Hollande, président des “sans-dents” : comment Valérie Trierweiler aura achevé le président normal aussi certainement qu’une soirée au Fouquet’s<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande appelerait les pauvres les “sans-dents”.
François Hollande appelerait les pauvres les “sans-dents”.
©Reuters

François les dents d'or

Le livre de Valérie Trierweiler n'est pas tendre avec François Hollande. En plus de rajouter un peu plus à sa mauvaise image personnelle, il lève aussi le voile sur ce dont est représentatif le président : une gauche totalement déconnectée des classes populaires.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Hervé  Joly

Hervé Joly

Hervé Joly historien et sociologue, est directeur de recherche au CNRS, laboratoire Triangle, université de Lyon. En 2013, il a publié Diriger une grande entreprise au XXe siècle : l'élite industrielle française (Tours, Presses universitaires François-Rabelais). Son dernier ouvrage : Les Gillet de Lyon. Fortunes d’une grande dynastie industrielle. 1838-2015 (Genève, Droz, 2015)

 
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  • Le livre de Valérie Trierweiler "Merci pour ce moment", en donnant une image détéstable de François Hollande, va contribuer un peu plus au discrédit de ce dernier.
  • Le portrait qui transparaît dans ces pages n'est pas que celui de François Hollande, mais également celui d'une élite de gauche qui rejette en façade le conservatisme, mais qui est dans les faits coupée du peuple et incapable de comprendre ses préoccupation.
  • Le concept de "Président normal" était biaisé depuis le début : le livre en apporte une illustration flagrante, et ne fait que couronner une succession d'événements ayant commencé dès le début du quinquennat.

Atlantico : Méprisant envers les pauvres, goujat et d'un caractère glacial, le livre de Valérie Trierweiler semble ne pas manquer de reproches à l'égard de François Hollande. Comment le contenu de ce livre – et la médiatisation qui en est déjà faite – peuvent-ils contribuer à enfoncer un peu plus François Hollande ?

Christophe Bouillaud : Au-delà du contenu exact de cet ouvrage qu’il ne m’est pas donné de connaître au moment où je vous réponds, il faut bien constater que cet épisode de la publication d’un livre accusateur de  la part de Valérie Trierweiler, une journaliste de profession par ailleurs, s’inscrit dans un contraste saisissant avec la prétention de F. Hollande lors de la campagne électorale de 2012 à incarner le "président normal" en contraste avec un Nicolas Sarkozy accablé à gauche et sans doute au-delà de tous les défauts moraux possibles. On se rappellera bien sûr des anaphores ("Moi Président…"),  qui résumaient fort habilement cette ligne d’attaque contre les défauts attribués à N. Sarkozy lors d’un débat entre les deux finalistes de 2012. D’évidence, le mot de "normal" a alors été compris par les Français comme une promesse, d’une part, de gouverner avec sagesse et prudence, et, d’autre part, d’avoir un comportement, y compris dans sa vie privée, irréprochable. Cette normalité-là semble hors d’atteinte actuellement pour F. Hollande, au moins sur le plan de la vie privée. La frontière vie privée/vie publique des hommes et femmes politiques avaient déjà cédé lors du septennat de N. Sarkozy, elle devient complètement inexistante, or F. Hollande n’a sans doute pas été préparé à cela par sa longue expérience de la vie politique à un moment (les années 1980-90) où les règles étaient différentes. Au-delà de ces considérations générales, il me semble que ces "révélations" avec des immenses guillemets à ce terme ne feront que renforcer les convictions des uns et des autres : les électeurs de droite et d’extrême-droite seront sans doute contents de se voir confirmés dans leur vision du personnage, le dernier carré des croyants socialistes-hollandais n’y verront que médisance de la part d’une favorite délaissée, et les électeurs de "la gauche de gauche", comme on dit parfois, trouveront là une preuve supplémentaire de la capacité de F. Hollande à jouer double jeu, à trahir son camp. Chacun va interpréter les faits allégués à sa guise.

André Bercoff : Je trouve qu'avec ce livre Valérie Trierweiler plante un nouveau clou dans le cercueil de la possible reélection de François Hollande. On dit que ce livre n'aura pas beaucoup d'effets sur les courbes de popularité car il traite d'un problème de vie privée et que les Français savent faire la différence : ce n'est pas cela du tout. Le problème c'est le portrait au vitriol qu'elle trace du Président. Et même si Valérie Trierweiler n'est pas elle-même très populaire, dans le le contexte actuel cela ajoutera un caillou supplémentaire à la pierre tombale. Cela ne peut pas faire du bien même si les gens trouveront qu'elle en fait trop. Ce livre sort à mi-mandat (Cécilia Attias, l'ex-femme de Nicolas Sarkozy avait attendu la fin du mandat), c'est donc un ouvrage politique, qu'on le veuille ou non.

Dans son livre Valérie Trierweiler relate que François Hollande s'amuserait à appeler les pauvres, les "sans dent". Qu'est-ce que cela révèle du rapport que nos élites, composées en grande partie d'énarques comme François Hollande, entretiennent avec le peuple ?

Christophe Bouillaud : Faisons attention que cette supposée façon de F. Hollande de parler des pauvres de manière pour le moins dépréciative – le mot est faible - n’est soutenue pour l’instant que par V. Trierweiler elle-même dans son ouvrage. Sur le plan de l’établissement des faits, c’est sans doute à F. Hollande de décider s’il attaque ou non V. Trierweiler devant les tribunaux pour lui avoir prêté ce genre de propos. Ces derniers seraient évidemment graves s’ils étaient exacts, parce qu’effectivement, en France, la capacité d’assumer des soins dentaires coûteux constitue un marqueur social. Ce qui est malheureusement révélateur pour F. Hollande, c’est qu’aussi bien Florian Philippot du FN que la personne qui tient le compte Twitter d’Attac prennent cette révélation pour argent comptant, comme de nombreux internautes qui réagissent avec le hashtag #sansdents. En somme, en premier lieu, c’est la propension à croire d’emblée véridique un tel propos rapporté  de F. Hollande par une "ex"  qui révèle la distance qui s’est créé avec ce dernier. Par ailleurs, si tels propos avaient été réellement tenus – ce qui je le répète reste à prouver -, cela ne serait qu’un épisode de mépris très ordinaire de ceux qui se croient dominants vis-à-vis de ceux qu’ils dominent. Dans son journal intime, la dernière maîtresse de Benito Mussolini, Clara Petacci, note les propos peu amènes du Duce contre les Italiens incapables de s’élever à la hauteur des projets grandioses que le fascisme a eu pour eux. Ce genre de mépris correspond donc à une déception du chef qui ne trouve pas ses subordonnés à sa hauteur. Plus généralement, les travaux d’histoire politique ont bien montré que les partis politiques, y compris les partis socialistes, se fondent souvent sur du clientélisme, or un "patron" n’a pas nécessairement que de l’amour pour ses "clients", qui peuvent l’énerver par leurs demandes à ses yeux absurdes et pesantes, l’humour par devers soi peut être une façon de diminuer son énervement.

André Bercoff : Sans tomber dans l'antiélitisme primaire, je pense qu'il y effectivement un problème avec l'ENA. Il y a une trentaine d'années, j'ai rencontré Alain Gomez,  lui-même ancien élève de l'ENA. Je lui avais demandé "comment réformer la France ?" Il m'avait répondu "il faut brûler l'ENA. Elle enseigne à des gens de vingt ans de se comporter comme s'ils en avaient cinquante ou soixante." L'ENA reproduit certes un modèle très brillant, mais quand vous en sortez aux meilleures places, votre poste est garanti pour l'éternité… y compris la retraite. Or, il est difficile d'avoir sur le monde de la précarité le même regard que celui que l'on peut avoir sur la haute fonction publique. Même s'il y a des gens très bien à l'ENA, je ne dirais pas qu'ils méprisent le peuple, mais qu’ils ont un mental "d'abrité", ce qui n'aide pas à comprendre certaines réalités. 

Hervé Joly :  Je ne suis pas sûr qu’il faille prendre au pied de la lettre les propos d’une femme inspirée par la déception amoureuse. Elle projette peut-être chez François Hollande ses propres complexes par rapport à ses origines très modestes. Elle n’a pas l’habitude de les mettre en avant à ma connaissance. Elle cultive plutôt un style bourgeois et en prenant le nom, qui sonne plus chic, de son second mari et en le conservant après son divorce, elle s’est symboliquement distancée de ses origines. On connaît par ailleurs l’humour réputé grinçant de François Hollande. Il est facile de nuire à quelqu’un en divulguant des propos prononcés dans un cadre privé. Il n’est pas besoin d’être énarque ou président de la République pour ressentir des décalages sociaux dans son entourage familial et les railler de manière éventuellement méprisante. Cela peut créer des blessures douloureuses dans des couples qui ressortent souvent au moment des ruptures. Tout le monde n’a pas l’occasion de s’en épandre dans un livre tiré à 200 000 exemplaires faisant les bonnes feuilles de son employeur Paris-Match.

François Hollande ou encore Ségolène Royal sont tous deux issus de familles conservatrices et ont ensuite rejoint les rangs du Parti socialiste. En quoi la description de François Hollande qui ressort de ce livre est-elle révélatrice des membres du PS capable de se révolte uniquement contre leurs pères/leur propre milieu ? Ce problème est-il propre à la gauche ?

Christophe Bouillaud : Il me semble que la révolte contre le père ou le milieu à tonalité psychanalytique n’explique pas grand-chose de la situation actuelle des élites politiques à gauche. Il vaudrait mieux dire que les élites socialistes actuelles, pour beaucoup, ont choisi une carrière professionnelle dans la vie politique, et qu’elles manquent d’évidence des épisodes fondateurs, individuels ou collectifs, qui poussent au nom de la morale, de l’idéal, de l’indignation absolue, quelqu’un dans la vie politique pour des raisons bien éloignées au départ de toute idée de carrière. Il n’y a presque plus personne ou presque parmi les politiques actifs qui se soit engagé en politique à cause de la Résistance ou de la guerre d’Algérie. La fin des années 1960-début des années 1970 semble le dernier moment de tensions politiques telles qu’elles aient produit en France des "politiciens malgré eux". Cette caractéristique n’est pas propre à la gauche, elle se retrouve aussi à droite et au centre, voire à l’extrême droite.

André Bercoff : Je ne dirais pas cela comme ça. Vous savez, la Révolution française a été faite soit par des nobles, soit par des bourgeois. Saint-Just ou Mirabeau ne venaient pas de milieux modestes. Je pense d'ailleurs que beaucoup de personnes issues de milieux conservateurs et bourgois ont envie d'aller à gauche par souci de justice face aux privilèges. Le cliché est loin d'être faux. Le vrai problème se pose quand cette gauche-là se fige. Aujourd'hui on s'extasie que Valls tienne face au Medef le même langage que les socialistes allemands à Bad Godesberg en 1959… au grand dam de la gauche de la gauche. Le problème n'est donc pas l'extraction bourgeoise, mais la crispation autour d'un certain nombre de schémas qui ont explosé avec la mondialisation. Il y a une vraie fossilisation du principal parti de la gauche qui a conduit même les meilleurs à la peur du qu'en-dira-t-on. Ils n'ont pas dépassé les années soixante…Et il ne faut surtout pas dire la réalité : que le Parti socialiste gère le capitalisme depuis trente ans, et que l'on a jamais autant privatisé que sous Lionel Jospin…

Hervé Joly : Il est heureux pour la démocratie qu’il n’y ait pas d’adéquation stricte entre les origines sociales ou la culture familiale d’un individu et son engagement politique personnel. De manière générale, les élites politiques, qu’elles soient de gauche ou de droite, ont des trajectoires sociales, scolaires ou professionnelles qui les mettent en décalage avec le peuple qu’ils vocation à représenter. Si, comme le montrent les récentes déclarations de patrimoine des ministres ou des parlementaires, les élus de droite ont en moyenne des situations sociales plus aisées, les élus de gauche ont peu à voir dans leurs modes de vie et leur culture avec les milieux populaires. Il peut difficilement en être autrement. Les milieux populaires n’auraient eux mêmes pas envie d’être représentés par des gens qui parlent comme eux. Les mouvements progressistes se sont toujours donnés des porte-paroles qui ne ressemblaient pas à ceux qu’ils aspirent à représenter. Jean Jaurès ou Léon Blum n’étaient pas des gens du peuple, et leurs électeurs étaient fiers qu’ils en sachent plus qu’eux. Les premiers partis socialistes avaient bien essayé vers 1900 de présenter des candidats authentiquement ouvriers. Mais ceux-ci étaient souvent très mal à l’aise dans les joutes électorales ou parlementaires, et desservaient leur cause. Le parti communiste a réussi ensuite, grâce à une politique très ambitieuse de formation interne, à promouvoir de tels profils militants, mais il en a fait des apparatchiks sans aucune autonomie politique, dans la mesure où ils lui devaient tout.

Au lendemain de l'élection de François Hollande lorsque Valérie Trierweiler envoyait un tweet de soutien au dissident PS, Olivier Falorni, au moment des élections législatives. Depuis n'a-t-on pas assisté à une lente déroute d'un président qui se voulait normal ? 

Christophe Bouillaud : Le moins que l’on puisse dire, c’est que la vie privée du Président n’a pas été très bien gérée du point des reflets médiatiques que les Français ont pu en avoir. La chute dans le marivaudage que cela a impliqué dès les premiers temps de sa Présidence ne fut pas du meilleur effet quand F. Hollande a voulu construire son autorité. La séparation pour le moins digne d’une pièce de boulevard d’avec V. Trierweiler ne fut pas très réussie non plus, et là nous sommes au nouvel épisode. Je ne suis pas très partisan de la théorie selon laquelle le "story-telling" constituerait désormais l’arme ultime des hommes et femmes politiques pour entretenir les masses dans leurs illusions, le cas de F. Hollande qui ne semble pas maîtriser grand-chose sur ce plan des récits qui se développent à son égard me parait une belle illustration de l’absence de la pertinence de cette théorie : parfois, même un politicien chevronné ne sait pas maîtriser les récits que les médias font de lui.

André Bercoff : Le "président normal" a rapidement explosé. Mais de toute façon il n'y a jamais de présidents normaux. Est-ce que Churchill ou De Gaulle étaient "normaux" ? Le slogan était grotesque quand il a été énoncé.

Hervé Joly : La déroute électorale et sondagière du président doit peu à ses aventures conjugales. Les Français se sont entre-temps habitués à l’instabilité sentimentale de leurs présidents. Les déboires de François Hollande sont dus seulement au décalage qui existe entre le discours habituellement tenu par le parti socialiste dans l’opposition et son exercice du pouvoir. Sous peine de faire le même score que Manuel Valls aux primaires, François Hollande avait besoin de faire une campagne en phase avec les attentes des militants et des électeurs de gauche. Il a eu le mérite, à la différence de François Mitterrand, de ne pas attendre deux ans pour changer de politique. Mais il reste dans une inévitable contradiction entre ses paroles et ses actes qui ne lui permet pas d’assumer véritablement la politique qu’il mène, et qui risque même demain de l’empêcher de pouvoir tirer tous les bénéfices de son éventuelle réussite.

Quelles en sont les conséquences politiques ?

Christophe Bouillaud : Faut-il rappeler ici que les élections municipales et européennes de 2014 ont été toutes deux des déroutes pour le parti du président, le Parti socialiste ? Faut-il rappeler le niveau de popularité de F. Hollande selon les sondages disponibles ? Faut-il rappeler le rétrécissement de la majorité politique de F. Hollande depuis son élection ? Si bien sûr F. Hollande ne peut être tenu pour seul responsable de tout cela, il y est pour beaucoup.

André Bercoff : Le roi est nu ! François Hollande n'est plus écouté, et il n'est plus écoutable y compris dans son propre camp. C'est comme si vous aviez un cône de sable qui s'écroulerait au moindre grain qui se rajouterait. Je ne sais pas si le livre de Valérie Trierweiler sera ce grain de trop mais on voit bien que François Hollande qui dit pourtant des choses souvent intelligentes sur les réformes à faire n'a plus l'écoute de personne. Cela va être difficilement rattrappable.

De par la position qu'elle affiche la gauche PS n'occupe-t-elle pas la position la plus intenable : se voulant proche du peuple alors qu'elle est déconnectée sociologiquement de leurs préoccupations ?

Christophe Bouillaud : En tout cas, du point de vue strictement électoral, la séquence 2012-14 représente effectivement une débâcle majeure pour le PS, et celle-ci résulte en très grande partie d’une déception au sein d’une bonne part du "peuple de gauche", en particulier de son aile la plus populaire (ouvriers, employés). Il est certain qu’en ne prenant pas la montée du chômage vraiment au sérieux – qui touche prioritairement ces groupes sociaux, en ne comprenant pas non plus que le pouvoir d’achat – en particulier le coût du logement - était un problème bien réel pour ces mêmes groupes et en donnant la priorité sur tout le reste à la grande politique européenne (austérité, maintien de la zone Euro), F. Hollande et son parti ont complètement raté ces deux années du point de cet électorat populaire. Le PS n’est pas le seul à être déconnecté sociologiquement, à mon avis la droite républicaine et le centre le sont aussi. Ils ne veulent pas comprendre non plus que le chômage est vraiment le problème central de notre société. En fait, tous les partis de gouvernement acceptent le chômage, parce que  le gros de leurs cadres et militants ne sont pas concernés, car ils n’appartiennent pas à ces milieux populaires, et parce que la vulgate économique actuelle considère que le plein emploi est devenue un objectif inaccessible dans un pays comme la France. La dernière remarque de François Rebsamen sur le contrôle des chômeurs à renforcer montre bien qu’il ne veut pas comprendre que le chômage de masse possède des causes qui vont bien au-delà des individus concernés directement.  Il nie ainsi en fait le terme même de chômage : privation involontaire d’emploi à raison du contexte économique.

André Bercoff :Bien sûr et cela me fait penser à la fameuse analyse du think tank Terra Nova il y a quelques années expliquant qu'il fallait se détourner des ouvriers et du petit peuple pour se concentrer sur les jeunes issus de l’immigration et les "bobos". Le PS en 2012 était l'alliance de ces deux catégories d'ailleurs, et on sait très bien où sont passés une bonne partie des ouvriers et des classes habitant les zones périurbaines. Et ils sont encore des millions. La gauche s'en est complètement détournée en considérant que ce sont des "beaufs" et des "Dupont Lajoie". C'est un autre aspect capital de cette fossilisation que j'évoque justement. 

Hervé Joly : Je ne crois que les élus soient nécessairement déconnectés des préoccupations du peuple. Ils les connaissent même mieux que d’autres, pour y être confrontés dans leurs permanences ou sur le terrain. Leur problème est qu’ils n’ont pas les moyens politiques d’y répondre, en particulier les élus de gauche qui, dans la logique de la concurrence électorale, sont amenés, pour se démarquer de leurs adversaires conservateurs, à adopter des positions hostiles aux lois du marché. Une fois arrivés au pouvoir, ils sont bien obligés de s’inscrire dans cette économie de marché, sauf à devoir élever des barrières aux frontières comme en 1983, lorsque le gouvernement Mauroy avait dû, pour limiter le déficit de la balance des paiements, interdire aux Français de dépenser plus de 2 000 F lors de leurs voyages à l’étranger. Le défi de la gauche dans les prochaines années est d’arriver à mettre son discours en adéquation avec sa pratique gouvernementale, en montrant qu’une politique sociale-démocrate ou sociale-libérale assumée comporte une dimension sociale qui mérite d’être prise au sérieux, et qui suffit à se démarquer électoralement de la politique menée par ses adversaires libéraux.

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