Vers une crise des missiles iraniens au Venezuela ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président iranien Ahmadinejad et le président vénézuélien Chavez, lors d'une réunion officielle à Téhéran
Le président iranien Ahmadinejad et le président vénézuélien Chavez, lors d'une réunion officielle à Téhéran
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Chiffon rouge

Barack Obama réagira-t-il ? Un accord entre l'Iran et le Venezuela prévoit l'installation par les premiers d'une base de lancement de missiles sur le territoire des seconds.

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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Il est des décisions politiques dont seul le timing leur confère un sens. L’accord passé tout récemment entre l’Iran et le Venezuela, en vue de l’installation d’une base de lancement de missiles financée, dirigée et entretenue par le premier sur le territoire du second, fait partie de ce type de décisions.

La nouvelle, dévoilée par le quotidien allemand Die Welt, la tenant lui-même de sources américaines, n’a pas été confirmée par les parties directement concernées. Mais elle n’a pas été démentie non plus. Elle serait en tout cas la suite logique d’une collaboration de plus en plus étroite entre l’Iran et le Venezuela dans les domaines commercial, diplomatique et militaire.

Pour l’Iran, l’initiative s’inscrit dans un contexte d’affaiblissement relatif du régime de ce pays, aux prises avec un mécontentement croissant de la population et avec des fissures ostensibles au sommet du pouvoir. Aussi est-il tentant pour l’Iran de placer quelques pions dissuasifs aux portes des Etats-Unis pour pouvoir notifier à ces derniers : « N’essayez pas de profiter de nos difficultés actuelles, car nous sommes désormais à même de cibler votre sol directement ».

L’installation de la base de missiles peut également jouer le rôle de monnaie d’échange pour les autorités iraniennes, qui par ce biais offriraient aux Etats-Unis la possibilité de les attaquer sur un territoire étranger – ce qui serait moins grave pour elles qu’un bombardement de sites en Iran.

La tentation de la confrontation

Quant au Venezuela, il y a le désir de ce pays d’asseoir son influence régionale. Il y a aussi un parfum de revanche dans cette affaire. Chávez vengerait l’affront subi par son idole Fidel Castro lors de la crise d’Octobre 62 – lorsque des bateaux soviétiques, chargés de missiles pour être installés à Cuba, durent rebrousser chemin sous les menaces du président Kennedy.

Vu de Caracas, les Etats-Unis, déjà présents sur trois théâtres d’opérations et avec une opinion publique fatiguée d’aventures militaires, laisseront faire cette fois-ci. Qui plus est, Chávez pourrait juger qu’il sortirait gagnant dans tous les cas de figure. Voici pourquoi.

L’accord intervient au moment où le président Obama se lance dans une campagne présidentielle qui devrait le pousser à se concentrer sur des thèmes de politique intérieure (chômage, déficit public). Aussi, les stratèges de Chávez peuvent-ils dire qu’Obama n’a pas intérêt à aller jusqu’à la confrontation dans cette période cruciale pour lui.

Chávez pourrait même se croire capable de tirer profit d’une éventuelle attaque américaine. Celle-ci lui permettrait de crier à l’« agression impérialiste » et de prendre cela comme prétexte pour restreindre davantage encore les droits de la presse et de l’opposition avant les élections présidentielles au Venezuela (décembre 2012), voire même pour repousser sine die celles-ci.

Dangereux calculs

Toutefois, pour rationnels qu’ils paraissent, ce genre de calculs s’avèrent souvent trompeurs, car ils tendent à sous-estimer la réaction du camp adverse.

On l’a vu lors de la guerre des Malouines, quand les généraux argentins, désireux de toucher la fibre nationaliste de la population pour consolider leur pouvoir, avaient occupé les îles disputées à l’Angleterre en pensant que la troisième armada du monde ne bougerait pas. Résultat : défaite argentine conduisant au renversement du régime des généraux.

On l’a vu, également, lors de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein, qui, sorti exsangue de sa guerre contre l’Iran, avait choisi de créer une crise pour appeler à l’unité nationale et ainsi garder son emprise sur la population irakienne. Résultat : défaite au Koweït avec la suite que l’on sait.

Certes, à la différence de la guerre des Malouines ou de celle du Koweït, dans le cas qui nous occupe il ne s’agit pas, du moins dans un premier temps, d’envahir un quelconque territoire étranger. Il n’en demeure pas moins que cela constitue une provocation adressée aux Etats-Unis, provocation que le président Obama pourrait être ravi de relever.

En effet, incapable d’étaler des résultats satisfaisants en matière de politique intérieure, et accusé par ses opposants d’être mou face aux ennemis de l’Amérique, Obama pourrait vouloir rehausser son image à moindres frais et se payer les bases iraniennes au Venezuela. Il se présenterait ainsi, auprès du public américain, comme le digne successeur de Kennedy.

Rien de mieux pour faire gagner à Obama les élections présidentielles malgré un bilan chétif sur le plan intérieur. Rien de pire, aussi, pour Hugo Chávez et les ayatollahs de Téhéran, dont la descente aux enfers pourrait alors commencer, à l’instar de ce qui arriva à Saddam Hussein et aux généraux argentins.

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