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Un homme passe devant un centre de dépistage pour la Covid-19 à Shenzhen, dans le sud-est de la Chine.
Un homme passe devant un centre de dépistage pour la Covid-19 à Shenzhen, dans le sud-est de la Chine.
©Noel Celis / AFP

Impact économique

Les confinements anti Covid décidés par la Chine à Shenzhen, métropole clé des exportations Made in China, pourraient bien avoir des répercussions majeures sur les chaînes de production planétaires.

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën est professeur émérite d'économie à l'Université PSL-Dauphine. Il est spécialiste d’économie internationale et a publié de nombreux ouvrages et articles sur la mondialisation. Il est également l'auteur d'un récit romancé (en trois tomes) autour de l'économiste J.M. Keynes : "Mr Keynes et les extravagants". Site : www.jean-marcsiroen.dauphine.fr

 

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Atlantico : Après avoir constaté quelques dizaines de cas de Covid-19 à Shenzhen et à Shanghai, le gouvernement chinois a décidé d’imposer de très sévères restrictions dans ces deux villes, qui occupent une place prépondérante dans l’économie du pays. Quelle est l’importance de ces deux places dans le commerce mondial ? À quel point un confinement dans cette zone pendant une semaine - ce qui est initialement prévu - va-t-il avoir un impact sur les chaînes de production mondiales ?

Jean-Marc Siroën : Shanghai et Shenzhen sont les deux principaux pôles économiques de la Chine. C'est là que se fabrique la majeure partie des exportations chinoises (environ 15 % du commerce mondial). Ce sont aussi respectivement le premier et le quatrième port du monde. C'est de là que viennent une bonne part des produits "made in China". Néanmoins, si pour l'instant, les ports ne paraissent pas directement concernés par les restrictions, ils le seront indirectement si les conteneurs restent vides.

Alors que l'économie mondiale semblait émerger de la crise du Covid et que les chaînes mondiales de valeur semblaient se rapprocher d'un fonctionnement normal, le rebond épidémique en Chine va de nouveau frapper les produits intermédiaires et finaux alors même que la guerre en Ukraine frappe, en amont, les matières premières. Le rebond économique que nous avons connu en 2021 a donc toutes les chances de s'interrompre.

Quels types de produits pourraient être impactés par cette décision ? Certaines marques ou certains secteurs risquent-ils d’être particulièrement handicapés par ce confinement ? On entend dire qu’Apple pourrait être particulièrement touché, pourquoi ? Y a-t-il d’autres exemples ?

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Shenzhen est emblématique de la stratégie de croissance chinoise voulue par Deng Xiaoping à la fin des années 1970 (la ville ne comptait alors que quelques milliers d'habitants, 17 millions aujourd'hui !) : création d'une vaste "zone franche d'exportation" (dite "zone spéciale" dans le vocabulaire chinois) offrant aux firmes étrangères des avantages (douaniers, fiscaux, réglementaires, etc.), des infrastructures et une main-d’œuvre bon marché. Celles-ci, qu'elles soient américaines, japonaises, coréennes, taïwanaises ou européennes s'y sont massivement installées afin de produire des biens explicitement destinés à l'exportation. La ville-zone s'est ainsi spécialisée dans les activités d'assemblage qui exigent une main-d’œuvre abondante et qui se situent au stade final du processus de production. La figure emblématique est la firme taïwanaise Foxconn, géant de la sous-traitance mondiale, qui assemble à Shenzhen une bonne partie des produits électroniques du monde, smartphones, ordinateurs etc. Apple est certes un des gros clients, mais aussi la plupart de ses concurrents américains, japonais ou coréens. En fait les smartphones Apple, Samsung ou Huawei sortent des mêmes chaînes d'assemblage, parfois avec les mêmes composants ! Avec le confinement, leur production va donc être ralentie.

Dans les années 2010, la zone s'est diversifiée. Elle produit maintenant des automobiles, des batteries pour voitures électriques, des composants électroniques, des secteurs qui ont déjà été particulièrement perturbés par la crise du Covid. Ainsi, la pénurie d'automobiles et de produits électroniques risque de s'aggraver car non seulement leur production va se ralentir, mais aussi la disponibilité de leurs composants. Il suffit qu'un seul manque pour que tout soit bloqué.

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Si comme annoncées, les mesures de confinement ou de restriction ne durent qu'une semaine et ne s'imposent pas aux ports, les dégâts seront limités. Mais si la Chine persiste dans sa stratégie de zéro Covid qui, comme à Shenzhen, revient à confiner dix-sept millions d'habitants pour… 66 cas, on peut craindre que la plus grande contagiosité des variants du virus les condamne à multiplier les restrictions… à moins que, comme l'on fait les autres pays "zéro covid", la Chine se résigne à abandonner une stratégie devenue intenable. Mais je ne suis pas certain que le Président Xi Jinping accepte aisément le constat d'échec d'une politique qui, jusque-là, il faut le reconnaître, lui avait plutôt bien réussi.

Ce confinement sur ce hub important du commerce mondial va-t-il aussi avoir des conséquences sur le prix des produits ? De quelle ampleur ?

Les économistes et les banques centrales ont beaucoup trop tardé à reconnaître que puisque la production baisserait davantage que la demande, les pénuries conduiraient à des hausses des prix qui risquaient d'amorcer un processus inflationniste durable. Il faut ajouter à cela la colossale création de monnaie par les banques centrales qui crée un terreau favorable à l'inflation. La situation en Chine, associée à la hausse du prix des matières premières amplifiée par la guerre en Ukraine, va entretenir cette insuffisance de l'offre et accroître les coûts de production avec une répercussion plus ou moins retardée sur le prix des biens finaux. L'inflation, en se prolongeant bien au-delà de ce que la plupart des économistes et des banquiers attendaient, risque bien d'enclencher une boucle prix-salaire. Il deviendrait alors quasiment impossible d'éviter une inflation durable d'autant plus que les banques centrales rechignent à une hausse des taux d'intérêt qui non seulement casserait la reprise, mais risquerait de provoquer une nouvelle crise financière.

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