestique<!-- --> | Atlantico.fr
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Des employés travaillant sur une chaîne de montage de voitures dans une usine de Dongfeng à Wuhan, dans la province centrale du Hubei en Chine, le 14 septembre 2020..
Des employés travaillant sur une chaîne de montage de voitures dans une usine de Dongfeng à Wuhan, dans la province centrale du Hubei en Chine, le 14 septembre 2020..
©STR / AFP

Nouvelle guerre commerciale

L'Allemagne est confrontée à une pression croissante sur son marché domestique de la part de la Chine, selon une étude du German Economic Institute. Les exportations chinoises vers la zone euro sont dorénavant composées de biens de plus en plus sophistiqués comme des machines, des produits pharmaceutiques et des véhicules automobiles, longtemps considérés comme la spécialité des industriels allemands.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Selon les résultats d’une étude, dévoilés en exclusivité par Die Welt, le German Economic Institute souligne la concurrence de la Chine sur les exportations allemandes au sein de l’Union européenne. Qu’est-ce qui permet à la Chine de gagner ainsi du terrain ?

Michel Ruimy : Cette situation n’est pas le fruit du hasard. Depuis son entrée dans l’ère de la mondialisation, la Chine a tissé une toile pour devenir le premier exportateur mondial. Sa stratégie d’internationalisation repose non seulement sur les réseaux et sur l’innovation mais aussi sur une bonne connaissance des différents écosystèmes pour cibler les segments de marché porteurs et allouer les ressources nécessaires sans chercher à bousculer ses partenaires étrangers.

Outre les partenariats, sa force repose sur des entreprises proches de la demande du client et fonctionnant en réseau, ce qui assure la fluidité de la diffusion des savoir-faire. En pratique, ceci suppose la maîtrise, en amont /aval, des composants essentiels d’une chaîne de valeur. C’est pourquoi, aujourd’hui, elle contrôle les réserves de métaux rares et est devenue une référence dans le domaine de la logistique (Premier investisseur des zones portuaires stratégiques du commerce mondial).

Par ailleurs, la Chine n’est plus seulement l’atelier du monde. Elle se transforme progressivement en pionnier de l’innovation. La digitalisation de l’économie permet aux exportateurs chinois d’exercer leur intelligence créative et de montrer encore plus leur réactivité dans l’étude des besoins et la mise en place de services aux entreprises. Ses fers de lance (BATX : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) créent des écosystèmes et grappes d’innovation qui bénéficient aux autres secteurs industriels. Ainsi, son immense réservoir de ressources économiques et financières lui permet désormais d’accélérer dans des secteurs prometteurs portés par l’innovation : Intelligence artificielle, transition énergétique, robotique, fabrication additive (3D), véhicules électriques…

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Mais, surtout, la Chine récolte aujourd’hui les bénéfices de son approche du commerce international. Plus qu’une leçon d’économie, il s’agit d’une leçon de philosophie orientale, où le temps est le meilleur des alliés. La Chine est devenue redoutable car elle a pris le temps de s’organiser et se placer au centre des écosystèmes de l’activité export mondiale. A cet égard, la digitalisation constitue un formidable accélérateur pour ce pays afin d’apparaître de plus en plus comme un acteur en matière d’innovations de rupture.

Le danger pour les Européens et pour les Américains serait de voir la Chine les dépasser dans une stratégie d’offre, source de marges rémunératrices, avec, de surcroît, un effet multiplicateur lié aux réseaux et à l’importance de ses moyens humains et financiers. D’autant que l’économie hybride de la Chine, contrôlée par le parti-État, fausse la concurrence mondiale au détriment des entreprises des économies de marché. Dans ce contexte, l’Allemagne doit percevoir la Chine pour ce qu’elle est : un concurrent systémique.

L’Allemagne s’est-elle crue trop protégée sur ses exportations domestiques, quitte à baisser la garde ?

La structure de l’économie allemande a subi une profonde mutation au cours des dernières décennies. L’industrie, qui employait encore un salarié sur deux en 1970, ne fournit plus aujourd’hui que près de 20% des emplois et contribue à la valeur ajoutée brute, pour un peu plus de 20% (contre plus de 35% en 1970), chiffre cependant nettement supérieur à celui des autres pays industriels comparables.

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Cette évolution ne reflète toutefois aucunement un effacement de l’industrie. Elle est, avant tout, le résultat des changements en profondeur qui se sont produits dans le processus de création de valeur, qui voit les services aux entreprises et les services associés aux produits prendre de plus en plus d’importance. En conséquence, la part de la création de valeur ne suffit plus à refléter, à elle seule, la place réelle de l’industrie dans l’économie nationale. Très demandeuse de services, l’industrie contribue de manière importante au développement de ce secteur. Les prestataires deviennent de plus en plus des fournisseurs de services intermédiaires à l'industrie, les services associés aux produits jouant un rôle croissant dans le cadre de la commercialisation des produits et équipements industriels.

Mais, la domination technologique allemande est aujourd’hui mise à rude épreuve par une concurrence mondialisée. Le moteur de l’export allemand semble, pour le moins, fortement « endommagé ». Un exemple récent. La montée du protectionnisme américain, visant principalement les exportations automobiles allemandes, et les difficultés budgétaires de la France, qui ont pu affecter les capacités de consommation et les achats de biens intermédiaires allemands, ont pu expliquer la « nervosité » des responsables allemands.

De plus, hors Europe, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Allemagne. Cette situation, qui est, à la fois, une chance et une dépendance accrue pour les entreprises allemandes, s’avère être un facteur de poids dans les décisions stratégiques des grands groupes.

Dans un environnement de résurgence des protectionnismes et de montée de nouvelles fiertés nationales, la phase de domination mondiale des grandes entreprises allemandes dans les domaines phares de l’export est en passe de se terminer au profit d’une phase d’internationalisation complète. Si le moteur de l’export n’est pas rapidement réparé, il ne sera alors plus en mesure de produire les emplois bien rétribués qui contribuent, encore aujourd’hui, largement à la richesse de l’Allemagne.

Si l’Allemagne ne peut plus compter sur ses biens manufacturés pour maintenir son niveau d'exportation, a-t-elle des alternatives ou est-elle condamnée à ce déclin ?

Outre l’évolution du commerce international, le changement démographique, les grandes questions planétaires (réchauffement du climat, raréfaction des ressources, numérisation de l’économie et de la société) exigent de l’industrie allemande de fortes capacités d’évolution et d’adaptation, tout en lui offrant de véritables perspectives.

La puissance économique de l’Allemagne s’appuie essentiellement sur les performances de son industrie et, en particulier, sur sa capacité à innover. Pour valoriser ces atouts, le Gouvernement a réuni l’ensemble des dispositifs en faveur de la recherche, de la technologie et de l’innovation au sein d’une « stratégie Haute technologie ». Une sélection des principaux marchés d’avenir (santé, mobilité, climat, énergie, sécurité et communication) a déjà été opérée. Pour sa part, le ministère fédéral de l’Économie soutient dans le cadre de ses compétences l’aérospatial, l’économie maritime, ainsi que les filières de la mobilité et des techniques de l’information et de la communication. Les PME innovantes de tous secteurs bénéficient de l’accès aux subventions de l’État (Programmes pluri-technologiques du BMWi).

Dès lors, beaucoup des conséquences et des effets de ces changements ne pourront être maîtrisés qu’en coopération avec l’industrie. Grâce à ses compétences et à son potentiel d’innovation, celle-ci peut apporter une contribution essentielle à la résolution des problèmes de l’économie allemande.

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