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Le président américain Joe Biden s'exprime lors d'un point presse sur la création de nouveaux emplois manufacturiers à Washington, le 25 avril 2023.
Le président américain Joe Biden s'exprime lors d'un point presse sur la création de nouveaux emplois manufacturiers à Washington, le 25 avril 2023.
©Jim WATSON / AFP

Maison Blanche

Joe Biden a confirmé mardi par un message vidéo qu’il briguait un second mandat dans le cadre des élections présidentielles américaines de 2024.

André Kaspi

André Kaspi

André Kaspi, est agrégé d'histoire, spécialiste de l'histoire des États-Unis. Il a été professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directeur du Centre de recherches d'histoire nord-américaine (CRHNA). Il a présidé notamment le comité pour l'histoire du CNRS.

 

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Atlantico : Joe Biden est donc officiellement candidat à sa réélection en 2024. Cette candidature témoigne-t-elle d’une forme de faiblesse des Démocrates, incapable de trouver une alternative crédible à un président pourtant âgé ?

André Kaspi : Cette annonce n’est en rien surprenante car Joe Biden avait laissé filtrer la nouvelle depuis plusieurs jours et le débat avait même lieu depuis plusieurs semaines à ce sujet. La principale critique adressée à Joe Biden est effectivement son âge. Pourtant, le bilan de son mandat reste plutôt positif. L’économie américaine est en bonne santé, il a fait voter des lois qui correspondent à 2000 milliards de crédit pour les activités industrielles ou manufacturières. Il conduit de loin la guerre en Ukraine sans que les États-Unis ne soient directement impliqués dans le conflit … Il est extrêmement difficile de trouver des candidats qui puissent s’opposer à lui au sein de son parti. En effet, il n’a pas de concurrent chez les Démocrates, mis à part peut-être le fils de Robert Kennedy, même si cette candidature est anecdotique et ne correspond pas à une réalité politique. 

Le revenu personnel réel (corrigé de l'inflation) par habitant est plus élevé qu'il ne l'était lorsque M. Biden a pris ses fonctions. Quel est le bilan économique de Joe Biden ?

L’économie américaine ne se porte pas si mal et, comme je le mentionnais précédemment, le Congrès a voté à la demande du président des crédits importants pour soutenir l’économie. Le seul point noir reste l’inflation, qui est relativement importante. Le taux de chômage reste stable, à 3,5%. Le bilan environnemental n’est pas négligeable non plus, même s’il pourrait être amélioré. Sur le plan de la politique étrangère, les États-Unis restent la puissance la plus importante dans le monde, même si la Chine se trouve menaçante et devient un véritable concurrent géo-stratégique et commercial. 

Selon une étude du Pentagone, 77 % des jeunes Américains sont trop gros, trop malades mentalement, ou trop drogués pour s'engager dans l'armée. Un Américain sur 25 âgé de cinq ans aujourd'hui n'atteindra pas son quarantième anniversaire. Est-ce le plus gros chantier des Etats-Unis ? 

C’est un très gros chantier pour les États-Unis. Pourtant, à mon sens, cela ne relève pas vraiment de Joe Biden. Quel que soit le président, il y aura toujours des gens qui ne voudront pas se donner à la défense nationale et Joe Biden ne peut pas y faire grand chose. En revanche, on peut reprocher à Biden de ne pas stopper l’immigration illégale. Ainsi, l’une de ses premières mesures est d’avoir supprimé les crédits votés par Donald Trump pour la construction du mur entre les États-Unis et le Mexique. Cette immigration illégale est intrinsèquement liée au problème de la drogue puisque les immigrants illégaux passent souvent la frontière chargés de stupéfiants, ce qui est un élément déterminant dans la santé des américains. 

Après une visite à Kiev pour soutenir Volodymyr Zelensky et l’Ukraine, Joe Biden a rencontré le groupe des « Neuf de Bucarest » et le secrétaire général de l'Otan à Varsovie, pour conclure sa tournée en Ukraine puis en Pologne. Après un début de mandat compliqué avec le retrait des troupes américaines en Afghanistan, la guerre en Ukraine change-t-elle la donne pour Joe Biden ? Joe Bien est-il en train de devenir un autre président (via notamment son action récente en faveur de l’Ukraine) ? Qu’est-ce qui a pu pousser à ce changement et à cette évolution ?

Les grands présidents laissent toujours leur empreinte, notamment dans l’histoire des relations internationales. La visite de John F. Kennedy, puis celle de Ronald Reagan à Berlin, celle de Richard Nixon à Pékin ont marqué l’histoire du XXème siècle, sans oublier, dans un lointain passé, Woodrow Wilson à Paris et Franklin Roosevelt à Yalta. Joe Biden vient, à son tour, d’accomplir un exploit en ne ménageant pas sa peine pour rendre visite à Volodymyr Zelensky. Est-ce à dire que les Américains sont sensibles à cette démarche, à fois médiatique et politique ? Oui, sans aucun doute, même si, en règle générale, ils n’accordent pas une attention prioritaire aux relations internationales.

Joe Biden a voulu montrer sa détermination face à l’agression russe, son soutien à l’Ukraine et sa volonté de défendre « le monde libre ».

La position de Joe Biden en Ukraine est beaucoup plus engagée par rapport au rôle des Etats-Unis lors du retrait des troupes en Afghanistan. Qu’est-ce qui pourrait expliquer ce changement ? Est-ce la volonté de Joe Biden ou assiste-t-on à une nouvelle stratégie déployée par les conseillers de la Maison Blanche ?

La « débandade » d’Afghanistan a été un épisode plus que pénible pour le président des Etats-Unis. L’aide politique et matérielle à l’Ukraine, c’est le retour des Etats-Unis. C’est aussi leur volonté de montrer qu’en s’opposant à la Russie, ils n’oublient pas le troisième Grand, en l’occurrence la Chine qui occupe une place grandissante dans les relations internationales. Y compris dans la guerre d’Ukraine. Les Chinois aident les Russes, dans une certaine mesure. Ils viennent aussi de proposer un plan de paix. Joe Biden, et ses conseillers parmi lesquels le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, tient une place primordiale, n’oublient pas la Chine. En prenant position contre la Russie, ils rappellent à Pékin qu’ils défendront Taïwan, si jamais Pékin tentait de s’en emparer.

Incontestablement, Joe Biden a démontré qu’à ses yeux, l’Europe tient une place essentielle dans le monde, que les Etats-Unis doivent y être présents, non seulement sur le plan économique, mais aussi en participant à sa défense. L’OTAN reprend des couleurs – des couleurs qu’on pourrait qualifier de polonaises. En un certain sens, Joe Biden met en pratique son slogan électoral : America is back. Ce qui n’empêche pas les Etats-Unis de ne pas oublier l’Afrique, l’Iran, l’Amérique latine ou la Corée du Nord.

Quelles sont les conséquences pour 2024 de ce réajustement et de ce positionnement de Joe Biden vis-à-vis de l’Ukraine et sur le plan diplomatique lors de sa tournée en Europe de l’Est ? Joe Biden a-t-il gagné en crédibilité sur la scène internationale pour 2024 suite à son intervention et ses récentes visites en Europe de l’Est ?

Si la stratégie de Joe Biden donne des résultats positifs, le président pourrait bien être réélu – en dépit de son âge qui, malgré tout, reste un handicap. Mais il ne faut pas oublier que dans la prochaine campagne électorale, il devra affronter un concurrent républicain (Donald Trump ou Ron DeSantis), répondre aux préoccupations de ses compatriotes, qu’elles soient économiques, sociales ou culturelles. Il affrontera une forte opposition. L’Ukraine sera-t-elle au centre du débat ? Quels bénéfices tirera Joe Biden du soutien qu’il lui manifeste ?

En définitive, le bilan de Joe Biden lui est-il favorable ? Peut-elle lui laisser espérer une réélection ?

Le bilan de Joe Biden est effectivement favorable. Le point le plus difficile à admettre est son âge, puisqu’il aura 82 ans en 2024. De nombreux observateurs s’inquiètent de cela, même si de nombreux personnages célèbres ont été élus ou réélus à un âge avancé. De plus, les Démocrates n’ont encore une fois personne à présenter. 

Joe Biden peut effectivement espérer être réélu, surtout si le candidat Républicain est Donald Trump. Ce potentiel match revanche commence à beaucoup fatiguer les américains, même si Trump conserve une large popularité. Ron DeSantis est également pressenti pour les prochaines élections présidentielles mais sa popularité est en dents de scie et elle est actuellement au plus bas suite à l’inculpation de Donald Trump. Cela peut paraître paradoxal mais certains Républicains considèrent que la candidature de Ron DeSantis est moins importante que celle de Trump. Ces derniers ont bien d’autres candidats, comme l’ancienne gouverneur de la Caroline du Sud, Nikki Haley, qui pourrait tenir une place importante dans le débat. Il ne faut pas oublier que les élections auront lieu dans 18 mois, il peut encore se passer de nombreuses choses dans cet espace de temps.

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