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Jours heureux : quand Pékin plaçait les deux millions de catholiques chinois sous sa protection
©WANG ZHAO / AFP

Bonnes feuilles

La Chine compte aujourd'hui dix millions de catholiques. Dans son ouvrage "La Longue Marche des catholiques de Chine" (ed. Artège), Yves Chiron décrit l'histoire de cette minorité dans le pays. 1/2

Yves  Chiron

Yves Chiron

Yves Chiron, directeur du Dictionnaire de biographie française, est un journaliste, essayiste et historien spécialisé en histoire religieuse contemporaine. Il a notamment publié plusieurs biographies de papes (Pie IX, Pie X, Benoît XV, Pie XI, Paul VI), dont plusieurs ont été traduites en différentes langues.

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Après l’épisode dramatique des Boxers, l’Église connut en Chine une croissance importante, passant de 750 000 fidèles en 1900 à plus de 1,4 million en 1912. L’essor concernait autant les églises que les œuvres sociales et éducatives. Pour ne prendre que deux exemples : en 1903 le jésuite Ma Xiangbo ouvre l’université Aurora à Shanghai et en 1913 le laïc converti Vincent Ying fonde à Pékin l’Académie Fujen, qui deviendra l’université catholique Furen.

La fin de l’Empire chinois, deux fois millénaire, ne vint pas entraver cette croissance. La dynastie des Qing qui régnait sur la Chine depuis 1644 s’effondra brutalement en 1911. Sun Yat-sen, médecin formé à Hong Kong, fortement inspiré par la démocratie américaine, avait mené une opposition au régime impérial depuis une vingtaine d’années. En octobre 1894, il avait fondé le Xingzhonghui (Société pour le redressement de la Chine) qui défendait la nécessité d’un changement de régime pour sortir la Chine de son immobilisme social et de son retard économique.

Une tentative de coup d’État l’année suivante le contraignit à l’exil en Europe, en Amérique du Nord et au Japon. C’est dans ce pays qu’il fonda avec d’autres révolutionnaires et réformateurs le Tongmenghui, un mouvement unitaire destiné à « chasser les étrangers, restaurer la Chine, fonder une république et redistribuer équitablement les terres ».

C’est pourtant sans lui qu’un soulèvement à Wuchan, dans la province du Hubei, le 10 octobre 1911, provoqua la chute de la dynastie et la fin du régime impérial de la Chine. Le 14 décembre, un gouvernement républicain provisoire était proclamé. Sun Yat-sen, alors aux États-Unis, rentra en Chine en décembre.

Le 1er janvier 1912, la République de Chine était alors proclamée. Sun Yat-sen, désigné comme président provisoire, fonda un parti politique, le Zhōngguó Guómíndang (Parti nationaliste chinois), appelé plus communément alors par les Occidentaux le Kuomintang. Par volonté de rompre avec l’Empire, Nankin fut choisie comme capitale.

Les catholiques étaient alors plus de 1,4 million en Chine. Ils acceptèrent largement le nouveau régime. Les vicaires apostoliques et les missionnaires accueillirent sans crainte, semble-t-il, ce changement institutionnel. Le lazariste belge Vincent Lebbe, à Tianjin, fut enthousiaste. Il se félicitait de voir plusieurs catholiques dans les sphères gouvernementales.

La proclamation de la liberté religieuse dans la Constitution de 1912 plaça l’Église catholique dans un environnement favorable, alors que dans les siècles passés elle avait connu des périodes de fortes persécutions. Mais l’unanimité gouvernementale des premiers mois céda très vite la place à des divisions, Sun Yat-sen étant écarté du pouvoir.

Pour plusieurs décennies, la Chine entre dans une période d’instabilité politique et bientôt de guerre civile. Dès 1916, certains chefs militaires (qui seront surnommés les Warlords, « seigneurs de la guerre ») contrôlent certaines régions; en 1917 Sun Yat-tsen forme un gouvernement dissident dans le Sud, à Canton.

Le Père Lebbe, lui, s’engageait dans un activisme qui enthousiasmait certains et qui en inquiétait d’autres. Celui qu’on surnommera « le Tonnerre qui chante au loin », publiait à partir de 1912, avec un converti Vincent Ying, un hebdomadaire, Guang yi lu (Témoignages). En 1914, il présidait à Tianjin le premier congrès national de l’Action catholique. En octobre 1915, il lançait, toujours à Tianjin, un quotidien, Yi shi bao (le Bien du monde) qui rencontrait aussitôt un grand succès dans la Chine du Nord. Cette année-là il apporta un soutien ardent à un vaste mouvement de protestation connu sous le nom de « Mouvement de Tianjin », mais qui s’étendit à tout le pays. Il trouve son origine dans la décision du consul de France d’annexer en octobre 1916 le district (quartier) de Laoxikai pour le rattacher à la concession française de Tianjin.

Dans ce quartier, les lazaristes avaient commencé à construire une cathédrale. Le P. Lebbe, par le soutien qu’il apporta au mouvement de protestation (manifestations et grèves), suscita la colère du consul de France et mit le vicaire apostolique, Mgr Dumond, dans l’embarras. En 1917, il fut muté dans le Zhejiang, à plus de 1 000 kilomètres de là puis, à la demande ses supérieurs, dut rentrer en Europe en 1920 pour s’occuper des étudiants chinois. Il reviendra en Chine après les initiatives de Pie XI.

Extrait de "La Longue Marche des catholiques de Chine" de Yves Chiron, publié chez Artège.

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