Immobilier : le boom post-Covid auquel personne ne s’attendait vraiment<!-- --> | Atlantico.fr
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Un ouvrier sur un site de construction, à Wuhan (Chine).
Un ouvrier sur un site de construction, à Wuhan (Chine).
©STR / AFP

Phénomène mondial

Dans de nombreux pays, les prix de l'immobilier montent en flèche depuis le début de la crise sanitaire. Contrairement à la crise de 2008 qui était centrée sur l'immobilier, ce secteur bénéficie cette fois de nombreux éléments favorables : essor du télétravail, recherche de grands espaces, mais aussi taux d'intérêts très bas et réserves monétaires excédentaires.

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : Dans de nombreux pays du monde (Nouvelle Zélande, Etats-Unis, Allemagne, Chine, Pérou…), les prix de l’immobilier montent en flèche alors que la situation sanitaire et économique aurait pu présager un effondrement des prix comme en 2008. Comment expliquer que ça n’est pas arrivé ?

Rémi Bourgeot : Les prix de l’immobilier ont augmenté de près de 7% entre le dernier trimestre de 2019 et celui de 2020 dans les pays développés. La crise de 2008 se concentrait précisément sur le marché immobilier et les pyramides financières qui s’étaient construites sur la base de la bulle immobilière, en particulier aux Etats-Unis. La Fed avait remonté les taux peu avant la crise financière. On avait alors une crise monumentale centré sur l’immobilier avec une réunion de tous les ingrédients financiers, économiques et monétaires possibles.

La situation actuelle est évidemment différente, et pire en réalité. Certains éléments structurels comme la recherche de logements favorables au télétravail et offrant un espace de liberté personnel ont certes orienté les prix à la hausse, de façon en réalité très inégale, pour un certain nombre de biens immobiliers, notamment les maisons moyennement éloignées des centres-villes. Cependant il faut surtout voir la composante monétaire de cette nouvelle phase de la bulle immobilière. Un peu partout, la réponse à la crise a reposé sur un océan de liquidités déversées par les banques centrales sur les marchés, assurant des taux d’intérêts extrêmement bas et des réserves excédentaires monumentales pour les banques. De la même façon, on a constaté que, sur la base de ce paradigme monétaire né de la crise financière mondiale avec le quantitative easing, on pouvait connaître une combinaison de cataclysme économique et d’euphorie boursière.

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Il ne s’agit pas de renoncer à la relance monétaire ni au soutien aux budgets publics pour la relance. Au contraire, des outils moins nocifs et bien plus directs et efficaces s’offrent aux banques centrales, notamment grâce aux projets de monnaies digitales publiques. Il semble néanmoins qu’elles soient plutôt tentées de poursuivre sur la base du statu quo reposant sur des bulles financières et immobilières, sans se soucier suffisamment de la déconnexion avec l’économie réelle et des jeunes générations.

Qu’est-ce que ce boom de l’immobilier nous apprend de l’économie post-covid ? Est-il lié aux plans de relance et politiques monétaires mises en place ?

Si les plans d’injections monétaires illimitées sont au cœur de cette nouvelle phase de la bulle immobilière, la relance budgétaire a surtout servi à préserver un certain pouvoir d’achat et la solvabilité de nombreux individus et d’entreprises de toute taille. Sans relance budgétaire on n’aurait pas de bulle immobilière, mais on aurait évidemment une dépression sans fin. La politique monétaire a servi dans de nombreux pays à financer ces plans de relance budgétaire. Mais on peut craindre qu’il n’existe, en Europe en particulier, une croyance étrange en la vertu intrinsèque des programmes monétaires de type QE, sur la base de conceptions théoriques bancales et d’un manque de détermination politique sur le plan budgétaire. Les plans de relance ont été de natures et de montants très divers selon les pays et l’on voit l’écart se creuser à cet égard entre les Etats-Unis et l’Europe.

Si l’on évoque l’économie post-covid, la faille béante de cette logique de relance est à trouver du côté des jeunes générations privées de perspectives d’insertion et de stabilité. De ce point de vue, la bulle immobilière est désastreuse en ajoutant à ces difficultés, en plus de détourner l’épargne de l’investissement productif en le neutralisant dans la pierre. On voit émerger une économie post-covid encore plus instable que celle déjà très déséquilibrée, notamment sur le plan générationnel, qui avait émergé de la crise financière mondiale.

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Ce phénomène est-il révélateur de l’évolution des inégalités ? En termes d’accès au logement notamment ?

La bulle immobilière est un facteur d’inégalité considérable, en particulier entre générations. Le fait que ces bulles soient entretenues par des institutions publiques comme les banques centrales, sans clarté stratégique ni débat contradictoire sérieux, pose un important problème politique. En particulier pour les pays comme la France, qui négligent le cœur des questions de rattrapage technologique et qui pratiquent la relégation des jeunes générations et des scientifiques de façon incontrôlée, le décalage entre une euphorie financière centrée sur les baby-boomers et la dynamique d’affaissement industriel promet un enlisement redoutable.

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