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Juifs pour Sarkozy, cathos pratiquants pour Fillon et musulmans pour Juppé ? Les leçons de la primaire sur les votes confessionnels
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Ce nouvel Ifop focus analyse à la fois le poids du vote catholique dans la dynamique Fillon (qu’il a contribué à amplifier mais sans pour autant en être le principal ressort), mais aussi sur le choix assez tranché effectué lors de cette primaire par d’autres électorats confessionnels.

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L'Ifop est un institut de sondages d'opinion et d'études marketing.

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Il a été beaucoup question du poids du vote des catholiques dans l’issue de la primaire de la droite. L’accent mis sur ce sujet peut en partie s’expliquer par un effet de surprise de la part de certains observateurs et analystes, qui habitués à commenter des élections générales, ont peut-être sous-estimé que dans un scrutin s’adressant prioritairement à un corps électoral de droite, le vote catholique pèse bien davantage que lors d’une élection présidentielle par exemple. La mobilisation d’une partie des réseaux opposés au mariage pour tous en faveur de François Fillon, les nombreux signaux envoyés tout au long de la campagne par ce dernier aux catholiques tout comme les polémiques de l’entre-deux tours sur l’IVG, ou la proximité supposée des deux finalistes avec les positions défendues par le Pape François, ont également contribué à placer au cœur du débat la question du rôle du vote catholique dans la large victoire de François Fillon. 

Ce nouvel Ifop focus revient donc sur ce sujet et analyse à la fois le poids du vote catholique dans la dynamique Fillon (qu’il a contribué à amplifier mais sans pour autant en être le principal ressort), mais aussi sur le choix assez tranché effectué lors de cette primaire par d’autres électorats confessionnels.

1.      L’électorat catholique de droite s’est davantage mobilisé et a majoritairement voté pour François Fillon

Les données de l’Ifop[1] montrent tout d’abord que l’électorat catholique pratiquant de droite, qui pèse environ 15% de l’ensemble de l’électorat de droite (ce qui n’est pas négligeable mais qui représente néanmoins une minorité), c’est nettement plus mobilisé que la moyenne des électeurs de droite au premier tour de cette primaire. Le comportement plus civique des catholiques pratiquants, régulièrement observé dans d’autres scrutins, s’est manifesté une nouvelle fois. Alors qu’en moyenne, 27% des sympathisants des Républicains ont participé au premier tour de la primaire, cette proportion s’est établie à 36% parmi les sympathisants des Républicains se déclarant catholiques pratiquants, contre seulement 28% chez les sans religion et 24% parmi les sympathisants LR se définissant comme catholiques non-pratiquants.  

Autre enseignement de cette enquête, François Fillon s’est taillé la part du lion au sein de la composante catholique pratiquante des sympathisants Républicains. Comme le montre le tableau suivant, il atteint en effet le score très élevé de 59% dans ce segment.


(Cliquer pour agrandir)

Mais trois remarques doivent être faites à ce stade. D’une part, si ce score est massif, il convient de souligner que François Fillon a recueilli 48% parmi les sympathisants LR catholiques non pratiquants et 51% parmi les sans religion. Le vainqueur de la primaire a donc bénéficié d’une prime de près de 10 points chez les pratiquants par rapport à la moyenne enregistrée dans l’ensemble des électeurs des Républicains. Néanmoins sa très large avance n’a pas été construite sur ce seul segment mais par une dynamique ayant concerné l’ensemble de l’électorat de droite où il a obtenu 51% contre 19% pour son rival Alain Juppé (ce dernier voyant son score global tiré à la hausse par le vote des électeurs du centre et de gauche ayant participé à la primaire). Ainsi il domine largement ses concurrents dans tous les compartiments de l’électorat des Républicains qui se sont retrouvés dans les valeurs qu’il incarnait et cette situation de domination a été encore amplifiée dans les rangs des catholiques pratiquants. 

Second constat, si François Fillon domine très largement dans la composante catholique pratiquante de l’électorat de droite, ce segment n’a pas voté, du moins au premier tour, de manière monolithique pour lui. D’après nos données, 27% ont opté pour Nicolas Sarkozy et 11% pour Alain Juppé. Dès avant les passes d’armes de l’entre-deux tours, le maire de Bordeaux se trouvait donc en situation de faiblesse particulière dans cette frange de l’électorat de droite puisqu’il atteignait 24% chez les sympathisants LR sans-religion et 21% auprès de ceux catholiques non-pratiquants mais seulement 11% parmi les pratiquants. 



[1] Sondage Ifop pour Atlantico réalisé on line auprès d’un échantillon de 1178 sympathisants des Républicains, extrait d’un échantillon national représentatif de 6901 personnes interrogées du 21 au 23 novembre 2016.

Enfin, troisième constat, on observe que les catholiques de droite pratiquants ont très peu voté pour le candidat du Parti Chrétien-Démocrate, Jean-Frédéric Poisson. Déjà lors des élections européennes de 2014, les listes Force vie animées par Christine Boutin, dirigeante de ce parti, n’avaient pas rencontré les faveurs de cet électorat et avaient en moyenne obtenu seulement 1% dans les circonscriptions où elles se présentaient[2]. Si certains catholiques, et notamment des personnes impliquées dans le mouvement de la Manif pour tous, ont pu être tentés par ce candidat, il semble que ces électeurs aient très majoritairement fait le choix du vote utile et opté pour un candidat pouvant porter leurs valeurs et répondre à une partie de leurs doléances une fois à l’Elysée[3]. Ainsi à Versailles, bastion des catholiques conservateurs et haut-lieu de mobilisation des réseaux proches de la Manif pour tous, Jean-Frédéric Poisson obtient des scores très supérieurs à sa moyenne nationale mais il ne franchit quasiment jamais la barre des 10% quand François Fillon atteint entre 52% et 67% dans ces bureaux de vote au premier tour.

Dans les deux bureaux de vote de Rambouillet, ville où le milieu catholique conservateur est également présent et dont Jean-Frédéric Poisson a été le maire (de 2004 à 2007) avant d’en devenir député, ce dernier obtient des scores plus élevés avec 11,1% et 16,5% des voix mais François Fillon est néanmoins largement en tête avec respectivement 48,1% et 45% des suffrages. Dans d’autres communes très bourgeoises des Yvelines, mais à plus faible tradition catholique, le député de Paris atteint des scores très élevés quand son concurrent du PCD ne recueille que très peu de suffrages : 57,3% pour Fillon contre 2,7% pour Poisson à Saint-Nom-la-Bretèche, 57,9% contre 2,3% au Vésinet ou bien encore par exemple 57,5% contre 1,3% à Croissy-sur-Seine.

2.      Une nette prime à François Fillon dans les terroirs catholiques

La prime dont a bénéficié François Fillon dans l’électorat catholique s’observe donc dans les Yvelines mais également à maints endroits sur la carte électorale. Si ses très bons scores dans les encore assez catholiques Pays-de-la-Loire peuvent aussi s’expliquer par à un « effet fief » dont il a bénéficié en tant que « régional de l’étape », les écarts de résultats entre différents terroirs d’un même département dans d’autres régions renvoient très clairement au degré de présence (ou de survivance) du catholicisme. Il en va ainsi par exemple du Finistère, où le député de Paris franchit au premier tour la barre des 50% dans toute une série de bureaux de vote du nord-Finistère et notamment du Léon, zone où la proportion de catholiques pratiquants est encore assez conséquente. Comme le montre le graphique suivant, les résultats, tout en restant significatifs, sont inférieurs dans le sud du département et notamment en pays bigouden et en Cornouaille, déchristianisés de longue date.    


[2] Voir à ce sujet Note de la Fondapol sur les européennes de 2014 par J. Fourquet. Octobre 2014.

[3] Ce dilemme a été bien perçu par Guillaume de Prémare, ancien dirigeant de la Manif pour tous et délégué-général d’Ichtus, un institut catholique conservateur, qui déclarait : « La question de la stratégie était centrale. Vaut-il mieux peser 5% à l’extérieur ou accepter un compromis à l’intérieur ? » in Le Monde 23/11/2016.

On constate le même phénomène dans la Manche avec des scores souvent supérieurs à 50% dans le sud du département (Avranchin) : 62% à Saint-Pois, 53,8% à Mortain, 53,4% à Saint-Hilaire du Harcourt ou bien encore 52.8% à Brécy. Ce territoire de bocage aux confins de l’Orne, de la Mayenne et de l’Ille-et-Vilaine qui fait figure de bastion catholique conservateur a donc privilégié François Fillon, quand plus au nord, le Cotentin, beaucoup plus déchristianisé, votait un peu moins pour lui : 41.8% à Martinvast, 41.5% à Beaumont-Hague, 40.5% aux Pieux et 40.1% à La Glacerie.

Il en va de même en Ardèche, département dont André Siegfried avait mis en lumière le clivage religieux entre un nord catholique et un sud protestant ou déconfessionnalisé. Là aussi, des différences de scores assez sensibles apparaissent entre les bureaux de vote septentrionaux (Lamastre : 53,6%, Annonay : 52,2%) et ceux situés dans la moitié sud du département : 36% à Vals-les-Bains et 38,7% aux Vans par exemple.

Dans le département des Deux-Sèvres, où il existe également une ligne de fracture historique mais toujours d’actualité[4] entre le bocage du nord, où la pratique catholique demeure encore assez vivace et un sud plus déchristianisé, le contraste a été encore renforcé par le positionnement géographique du département situé aux confins des zones d’influence respectives des deux finalistes. Le nord du département est limitrophe des Pays-de-la Loire, fief de François Fillon, quand le sud des Deux-Sèvres et la région de Niort sont dans la grande aire d’influence de la métropole bordelaise. Ce poids de ces influences régionales combinées à la fracture religieuse a abouti électoralement à un département coupé en deux. Au premier tour, François Fillon domine ainsi très largement dans l’arrondissement de Bressuire au nord du département alors que ses scores sont nettement moins élevés dans le sud déchristianisé, où Alain Juppé, baron politique du grand sud-ouest, fait jeu égal avec lui voire le devance dans certains bureaux de vote.

Les Pyrénées-Atlantiques constituent un autre exemple intéressant à étudier dans la mesure où bien qu’affichant encore une pratique du catholicisme parmi les plus élevées de France, le vote Fillon n’a pas été aussi fort que ce degré de pratique aurait pu laisser penser. Le fait qu’il s’agisse d’un département aquitain dans lequel l’effet régional a pu jouer en faveur du maire de Bordeaux et au détriment du député de Paris constitue un premier élément d’explication.Les deux hommes font quasiment jeu égal dans ce département : 39,7% pour François Fillon contre 37,8% pour Alain Juppé. Mais l’observation de la carte fait ressortir que la répartition très équilibrée de ces voix s’est faite en bonne partie sur une logique géographique. Sauf exception, François Fillon domine sur la côte et dans le Pays basque, quand son rival vire en tête dans le Béarn comme le montre le graphique suivant.



[4]Voir à ce sujet La religion dévoilée. Nouvelle religion du catholicisme de J. Fourquet et H. Le Bras, avril 2014

On devine ici le poids d’un autre facteur local : l’influence de François Bayrou, maire de Pau et élu béarnais de longue date. Si d’une manière générale, le degré de pratique du catholicisme a porté François Fillon, l’assez forte proportion de catholiques pratiquants dans le Béarn (proportion qui est même un peu supérieure d’après les données Ifop à ce que l’on observe sur le littoral basque) a été plus que contrebalancée par le soutien que François Bayrou, élu très enraciné dans cette terre, a apporté à Alain Juppé. Dans la partie basque du département, ce facteur a nettement moins joué et c’est François Fillon qui a dominé le maire de Bordeaux.  

Si les terroirs catholiques ont dans leur ensemble accordé une prime significative à François Fillon, la candidature de ce dernier a également rencontré un écho certain en Alsace dans les territoires marquéspar la présence luthérienne. Il obtient ainsi dans le nord-ouest du Bas-Rhin, 61,9% à Drulingen, 59,6% à La Petite-Pierre, 54,4% à Sarre-Union et 49,6% à Bouxwiller. Les autres régions de tradition protestantes (mais calvinistes) comme certains terroirs de la Drôme ou les Cévennes par exemple, n’ont pas rejeté François Fillon mais ne lui ont manifestement accordé aussi appuyé que les zones catholiques ou luthériennes. Le député de Paris obtient ainsi 46,7% à Saint-Jean-du-Gard, 43,2% à Anduze ou bien encore 42,8% à Saint-Hippolyte-du-Fort dans le département du Gard.

3.      François Fillon a su parler aux catholiques de droite

Durant toute la campagne, et même avant, François Fillon a envoyé des messages à l’électorat catholique de droite et a pris position sur toute une série de thématiques qui résonnent d’un écho particulier dans cet électorat. Si son image et son parcours personnels (notable puis homme d’Etat issu d’une famille catholique de l’ouest de la France) ont permis une identification ou du moins une certaine proximité avec cet électorat, c’est bien la juxtaposition de ses prises de positions sur des sujets touchant les différentes composantes de la droite catholique qui a constitué la clé de son succès auprès de ce public divers.

Le député de Paris a ainsi accordé une large place à la défense de la famille traditionnelle, sujet majeur dans l’électorat catholique de droite. Cela s’est traduit par sa promesse de revenir sur la loi Taubira en remplaçant l’adoption plénière par l’adoption simple pour les couples homosexuels de façon à restaurer le principe de la filiation d’origine. Ce faisant, François Fillon accédait à une des revendications de Sens commun, qui le soutenait, et de la Manif pour tous[5]. Mais ses prises de positions ne concernaient pas que le sujet sensible du mariage pour tous, le député de Paris s’est inscrit plus largement dans une volonté de remise à plat de la politique familiale du gouvernement socialiste, cela passant par la suppression de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales et le relèvement du quotient familial. Sa volonté d’accorder une place centrale à la famille s’exprime très bien dans cet extrait de son discours prononcé à Lyon le 22 novembre : « Je remettrai la famille au cœur de toutes politiques publiques. Pour moi, la famille c’est une valeur, pas une variable budgétaire et encore moins un sujet d’expérimentations sociales hasardeuses ». Pour François Fillon, il faut à tout prix défendre et protéger la famille traditionnelle car elle est à la fois le fondement de la société mais aussi le lieu où se transmettent des valeurs fortes et s’exercent des solidarités. Cette définition de la famille renvoie à celle ayant cours dans ce qu’Olivier Bobineau appelle la « civilisation paroissiale »[6] qui attache également une importance à la distinction entre le sacré et le profane. En faisant une critique d’une modernité nivelante aboutissant à l’égalitarisme et à la négation de certaines valeurs et d’une transcendance qu’il s’agit de restaurer, François Fillon s’est inscrit dans cette grille de lecture partagée par de nombreux catholiques. Soucieux d’entretenir un dialogue intellectuel avec le monde catholique, il prit ainsi la peine de répondre rapidement et de manière argumentée à l’appel de la Conférence des évêques à « retrouver le sens du politique » alors qu’Alain Juppé ne répondit que tardivement.

François Fillon a également abordé à de nombreuses reprises le sort des Chrétiens d’Orient. Il s’est rendu  plusieurs fois au Kurdistan irakien dans des camps de réfugiés de cette minorité et il a participé à un meeting en soutien à cette population en juin 2015 à Paris. Si cette cause est moins fédératrice que la défense de la famille traditionnelle, elle est néanmoins chère à toute une partie de la France catholique. 67% des catholiques pratiquants et 66% des non-pratiquants étaient ainsi favorables[7] à l’accueil de Chrétiens d’Orient en mai dernier et la proximité des catholiques à cette population se lisait dans le fait que la propension à l’accueil était significativement plus élevée quand il s’agissait de Chrétiens d’Orient que des migrants en général : 13 points de plus en faveur de l’accueil de cette minorité chez les catholiques pratiquants et 29 points de plus chez les non-pratiquants, majoritairement favorables à l’accueil des Chrétiens d’Orient mais tout massivement opposés à l’accueil de migrants en général.        


[5] D’après une enquête Ifop pour Atlantico, 11% des sympathisants des Républicains se déclarent « très proches des valeurs et des idées défendues par la Manif pour tous » et 25% « assez proches ». Parmi les sympathisants qui sont très proches, et qui sont potentiellement en lien ou en contact avec ces réseaux, la mobilisation a été nettement plus forte que dans la moyenne de l’électorat de droite. 39% d’entre eux déclarent avoir voté au second tour, contre 27% des sympathisants LR en moyenne et leur soutien à François Fillon a été massif : 87% au second tour contre 75% en moyenne dans l’électorat de droite. (enquête réalisée du 21 au 23 novembre auprès d’un échantillon de 1178 sympathisants LR extrait d’un échantillon national représentatif de 6901 personnes).  

[6]Cf « La résistance d’une France paroissiale catholique » in Le Monde 24/11/2016

[7]  Sondage Ifop pour Atlantico réalisé par internet du 30 avril au 4 mai 2016 auprès d’un échantillon national représentatif de 1667 personnes.

Si la ligne conservatrice et de droite décomplexée retenue par François Fillon a rencontré un écho dans les milieux catholiques de droite, c’est également parce qu’il a abordé sans fard la question de l’islam et de l’islamisme qui inquiète à plusieurs titres cet électorat. Les données de l’Ifop avaient ainsi montré que c’est dans ce segment électoral que le FN avait le plus progressé entre les départementales et les régionales de 2015. Il avait ainsi gagné 9 points parmi les catholiques pratiquants et 6 points chez les non pratiquants alors qu’il reculait de 2 points auprès des sans religion. Se sentant comme minoritaires dans leur propre pays (la défaite de la mobilisation contre le mariage pour tous ayant renforcé cette perception d’être en minorité), bon nombre de catholiques vivent avec inquiétude le développement et l’enracinement de l’islam en France, car cette religion est perçue par beaucoup comme démographiquement plus dynamique et par certains comme conquérante. Le trouble profond suscité dans ces milieux par le meurtre du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray par deux djihadistes est venue renforcer l’image menaçante que l’islam avait auprès de certains.

Au lendemain de cet attentat, la sécurité et la lutte contre le terrorisme apparaissent ainsi comme la priorité numéro un des Français avec 58% de citations, loin devant le chômage qui ne recueille que 17% de citations, mais cette focalisation sur l’enjeu sécuritaire est encore plus spectaculaire parmi les catholiques pratiquants avec 68% de réponses sur l’item « la sécurité et la lutte contre le terrorisme », contre 12% sur « la lutte contre le chômage »[8].  Dans le même ordre d’idées, l’adhésion à l’internement préventif des individus fichés « S » qui atteint pas moins de 74% dans l’ensemble de la population est encore davantage plébiscité auprès des catholiques pratiquants, avec 84% de réponses plutôt favorables.

A la suite des attentats de janvier 2015, les catholiques pratiquants, à l’instar de l’ensemble de la population française, étaient pour les deux tiers d’entre eux environ dans le refus de l’amalgame. Fait marquant et qui viendrait plutôt invalider l’hypothèse de la multiplication d’actes de représailles aveugles contre des musulmans, au lendemain des attaques de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray, ce rapport de force n’a pas varié dans l’ensemble de la population française. Cependant, et comme le montre le graphique suivant, cette stabilité n’est pas du tout de mise parmi les catholiques pratiquants. 

En un an et demi, et à la suite de multiples attaques, dont la dernière en date visait spécifiquement un représentant et des fidèles de l’Eglise, la proportion des catholiques pratiquants refusant l’amalgame entre les musulmans et les islamistes radicaux a reflué de 15 points quand, dans le même temps, la proportion de ceux qui considèrent l’islam comme une menace passait de 33% à 45%, cette opinion faisant désormais quasiment jeu égal avec le refus de l’amalgame chez les catholiques pratiquants.  Dans ce contexte, les prises de positions de François Fillon sont apparues totalement en phase avec ce ressenti. François Fillon a ainsi indiqué dans son livre Vaincre le totalitarisme islamique : « Il n’y a pas de problème religieux en France. Il y a un problème lié à l’islam ». Dans la même veine, il a rappelé à de multiples reprises qu’il était opposé à l’adoption de nouvelles mesures plus strictes en matière de laïcité car elles auraient selon lui comme effet de brider l’expression des convictions religieuses notamment des chrétiens qui seraient en quelque sorte des victimes collatérales des tensions existant entre la République et une partie de la population musulmane. Cet argument a été reçu cinq sur cinq dans une large frange des milieux catholiques. De la même façon, le vainqueur de la primaire a affiché une ligne très dure et sans ambiguïté pour ce qui est de l’attitude à adopter face aux djihadistes français combattant en Irak et en Syrie en déclarant qu’il ferait en sorte que le plus grand nombre possible d’entre-eux soit neutralisé sur place de manière à restreindre au maximum le nombre de djihadistes rentrant en France. Cette fermeté extrême face à l’islamisme radical mais aussi face à l’islam en général rencontrera sans doute un écho certain dans l’électorat catholique conservateur profondément touché par l’attaque de Saint-Etienne-du-Rouvray.

La tournure de la campagne de l’entre-deux tours, les angles d’attaque retenus par Alain Juppé et l’appel à voter en faveur de François Fillon au nom de valeurs communes lancé par Nicolas Sarkozy, qui avait capté on l’a vu 27% des voix des catholiques pratiquants de droite, ont encore amplifié la mobilisation de cet électorat en faveur de François Fillon. 40% d’entre eux ont ainsi participé au second tour[9] (contre 27% en moyenne dans l’ensemble des sympathisants des Républicains) et ont massivement plébiscité le député de Paris. François Fillon qui surclasse déjà très largement son rival dans l’électorat de droite en général avec un score de 75% atteint 83% parmi les catholiques pratiquants de droite contre 73% parmi les non pratiquants et 70% auprès des sympathisants de droite sans religion. L’analyse des résultats auprès de l’électorat de droite montre que François Fillon a été plébiscité par toutes les composantes de l’électorat de droite mais encore davantage par les catholiques pratiquants.


[8]  Sondage Ifop pour Atlantico réalisé par internet du 27 au 29 juillet 2016 auprès d’un échantillon national représentatif de 1012 personnes

[9]  Sondage Ifop pour Atlantico réalisé par internet de21 au 23 novembre 2016 auprès d’un échantillon de 1178 sympathisants des Républicains extrait d’un échantillon national représentatif de 6901 personnes.

4- Un vote Sarkozy élevé dans l’électorat juif quand les quartiers à forte population issue de l’immigration soutenaient nettement Alain Juppé

S’il a beaucoup été question du vote majoritaire des catholiques pratiquants de droite en faveur de François Fillon au premier tour, l’influence du facteur religieux s’est également manifestée sous d’autres formes dans le cadre de la primaire. L’analyse détaillée des bureaux de vote dans certains départements fait ainsi apparaître de manière très nette, un vote de l’électorat juif en faveur de Nicolas Sarkozy. Différentes analyses[10] avaient déjà démontré l’assise importante dont bénéficiait l’ancien président de la République dans cette catégorie de la population. Il semble que ce lien privilégié ait encore fonctionné lors de ce scrutin particulier et ait produit des résultats très supérieurs à la moyenne en faveur de ce candidat dans les quartiers ou les communes abritant une population juive importante. C’est notamment le cas dans le 18ème arrondissement de Paris qui n’a accordé que 13,7% des voix à Nicolas Sarkozy mais dont deux bureaux de vote ont beaucoup plus voté pour lui. Ce candidat atteint ainsi 28,2% dans le bureau situé 40 bis rue Manin, au cœur d’un quartier juif et 28,1% dans celui implanté 152 rue d’Aubervilliers. Fait marquant, c’est dans ces deux bureaux de l’est parisien, et non pas dans le 16ème ou le 8ème arrondissement, que Nicolas Sarkozy a enregistré ses meilleurs résultats à Paris. 

Comme le montre le graphique ci-dessous, on retrouve le même phénomène dans le Val-d’Oise avec des scores très au-dessus de la moyenne départementale dans deux bureaux de vote de Sarcelles englobant le quartier juif de cette ville, appelé la petite Jérusalem, mais dans deux bureaux de villes voisines Garges-lès-Gonesse et Saint-Brice-sous-Forêt, où sont également présentes des communautés juives importantes. 

Les autres foyers juifs en banlieue ne sont pas en reste avec des niveaux de vote en faveur de Nicolas Sarkozy nettement supérieurs à la moyenne dans trois bureaux de Créteil, dans un bureau de Saint-Mandé, situé non loin de l’Hyper-Cacher de la porte de Vincennes, visé par Amédy Coulibaly et dans un bureau d’Alfortville. 

D’autres bureaux de vote correspondant à des quartiers ou des communes comptant une importante population originaire de pays musulmans ont, quant à eux, massivement voté pour Alain Juppé, le promoteur de l’identité heureuse et des accommodements raisonnables avec l’islam. On peut également penser que le réflexe anti-Sarkozy toujours très vivace parmi ces électeurs a incité certains d’entre-eux à participer à la primaire et à voter pour Alain Juppé. Ce dernier atteint ainsi des scores très nettement supérieurs à la moyenne (avec certes souvent une assez faible participation) dans les communes de banlieue ou dans les quartiers à forte population immigrée. La Seine-Saint-Denis est avec 6 départements de son fief aquitain, l’un des seuls départements à l’avoir placé en tête au premier tour[11]. Le maire de Bordeaux obtient 82,8% à la Courneuve, 46,5% à Saint-Denis, 42,7% à Saint-Ouen, 42% à Aubervilliers ou 39,8% à Clichy-sous-Bois par exemple. Les scores sont également impressionnants dans des quartiers à très forte proportion d’habitants issus de l’immigration avec par exemple, 81,7% dans le bureau situé rue Félix Pyat dans le 3ème arrondissement de Marseille ou bien encore 75,4% à Mantes-la-Jolie dans le bureau implanté dans le centre commercial de Mantes-2.On se souvient que les sarkozystes avaient raillé le déplacement d’Alain Juppé sur la dalle d’Argenteuil (lieu où Nicolas Sarkozy avait prononcé sa célèbre phrase sur les « racailles ») en arguant qu’il n’y avait pas d’électeurs de droite dans ce quartier. L’analyse des résultats détaillés montre que ce déplacement n’a sans doute pas été totalement vain puisque le maire de Bordeaux arrive en tête dans 4 des 9 bureaux de cette ville avec des scores proches de 40%. Dans certains départements de province, les communes marquées par une forte présence de l’immigration constituent les seuls territoires où Alain Juppé a viré en tête au premier tour. C’est le cas notamment dans l’Oise, avec un score de 41,2% à Creil et 38,2% à Montataire contre une moyenne départementale de seulement 22,8%.

[10]  Voir par exemple : L’an prochain à Jérusalem ? Les juifs de France face à l’antisémitisme. J. Fourquet et S. Manternach Fondation jean Jaurès et Editions de l’Aube. Janvier 2016. 

[11] Plus la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. 

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