L’Allemagne a un nouveau chancelier et voilà l’interprétation que font les Européens de l’Est du départ d’Angela Merkel <!-- --> | Atlantico.fr
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La chancelière allemande Angela Merkel serre la main du Premier ministre hongrois Viktor Orban lors d'une conférence de presse, le 5 juillet 2018, à Berlin.
La chancelière allemande Angela Merkel serre la main du Premier ministre hongrois Viktor Orban lors d'une conférence de presse, le 5 juillet 2018, à Berlin.
©OMER MESSINGER / AFP

Diplomatie européenne

La coalition qui s’installe à la tête de l'Allemagne a confirmé son engagement pro-européen. Comment les pays d’Europe centrale comme la Hongrie accueillent-ils le départ d’Angela Merkel ?

Rodrigo Ballester

Rodrigo Ballester

Rodrigo Ballester dirige le Centre d’Etudes Européennes du Mathias Corvinus Collegium (MCC) à Budapest. Ancien fonctionnaire européen issu du Collège d’Europe, il a notamment été membre de cabinet du Commissaire à l’Éducation et à la Culture de 2014 à 2019. Il a enseigné à Sciences-Po Paris (Campus de Dijon) de 2008 à 2022. Twitter : @rodballester 



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Atlantico : Comment les pays d’Europe centrale, à commencer par la Hongrie, accueillent-ils le départ d’Angela Merkel ?

Rodrigo Ballester : Ils l’accueillent avec prudence et sceptimisme. Les quatre pays de Visegrad sont différents et ils n’ont pas forcément la même approche et il est probablement que la Slovaquie et la République Tchèque soient moins dubitatives. En Pologne et Hongrie, par contre,  le gouvernement de coalition n’est pas forcément une bonne nouvelle. On ne sait pas encore comment ril va se comporter sur la base de l’accord de coalition on peut comprendre un cette méfiance. La relation entre l’Europe centrale et Merkel a été souvent ambiguë. Il y avait de la prudence, des non-dits,  une incompréhension mais pas d’hostilité manifeste.

La relation entre la Hongrie et l’Allemagne, entre Orbán et Merkel s0est dégradée au cours des dernières années sans jamais se rompre. Orbán était très proche d’Helmut Kohl (ce dernier avait même demandé qu’il ait un rôle spécial lors de ses funérailles) et il a naturellement enchaîné sur une relation cordiale avec Merkel qui est passé par plusieurs étapes, en tendance décroissante.  Cordiale au début, la crise migratoire de 2015 a définitivement détérioré cette relation sans pour autant la faire voler en éclats. L’ambiguïté et la prudence sont des traits de caractères de Merkel. Depuis que les relations entre l’UE d’une part, et la Pologne et la Hongrie d’autre part se sont envenimées, la Chancelière a soufflé le chaud et le froid, elle n’a ni ouvertement défendu ni frontalement attaqué Varsovie et Budapest. Pendant ces crises à répétition, il est probable qu’elle ait joué un rôle de médiateur, d’arbitre au sein du Conseil européen, un rôle pragmatique de primus inter partes entre deux camps clairement confrontés. Il y a quelques semaines à peine, elle plaidait encore pour une sortie de crise négociée avec la Pologne.

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La situation va évidemment changer avec le gouvernement Scholz qui est plus idéologique , à cheval sur les « valeurs européennes » , plus militant sur les questions sociales et ouvertement fédéraliste.

Quelles sont les choses qui peuvent inquiéter les pays d’Europe centrale dans le nouveau gouvernement ?

Quatre éléments principalement. D’abord, l’engagement explicite de ce gouvernement de faire respecter l’Etat de Droit et de conditionner les fonds européens à un respect de ces principes…tels que définis par l’Union Européenne, ce qui est perçu comme un chantage idéologique par Varsovie et Budapest. Deuxièmement, le programme de coalition est ouvertement favorable à l’immigration ce qui en théorie ne concerne que l’Allemagne mais par ricochet affecte également d’autre pays et ce qui donnera le « la » dans les discussion à Bruxelles sur ce sujet.. Troisièmement, l’agenda sociétal très progressiste de la coalition notamment sur les familles arc-en-ciel et leur reconnaissance dans d’autres pays de l’UE, ce qui est aux antipodes des valeurs des gouvernements hongrois et polonais. Quatrièmement, l’avenir de l’Europe. La coalition a écrit noir sur blanc que la grande consultation citoyenne qui a lieu en ce moment même dans tous les États membres devra déboucher sur une nouvelle convention, une réforme des traités et une Europe clairement plus fédéraliste. Curieuse façon de préjuger du résultat final…

Viktor Orbán a notamment pris la plume pour expliquer sa relation avec Merkel. Il s’interroge notamment sur le rôle précis d’Angela Merkel. L’ambiguïté était-elle si importante ?  

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Il explique effectivement une relation distante mais qui n’était pas hostile. Il dit assez ouvertement dans ce texte que les relations vont être plus tendues avec le Gouvernement Scholz. Viktor Orbán a côtoyé Merkel pendant des années au Conseil européen. Ils ont bataillé ensemble sur des causes communes, ils ont eu leurs oppositions, mais ils se sont beaucoup fréquentés. Si après dix ans, un chef d’Etat écrit que lui-même ignore les raisons derrière ses prises de position ou ses atermoiements et affirme même que son plus grands regret est de ne pas le savoir, c’est que la chancelière allemande était bel et bien une spécialiste de l’ambiguïté !

Ce texte évoque aussi l’idée qu’avec le nouveau gouvernement, il se prépare à la « bataille ». N’y-a-t-il aucune possibilité d’entente entre la nouvelle coalition et le bloc de Visegrad ?

Il y aura bien sûr des sujets où ils continueront de s’entendre. Sur la majorité des sujets européen, le groupe de Visegrad, Hongrie et Pologne comprises, est très constructif. Ce sont notamment de bons élèves du Marché Intérieur européen. Les sujets qui fâchent, ce sont les valeurs, l’Etat de droit et la politique migratoire, surtout les deux premiers d’ailleurs. La phrase d’Orbán doit aussi être lue dans le contexte des élections législatives d’avril prochain qui, en grande partie, seront aussi un enjeu européen. De nombreuses personnes, y compris à Bruxelles, rêvent de voir perdre leur bête noire Orbán et vu les tendances interventionnistes et messianiques qui font désormais partie du paysage politique européen, nul doute que la campagne électorale ne se jouera pas seulement à Budapest.  Il est probable que la coalition vert, jaune, rouge manifester une hostilité explicite et peut-être prenne position pendant la campagne ou, du moins, soutienne des positions à Bruxelles qui auront une incidence directe sur la situation électorale en Hongrie. Pour rappel, la Hongrie (ni la Pologne d’ailleurs) n’ont reçu à se jour un seul centime du Fonds de Relance européen, des fonds pour lesquels les hongrois se sont endettés tout autant (voire plus, par tête !) que les autres pays européens. Et tout le monde assume que les fonds seront bloqués jusqu’aux élections, au moins. Par ailleurs, Orban a convoqué un referendum sur la loi hongroise de protection des mineurs pour répondre à l’infraction lancée par Bruxelles. Un vrai bras de fer ! Alors n’attendons pas d’accalmie sur le front politique, même si la relation quotidienne sur le plan technique est bien plus fluide qu’on en le pense entre Budapest et Bruxelles.

Est-ce que l’avis de Viktor Orbán est largement partagé par les politiques mais aussi les populations d’Europe centrale ?

Tout dépend de la couleur politique. L’opposition hongroise est sans doute ravie de cette coalition allemande qui va les aider dans leur opposition contre Orbán. Les conservateurs sont forcément beaucoup moins satisfaits et méfiants.

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