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Impôts : de l'importance d'évacuer l'obession égalitariste au profit d'un prisme davantage économique
©www.flickr.com/photos/teegardin/

Bonnes feuilles

L'impôt peut-il être juste ? Et peut-il être raisonnable ? La question de la justice fiscale agite la société quand les prélèvements fiscaux et sociaux deviennent si prégnants qu'ils peuvent menacer l'équilibre de la cité et la liberté des citoyens. Mais il ne sert à rien de contester l'importance des charges publiques sans s'interroger sur les raisons qui ont conduit les États à enfler jusqu'à devenir parfois impotents. Extrait de "L'injustice fiscale ou l'abus de bien commun" de Jean-Philippe Delsol, publié aux éditions Desclée de Brouwer 2/2

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol est avocat, essayiste et président de l’IREF, l'Institut de Recherches Economiques et Fiscale. Il est l'auteur de Civilisation et libre arbitre, (Desclée de Brouwer, 2022).

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Bien sûr, il ne s’agit pas de nier les écarts qui existent entre riches et pauvres et l’évolution de tels écarts. À cet égard d’ailleurs, les données recueillies par Piketty sont utiles et intéressantes quand elles ne sont pas tronquées. Mais la question est mal posée parce qu’elle est traduite à des fins partisanes, formulée au travers du prisme d’une obsession égalitariste qui n’a rien à voir avec la science économique. Certes, de trop grands écarts de revenus et de fortune peuvent déstabiliser une société, créer des crispations, des incompréhensions allant parfois jusqu’à la rupture. Certes, la richesse de certains peut être insupportable, vaniteuse, suffisante. Il s’agit moins pourtant de savoir si les écarts sont moralement justifiés ou non, même si une telle question pourrait avoir sa pertinence, que de s’interroger sur l’effet de tels écarts et sur leur impact dans les relations économiques et sociales. 

Or l’histoire montre que dans les sociétés libres et où l’état de droit est respecté, les écarts de fortunes ne s’accroissent pas à l’infini et sont contributeurs d’une croissance plus grande au profit de tous :

• Là où la concurrence joue de manière transparente et spontanée, les entreprises ne peuvent se développer que sous la pression du marché et dans la limite des prix que les compétiteurs sont capables d’offrir. L’initiative de Free en matière de téléphonie mobile a fait baisser tous les prix de ses concurrents… et leurs profits… au profit de tous les consommateurs.

• Là où les marchés financiers sont évolutifs et complexes, les rentiers incapables disparaissent vite de l’écran. Même les placements en bons d’État sont désormais dangereux et il faut être un veilleur vigilant et perspicace pour faire fructifier un patrimoine.

• Là où l’État n’entretient pas artificiellement en vie des entreprises moribondes, n’institue pas des privilèges inutiles et grassement payés, ne peuvent continue de s’enrichir que ceux qui créent des produits ou des services que les consommateurs achètent librement.

• Là où n’existent pas de filets anormalement protecteurs pour les fainéants et autres profiteurs, ceux qui ne travaillent pas ne mangent pas non plus comme le disait déjà saint Paul.

C’est ailleurs, dans les sociétés collectivisées, là où les administrations se sont appropriées la richesse, que celle-ci s’accumule au profit des donneurs de coups de tampons, de ceux dont l’autorisation incongrue est requise et qu’ils monnayent sans vergogne. Elle s’amasse aussi dans ces pays satellites et soutenus par quelques puissances qui y déversent des milliards captés par le filtre des puissances locales et vaniteuses autant que serviles.

Oui, Piketty a raison de penser que des écarts trop importants et injustifiés peuvent être générateurs de déchirures sociales. Mais lorsque la richesse est le fruit du travail, de l’innovation, du service offert sur un marché libre, et lorsque les capitaux accumulés ne peuvent plus guère survivre à ceux qui sont capables de les générer ou de les conserver dans l’intérêt commun, l’argent a moins de risques de susciter la révolution. C’est là où les écarts de fortunes et de revenus sont indus, là où ils sont le produit de régimes politiques pervertis, mafieux, collectivistes… qu’ils sont insupportables. C’est ce que note par exemple Jia Zhangke, le réalisateur du film A touch of sin :

« Le plus grave problème de la Chine actuelle, ce n’est pas l’existence de classes sociales, mais le fait qu’il n’y ait plus de passerelles d’une classe à une autre. Les riches s’allient avec ceux qui ont le pouvoir en les corrompant, ce qui leur permet de contrôler des ressources et d’obtenir à leur tourune position politique. C’est cela qui provoque la colère. »

Là où il y a la liberté d’évoluer, de changer de statut, de catégorie sociale, la possibilité de grimper dans l’échelle des revenus et du patrimoine, la disparité est moins malvécue ; elle est même parfois très bien vécue parce qu’ellepermet de percevoir ce à quoi chacun peut accéder par sesefforts, sa ténacité, son ardeur au travail… ainsi que l’ontobservé de manière très scientifique Michel Forsé, OlivierGalland, Caroline Guibet Lafaye et Maxime Parodi dans leurouvrage préfacé par Raymond Boudon L’Égalité, Une passion française ?

Le marché n’est pas responsable des comportements mauvais des hommes. Tout au contraire, il est le système qui oriente au mieux et malgré tout très imparfaitement les comportements humains dans le sens le meilleur. Comme le disait Churchill de la démocratie, l’économie de marché est sans doute le pire des systèmes « … à l’exception de tous les autres déjà essayés dans le passé. » (Democracy is the worst form of government – except for all those other forms, that have been tried from time to time.) Tout imparfaite qu’elle soit et avec tous les risques qu’elle représente, l’économie de marché est celle qui repose le plus sur la responsabilisation de chacun et donc sur le respect de chacun dans sa dignité d’homme libre, capable de trouver son chemin par ses propres forces, à quelque niveau qu’elles soient. Trop assister les individus les conduit à une nouvelle forme d’esclavage doux et néanmoins tyrannique, à la perte de tout sens de soi-même. C’est aux hommes, et notamment aux plus riches, aux plus doués de savoir, dans les sociétés libres, d’accepter en tant que tels plus de responsabilité vis-à-vis des autres et de l’assumer. À cet égard, l’économie de marché est aussi la moins pire parce qu’elle permet mieux que d’autres à ceux qui ont plus réussi que d’autres, par des dons, par leur participation au développement de nouvelles entreprises créées par d’autres, par leur attention à leur environnement… de prendre en charge leur part de l’imperfection humaine qui fait que certains sont plus démunis et ne savent pas comment sortir de leur état de pauvreté. « Croire en la démocratie, disait Ludwig von Mises, implique que l’on croie d’abord à des choses plus hautes que la démocratie. »

Extrait de "L'injustice fiscale ou l'abus de bien commun" de Jean-Philippe Delsol, publié aux éditions Desclée de Brouwer, 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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