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Jusqu’où peut aller l’affaire Kerviel ?
©Gonzalo Fuentes / Reuters

Déflagration

Au rythme où va la Société Générale, Kerviel deviendra bientôt l’emblème séculaire de l’inégalité de traitement entre les puissants et les faibles. La question qui est désormais posée n’est plus vraiment de savoir si la hiérarchie du trader connaissait ses frasques, mais jusqu’où ira la détonation lorsque le pot-au-rose sera révélé.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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L’affaire Kerviel fait partie de ces dossiers emblématiques à l’aune desquels on juge toute une époque. Elle est de la même trempe que l’affaire Calas ou, dans un ordre différent, l’affaire Dreyfus, ou encore le procès des Templiers sous Philippe le Bel. Au rythme où va la Société Générale, Kerviel deviendra bientôt l’emblème séculaire de l’inégalité de traitement entre les puissants et les faibles. La question qui est désormais posée n’est plus vraiment de savoir si la hiérarchie du trader connaissait ses frasques, mais jusqu’où ira la détonation lorsque le pot-au-rose sera révélé.

Kerviel et l’embarrassant avertissement d’Eurex

On se souvient que, dès janvier 2008, Eurex, bureau de surveillance du marché à terme, affirmait avoir prévenu la Société Générale des agissements de Jérôme Kerviel. À cette époque, la Société Générale avait répondu :

Dans une déclaration, la Société générale explique en substance que les alertes mentionnées par le témoin ne lui permettaient pas de prendre conscience du problème Kerviel.

Les explications avaient à moitié convaincu les initiés, semble-t-il, qui restaient sceptiques sur l’ignorance totale de la banque dans un contexte aussi tendu.

Kerviel affranchi de ses dommages et intérêts

On connaît les révélations qui sont intervenues, cette année, sur les dessous possibles de l’enquête judiciaire. Peu à peu a pris forme l’idée que les magistrats avaient pu subir des pressions pour faire plonger Kerviel et épargner la direction de la banque. Cette évolution sur le fond a probablement influencé la position du Parquet lors du procès au civil en appel de Kerviel contre sa condamnation à payer près 5 milliards € de dommages et intérêts. L’avocat général a en effet requis le rejet de la demande de la Société Générale.

Comme le fait remarquer Jean-Marc Boyer dans son article de la Gazette de l’Assurance, ce réquisitoire risque d’embarrasser financièrement la Société Générale, déjà soumise à l’impôt dans ce dossier.

L’affaire de la subornation de témoin

Parallèlement, Kerviel a remporté une autre bataille judiciaire. Il a obtenu le placement de la Société Générale sous statut de témoin assisté dans une affaire de subornation de témoin. Le parquet semble ne pas exclure que la banque ait largement indemnisé le supérieur hiérarchique direct de Kerviel (1 million € d’indemnités) licencié pour faute après la révélation du scandale, en échange d’une déposition à charge contre le trader.

La banque conteste les faits, mais la situation est fâcheuse. Le supérieur de Kerviel s’est en effet désisté de son dossier aux prudhommes après la signature d’une transaction dont les détails promettent d’être croustillants.

La position très affaiblie de la Société Générale

Le dossier Kerviel n’est, après tout, qu’un dossier parmi d’autres dans un univers de connivences qui fait tache. On retrouve en effet la marque Société Générale dans toutes les affaires qui ont défrayé la chronique judiciaro-bancaire ces dernières années.

En avril 2016, les locaux de la banque ont été perquisitionnés dans le cadre du dossier des Panama Papers.  Tout laisse à penser que la Société Générale a facilité l’évasion fiscale, non sans que ses dirigeants aient juré aux parlementaires que ces opérations relevaient du passé. Ce qui ressemble à un parjure ressemble beaucoup à une énorme erreur stratégique dans un contexte kerviellien.

Mais faut-il rappeler ici, à titre d’autres exemples, les amendes infligées à la banque pour la manipulation des cours de l’Euribor (finalement réduite à 227 millions €), ou pour ses défaillances dans la lutte contre le blanchiment (500.000 € en 2012, infligée par l’Autorité de Contrôle Prudentiel)?

Petit à petit, la Société Générale accumule les revers et le citoyen peut à bon droit s’interroger sur les protections dont ses dirigeants bénéficient…

Jusqu’où ira la déflagration?

Jusqu’ici, les dirigeants de la Société Générale ont adoré jouer les inflexibles, menaçant de poursuites et de sanctions tous ceux qui contestaient une version monolithique et manichéenne des faits. Cette stratégie pourrait très bien se retourner contre le monde bancaire, comme l’affaire Dreyfus, en son temps s’est retournée contre l’armée française promise, pendant les décennies qui ont suivi, à un silence de plomb.

Le contexte est d’autant plus gênant que le directeur général de la banque, Frédéric Oudéa, est aussi président de la Fédération Française des Banques (FFB). C’est moche pour les banquiers… car un glissement de terrain imprévu risque de balayer la superbe bancaire pour un bon nombre d’années. Mais il est vrai que le pire n’est jamais sûr.

Cet article a initialement été publié sur le blog d'Eric Verhaeghe

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