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Juppé, DSK, Jospin, Giscard... : de qui Emmanuel Macron est-il le clone (sexy) ?
©Reuters

Clonage politique

Emmanuel Macron occupe un créneau particulier sur le paysage politique : libéral économiquement, mais moins acerbe sur d'autres thématiques où il cherche plus à rassembler. Une ligne par ailleurs déjà défendue par d'autres personnages politiques passés ou actuels.

Maud Guillaumin

Maud Guillaumin

Journaliste à Europe 1, BFM, ITélé, Maud Guillaumin suit pour le service politique de France-Soir la campagne présidentielle de 2007. Chroniqueuse politique sur France 5 dans l’émission Revu et Corrigé de Paul Amar, puis présentatrice du JT sur LCP, elle réalise également des documentaires : « Les Docs du Dimanche », « Les hommes de l’Élysée » sur les grands conseillers de la Ve République et « C’était la Génération Mitterrand » transposé de son livre Les Enfants de Mitterrand (Editions Denoël, janvier 2010). Elle écrit également dans la revue littéraire Schnock. Elle est l'auteur de "Le Vicomte" aux éditions du Moment (2015).

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Atlantico : Alors qu'Emmanuel Macron se présente comme une alternative au "système", il repose sur une offre politique économiquement libérale tout en restant assez consensuel sur plusieurs autres questions, comme l'identité, l'immigration ou la laïcité. Ces thématiques ont d'ores et déjà été reprises par d'autres personnalités politiques du paysage français… Quelle pourrait être la filiation (volontaire ou non) de l'ancien ministre de l'Économie ?

Maud Guillaumin : La filiation volontaire d'Emmanuel Macron c'est, me semble-t-il, Michel Rocard. Les deux hommes ont longtemps entretenu des relations très amicales, mais Michel Rocard a souhaité rester en retrait, de peur que son nom ne paraisse suspect et puisse nuire à Emmanuel Macron. Il a donc tenu à rester comme une amitié lointaine. Mais ils partagent tous deux une vision de la France qui se rejoint, tout particulièrement sur les souffrances du pays liées à l'inanité de la pensée économique. Selon eux, la France n'a pas pris en compte les changements économique qu'implique le nouveau contexte d'économie globalisée, mondialisée. Pour autant, de là à dire d'Emmanuel Macron qu'il se revendique de cette "deuxième gauche" à laquelle appartenait Michel Rocard, il y a un pas. Mais il est clairement sur la même ligne réformiste. Ce rapprochement se retrouve également sur la forme, d'ailleurs : l'une des démissions les plus fracassantes dans le monde politique fut celle de Michel Rocard, en 1987, qui claqua la porte au nez d'un François Mitterrand qui le bloquait trop. Michel Rocard souhaitait préparer la campagne de 1988. De quoi faire penser à Emmanuel Macron !

Il y a également, avec Alain Juppé, d'évidentes convergences. Elles sont mêmes reconnues par Emmanuel Macron. Les deux partagent la volonté d'une France plus libérale, plus orléaniste en un sens. Le diagnostic qu'ils font tous les deux est similaire, tant sur le système de production français que sur la scission qui sépare le pays en deux. En outre, la tactique qu'ils utilisent est très ressemblante : jouer la carte de l'ouverture d'un côté comme de l'autre vers les "réformistes" et transcender les clivages traditionnels. N'oublions pas non plus que Jean Arthuis, fidèle soutien d'Emmanuel Macron, fut ministre de l'Économie sous les gouvernements d'Alain Juppé. Les différences existent entre eux mais relèvent davantage de la forme et du parcours : Emmanuel Macron ne s'est jamais soumis au vote, a connu une progression fulgurante quand Alain Juppé a essayé, dès le départ, d'avoir les pieds dans la boue. Il a eu une carrière relativement lente, dans le sillon de Jacques Chirac, naviguant entre échecs et victoires au suffrage universel. C'est un point de divergence considérable.

Enfin, un autre homme politique auquel Emmanuel Macron ressemble beaucoup, c'est bien Valéry Giscard d'Estaing. L'ancien Président, comme Emmanuel Macron et Alain Juppé, est passé par l'Inspection générale des finances et cela forge littéralement les hommes politiques. En outre, ils se retrouvent également sur des points de convergence dans la forme et dans le parcours : les deux n'avaient pas de réel parti derrière eux et se lancent néanmoins à l'assaut très jeunes (pour Valéry Giscard d'Estaing, à l'époque, c'était également le cas). Ils ont tous les deux cette dimension de jeune fou intrépide et partagent une volonté de faire bouger les lignes, d'opposer les anciens et les modernes, ainsi qu'une fibre européenne très forte.

Si Emmanuel Macron n’apparaît finalement que comme un clone plus jeune d'Alain Juppé et consorts, comment expliquer que pour les électeurs il puisse représenter un renouveau ? 

Emmanuel Macron représente effectivement un renouveau pour une partie de l'électorat en France. À mon sens, c'est la résultante de différents facteurs, notamment l'ancrage de son action sur un terrain libéral et le discours qu'il peut tenir. L'ancien ministre de l'Économie dit en effet : "Je peux vous aider, je représente un nouveau souffle politique".

À la différence d'Alain Juppé par exemple, il n'a pas de mentor, ou du moins pas de mentor affiché. Il ne marche pas dans les pas de qui que ce soit, en apparence, et demeure très neuf pour le monde politique. Contrairement à de nombreux autres personnages politiques, qu'il s'agisse de Juppé, de Strauss-Kahn ou de Giscard d'Estaing, qui s'étaient longuement essayés à l'exercice déjà, Emmanuel Macron débute encore en politique. Il ne connaît pas non plus les arcanes d'un parti et c'est primordial. Je crois que cette dimension "loup solitaire", qui lui permet d'apparaître comme en marge de la machine politique, des partis mais également hors des code sociaux (comme en témoigne le fait que sa femme est plus âgée que lui), participe à séduire la population.

Cependant, il est important de ne pas perdre de vue que ce qui lui permet d'incarner un renouveau ne relève pas du domaine politique, au sens où cela ne relève pas du fond ou de l'idéologie. C'est une question de forme, qui lui permet un certain dynamisme (qui lui est très favorable). Dans les faits, ses diagnostics sont déjà vus et manquent souvent de concrets, pour ceux que l'on connaît d'ores et déjà.

Plusieurs des hommes politiques précédemment cités ont connu un destin "abrégé" en politique. Qu'est-ce que cela laisse présager pour Emmanuel Macron ?

Là encore, il me semble intéressant de faire le lien avec Michel Rocard. Il a eu une belle carrière mais a toujours été déconsidéré, et pour cause ! La deuxième gauche à laquelle il appartenait n'a jamais été très appréciée, tout particulièrement chez les socialistes. Je pense que cela peut représenter le talon d'Achille d'Emmanuel Macron. Il ne sait pas assez se plier aux conformités, demeure peut-être trop à la marge. Entendons-nous bien : il peut être intéressant de se distinguer comme il le fait. Malheureusement, cela ne pourra suffire à créer de la différence que pendant un temps. S'il rate le coche de 2017, je crois qu'Emmanuel Macron devra nécessairement rentrer dans des codes plus traditionnels pour ne pas devenir inaudible.

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