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Le François Hollande de ces premières 24 heures sera-t-il celui des 5 ans à venir ?
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Premiers pas

François Hollande est devenu ce mardi Président de la République, durant une journée divisée en deux temps : le protocole le matin, les bains de foule l'après-midi. Deux parties qui peuvent laisser entrevoir la façon dont François Hollande mènera sa politique. Car des héros républicains célébrés au premier voyage à l'étranger, en passant par l'absence de parapluie, rien n'est laissé au hasard un jour d'investiture.

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Atlantico : François Hollande est devenu ce mardi officiellement le nouveau Président de la République. Comment l’avez-vous trouvé tout au long de cette journée ?

Christian Delporte : Il y a deux parties dans la cérémonie. Celle du matin, qui correspond au protocole et a été marquée par une vraie sobriété et où il n’y a rien à dire de particulier. Il y a ensuite l’après-midi, à laquelle je crois il tenait beaucoup. Il y a eu les symboles, Jules Ferry et Marie Curie, mais aussi la dimension des bains de foules. Ces trois bains de foule témoignaient d’une volonté de proximité, qu’il ne pouvait pas montrer le matin.

Difficile de dire si cela présage de ce que sera son quinquennat. Aurait-on pu déduire celui de Nicolas Sarkozy de son investiture ? Mais François Hollande a été ce mardi conforme à ce qu’il voulait montrer, c'est-à-dire l’idée d’un président normal, sans fioritures le matin, et proche du peuple l’après-midi. S’il y a deux mots pour résumer la journée en termes d’image, c’est la sobriété dans la manière de gouverner et la volonté pour lui de continuer à être proche des Français.

Le matin a été marqué par la solennité, certains ont aussi vu un manque de courtoisie vis-à-vis de Nicolas Sarkozy, notamment lorsque François Hollande dans son discours d’investiture a vanté le bilan de tous ses prédécesseurs, sauf de Nicolas Sarkozy. Est-ce un élément marquant ?

Personne ne l’a obligé à citer tous ses prédécesseurs. Mais dès l’instant où il le faisait, c’était pour dire des choses aimables : la France modernisée sous Georges Pompidou, l’importance des valeurs de Jacques Chirac… Difficile donc de ne pas citer Nicolas Sarkozy, mais difficile également de montrer quelque chose de positif dans son mandat alors qu’il l’a combattu durant toute la campagne électorale. Je l’ai donc relevé, mais ça ne m’a pas surpris.

La plus grande surprise, pour moi, était la scène des couples, qui était inédite. En principe, la tradition veut que le président raccompagne son prédécesseur. Là, on a eu un petit côté « couples qui échangent leur appartement ». Cette scène là me parait très sarkozienne. Je pense que Nicolas Sarkozy avait dans la tête le départ calamiteux de Valéry Giscard-d’Estaing en 1981, traversant à pied la cour de l’Elysée, et retrouvant sa voiture dehors sous les huées des badauds. Cette fois, il y avait donc dehors des militants UMP, et puis il ne partait pas seul, il partait en couple. Ca a une autre valeur symbolique.

Le protocole est, par définition, très rigide. Y-a-t-il eu néanmoins une touche d’originalité dans la cérémonie ?

Il y a eu une touche « télévision ». Deux scènes n’avaient jamais été vues jusque là. Il y a dans la salle des fêtes la traditionnelle remise du collier de grand maître de l’Ordre de la Légion d’honneur, mais avant il y a une petite scène, que nous n’avions jamais vu à la TV jusque là, de remise des insignes. Cela ce passe dans un petit salon et ça a été filmé pour la première fois en direct.

Une autre scène frappante, c’est qu’avant l’arrivée sur le perron, on ne voyait jamais la scène dans le hall, avant la sortie. Il y a là une forme de spectacularisation de la passation de pouvoir. Je ne sais pas qui l’a souhaitée, sans doute les deux, peut-être par soucis de transparence. En tout cas, c’était nouveau.

Dans ses discours, François Hollande a beaucoup parlé du passé. N’est-ce pas contradictoire pour un Président qui arrive et devrait donc plutôt parler de l’avenir ?

De ce point de vue, c’est une continuité. Les précédents présidents ont fait la même chose. La passation de pouvoir est l’héritage du passé, de la République. On se situe donc dans l’héritage du passé ; c’est pourquoi Nicolas Sarkozy avait choisi la Résistance et François Hollande des symboles républicains comme Jules Ferry, Marie Curie, qui ont à ses yeux de l’importance. D’une certaine manière, le choix de ces symboles – la nation pour Nicolas Sarkozy, l’école laïque et républicaine de Jules Ferry ou la science de Marie Curie pour François Hollande – traduit aussi ce que l’on veut pour l’avenir. En parlant du passé, on parle toujours de l’avenir.

De manière générale, les discours d’investiture, à l’époque de De Gaulle, de Pompidou ou même de Giscard-d’Estaing, étaient des discours assez généraux, sur le cadre général, sur les valeurs, sur le sens de l’élection, sur l’unité des Français… Depuis quelques temps, on est sur des discours qui font émerger des formes de programmes, beaucoup plus concrets.

On imagine que chaque détail compte lors d’une investiture. Quels autres symboles a-t-on vu aujourd’hui ?

Tout est symbole en politique, surtout un jour d’investiture. Choisir une voiture hybride de marque française, par exemple, ça l’est. Sur les Champs-Elysées, en 1974, Valéry Giscard-d’Estaing avait décidé de ne pas prendre un véhicule d’apparat, mais de prendre une voiture simple. Cela voulait dire quelque chose sur la manière dont il voulait gouverner.

L’absence de parapluie était donc aussi préméditée ?

Oui, c’est un vieux symbole qui remonte au 19e siècle. Louis Philippe déjà refusait le parapluie qu’on lui tendait.L’homme politique doit affronter les éléments et se montrer stoïque en toute circonstance. Les hommes politiques, sous la 3e République, étaient en carrosse ou en calèche, et parfois il pleuvait (rires). C’est une façon de se montrer : le chef d’Etat se montre et il ne le peut pas dans une voiture, il doit être dehors.

Il y a eu une autre scène, lorsqu’il est revenu à l’Elysée : il pleuvait encore un petit peu et un huissier lui a tendu un parapluie. Il l’a repoussé pour parler aux journalistes. C’est une manière de montrer que la pluie ne gâchera pas la fête.

Le premier voyage à l’étranger du nouveau Président a été fait dans la foulée. Il a choisi l’Allemagne. Comment analyser ce choix ?

C’est un symbole. On savait qu’il ne s’y passerait pas grand-chose : ce n’était pas un moment pour négocier mais un premier contact. Ce symbole dépasse le cadre français, c’était une sorte de message à l’Europe. D’une part c’était un engagement de sa part, et d’autre part il a montré que son premier souci était l’Europe. Il était important pour lui, bien que la journée ait été un peu longue –et risquée, puisqu’il a été foudroyé ! – de monter cette première visite symbolique. Il a fait la conférence de presse au bout d’une heure de rencontre, on savait donc qu’il n’allait pas résoudre les problèmes de croissance dans ce laps ce temps ! C’était simplement un message destiné à l’Europe, aux Français et aux Allemands.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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