Hollande, le président qui n’est jamais parvenu à en être un<!-- --> | Atlantico.fr
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Le comportement de François Hollande semble plus proche d'un premier secrétaire du parti que celui d'un président de la République.
Le comportement de François Hollande semble plus proche d'un premier secrétaire du parti que celui d'un président de la République.
©Reuters

Un costume trop grand

Fragilisé par les élections départementales, François Hollande s'efforce à grand renfort de concertations de minimiser l'opposition qui couve dans son camp, à l'approche du congrès du PS au mois de juin. Un comportement plus proche de celui d'un premier secrétaire du parti que d'un président de la République.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Atlantico : A-t-on déjà vu de telles dissidences au sein d’une majorité sous d’autres présidences ? Qu’est-ce que cela nous dit de la difficulté que rencontre Hollande pour habiter la fonction présidentielle ?

André Bercoff :  Du strict point de vue de la dissidence, l’on a connu quelques figures de ballet nettement plus dures au sein d’une majorité présidentielle. Quand Chirac en 1976, lance à Giscard : "Je suis venu te dire que je m’en vais", il commençait à préparer la défaite annoncée de celui qu’il avait grandement contribué à couronner. Sous Mitterrand, la fronde ne pouvait se faire que silencieuse et cachée, et lorsqu’un Rocard crut son heure arrivée, un brutal coup de laisse resserra pour de bon le collier. Sous Chirac, magnifique roi fainéant, il y eut cinq ans de cohabitation suivie par le mini séisme du 21 avril 2002, qui fit du samouraï de Corrèze le cheval blanc de la résistance aux panzerdivisions lepénistes, ce qui lui permit de dormir encore cinq ans. Sarkozy suscita moins d’opposition intérieure que de rejet majoritaire. La difficulté de Hollande ne réside point dans sa propre opposition mais, jusqu’ici, dans le fait qu’il hésite encore à formuler en termes clairs que l’on peut être de gauche et social libéral, alors que les socialistes Allemands ont viré leur cuti depuis près de soixante ans…

Certains observateurs considéraient lors du lancement des opérations au Mali que François Hollande était enfin entré dans l’habit de Président. On a pu penser la même chose à la suite des attentats de janvier, or il n’en est toujours rien. Comment expliquer que ces événements ne l’aient pas consacré président, en plus du titre qu’il a obtenu par l’élection ?

Ce n’est pas une décision, si légitime qu’elle soit, qui consacre un président mais bien une continuité, une cohérence et un cap. Hollande a bien fait de lancer l’opération au Mali, d’envoyer le Charles de Gaulle croiser au Moyen-Orient et d’y maintenir des forces, mais cela ne suffit pas à tracer une politique claire, faute encore une fois de la définir. Outre que les Français ne fondent pas leur adhésion sur la politique étrangère de leurs gouvernants, mais bien sur leur capacité à améliorer leur quotidien. Quant à l’esprit du 11 janvier, c’était une maladresse insigne de le récupérer : les millions d’hommes et de femmes qui ont manifesté dans les rues, ne le faisaient ni pour Hollande, ni pour Sarko, ni pour Le Pen, mais tout simplement parce qu’ils ne pouvaient supporter que la liberté d’expression finisse dans le sang.

Pourquoi est-il important dans la perception collective française que le président de la République passe par une sorte d’acte fondateur lui donnant toute sa légitimité, en plus de celle obtenue dans les urnes ?

Depuis de Gaulle, symbole absolu de l’acte fondateur, il n’y a eu que de la continuité dans les institutions et dans les modes de pouvoirs : ainsi le veut la Vème République. Différences de degrés et non de nature : les foucades socialisantes de Mitterrand et de Hollande se sont très vite fracassées sous les terrifiants pépins de la réalité gestionnaire. Dès lors, communication oblige, on ne constate plus que des actes brefs visant à renforcer l’image. Le pouvoir commente beaucoup plus qu’il n’agit : d’où la désaffection des électeurs.

François Hollande restera-t-il dans l’histoire de la Ve république le président qui n’aura jamais été président, ou bien aura-t-il marqué le début d’un mouvement de désacralisation de la fonction, ou à tout le moins, de perte de gravité ?

La désacralisation a commencé avec Sarkozy, qui a sciemment, à tort ou à raison, voulu se jeter dans la mêlée plutôt que de prendre de la hauteur. Oubliant la communication par le silence chère à Jacques Pilhan, spin doctor de Mitterrand et de Chirac, il vibrionna en tout sens, jusqu’à donner le tournis. Avec la volonté affichée d’une présidence "normale", Hollande acheva la banalisation et l’inéluctable déception. Ne négligeons pas ses talents d’animal politique et son intelligence des situations, mais constatons que jusqu’ici il est plus resté dans la peau de premier secrétaire du PS que dans celle d’un monarque républicain. Le fait qu'il ait laissé à Manuel Valls l’annonce qu’il n’y aurait pas de remaniement, en dit long sur le nouveau partage des pouvoirs. Qui est président ? Qui est premier ministre ? 

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