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In extremis (onction) : Hollande et Valls à la manœuvre pour tenter de réunifier le PS face à la déroute électorale en vue
©Reuters

Au secours, Jaurès, Blum...

Les socialistes ont toujours aimé les bagarres entre chefs de courants. François Mitterrand avait réussi à imposer l’unité du Parti. Depuis quelque temps, les guéguerres ont repris de plus belle. Militants et adhérents ne s’y retrouvent plus. François Hollande a-t-il vraiment conscience de l’ampleur des dégâts ? Avec une défaite annoncée aux élections départementales face au FN et à l’UMP et une présidentielle qui incite au pessimisme, le PS doit faire sa révolution.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Divisé, en état de guéguerre contre François Hollande, incapable d’être en phase avec l’opinion et ses adhérents, le PS aborde dans de très mauvaises conditions les élections départementales des 22 et 29 mars.
  • En interne, François Hollande tente de s'attirer les faveurs des frondeurs, dont une dizaine ont été conviés à l'Elysée mercredi 11 mars pour un apéritif. La rencontre a duré une heure et demie.
  • Manuel Valls a fait meeting commun avec Jérôme Guedj, l'un des frondeurs, lundi 16 mars dans l'Essone. Mercredi il rendait visite à Martine Aubry, plus connue pour ses affinités avec la gauche du PS.
  • Jean-Christophe Cambadélis essaye quant à lui de séduire les écologistes avec un nouveau concept, la "social-écologie".
  • Les clivages et dissensions chez les socialistes ont toujours existé. A dire vrai depuis le congrès de Tours de 1920
  • François Mitterrand, stratège hors pair, avait réussi à recréer l’unité du Parti socialiste. Ce que n’a pas su faire François Hollande
  • S’il veut subsister, le PS doit impérativement choisir entre une ligne sociale-libérale et une ligne social-démocrate…
  • …En fait, la quadrature du cercle : s’il choisit la première, il ne séduira pas la droite et le centre. S’il opte pour la seconde, il ne séduira pas davantage l’extrême gauche.

Regardez ce parti qui se déchire, incapable de faire son unité avec ses frondeurs. Regardez ce parti incapable d’abandonner la ligne marxiste. Incapable de faire son Bad Godesberg, comme l’avait réussi en 1959, le SPD en République fédérale allemande. Désunion, tendances, fractions et, pour tout dire, ligne politique sinusoïdale : tel apparait le parti de Jaurès, Blum et Mitterrand. Au bord de l’implosion. Les adhérents et militants le désertent. La jeunesse ne suit plus. Les intellectuels le fuient. Regardez ce parti appelé à subir une nouvelle défaite face au FN et à l’UMP lors des élections départementales du dimanche 22 mars. Le PS n’a plus de programme. Pas davantage de leader charismatique. Certes, Jean-Christophe Cambadélis est un camarade sympathique, mais sa vision politique ne semble pas aller plus loin que le 10 rue de Solférino. Incapable de jouer les fédérateurs, c’est surtout un apparatchik mâtiné d’étudiant attardé qui fait pâle figure quand on se remémore les grands leaders des Partis socialistes d’Europe : Willy Brandt, Olaf Palme, Tony Blair, François Mitterrand. Si ce dernier a pu l’emporter le 10 mai 1981, c’est parce qu’il proposait un programme précis : nationalisations, pouvoirs accrus donnés aux syndicats, libéralisation des radios, de la télévision, abolition de la peine de mort etc. On pouvait ne pas apprécier, mais l’ambition, l’espoir étaient là. En prime, l’ex-premier secrétaire du PS, stratège hors pair, ne laissait pas son allié principal, le PC, au bord de la route,  mais lui promettait, en cas de victoire, des postes au sein du futur  gouvernement. Avec un secret espoir : qu’il disparaisse peu à peu du paysage politique ! La gauche avait l’impression de revivre le Front populaire de Léon Blum.

François Mitterrand n’est plus là. Les vieux démons - bataille de clans, guéguerre permanente entre camarades - sont entrés à nouveau dans la maison socialiste. Encore que si l’on fait un peu d’histoire, le Parti socialiste, hier la SFIO, n’a cessé de se morceler en tendances, en aile gauche ou aile droite, au gré des évènements politiques. Cela commence avec le congrès de Tours, où une partie… du Parti devient le Parti communiste. Cela se poursuit dans les années 30 où un nombre important d’adhérents de la SFIO forme une opposition virulente à la direction. C’est l’époque où Marceau Pivert, Fred Zeller, futur secrétaire de Trotsky, auxquels s’agrègent les Jeunesses socialistes et la Fédération de la Seine de la SFIO fondent "la Gauche révolutionnaire". Avec le régime de Vichy, le parti, une fois de plus, se fissure. D’un côté, les pacifistes conduits par Paul Faure, auxquels se joint Charles Spinasse, qui choisissent Pétain et Laval, tout comme certains communistes, Jacques Doriot en reste l’exemple type, qui s’en vont du côté de l’extrême droite. N’oublions pas que la Chambre des députés qui a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain a été élue sous le Front populaire. De l’autre côté, on trouve – nettement plus nombreux au sein du parti – des hommes comme Félix Gouin, Pierre Brossolette, André Philip, Daniel Mayer qui choisissent la Résistance. André Philip ira même rejoindre à Londres le Général de Gaulle. A la Libération, la SFIO se retrouve dans le gouvernement provisoire du général de Gaulle…

Mais déjà, la question de la décolonisation - notamment sur l’Algérie - agite et divise les socialistes. On trouve dans ses rangs aussi bien des partisans de l’Algérie française que des adeptes de l’Algérie sinon indépendante, du moins prête à un dialogue avec les futurs leaders historiques de cette indépendance. Que ce soit Ferrat Abbas, premier président de l’Assemblée nationale algérienne en 1962, les frères Ali et Ahmed Boumendjel ou Ahmed Francis. En 1948, c’est d’ailleurs la fraction dure du Parti qui l’emporte, le gouverneur général Yves Chataigneau étant contraint de laisser sa place à Edmond Naegelen, proche de Guy Mollet, qui sera, en 1953, candidat socialiste à la présidence de la République contre René Coty finalement élu. Avec le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958, de nouveaux  clivages apparaissent, une partie de la SFIO acceptant de participer au gouvernement de l’ancien chef de la France libre. C’est le cas de Guy Mollet, secrétaire général de la SFIO dont le général disait : "c’est mon meilleur secrétaire général." Le socialiste Robert Lacoste, ancien résident général en Algérie, se situe sur la même ligne. Les années suivantes persistent les tendances et autres clivages au sein du Parti. Clivages si importants qu’ils opposent ceux qui veulent se rallier au général et ceux qui ne le veulent pas. Tant et si bien que de nombreux socialistes, et non des moindres, au début des années 60, claquent la porte. Que ce soit Robert Verdier, ancien collaborateur de Léon Blum, ex-secrétaire général du parti, Edouard Depreux, ancien ministre de l’Intérieur. Ils fonderont le Parti socialiste autonome (PSA) qui deviendra le Parti socialiste unifié (PSU) d’où émerge un jeune militant plein d’avenir, Michel Rocard. Petit à petit, la SFIO perd de son influence. Certes lors de l’élection présidentielle de 1965 - la première au suffrage universel depuis la réforme de 1962 -  la gauche, grâce à François Mitterrand, retrouve des couleurs. Hélas, quatre ans plus tard,  lors de la seconde élection, c’est la Bérézina pour la SFIO, Gaston Defferre et son "co-listier" Pierre Mendès-France ne recueillant que 5% des voix ! Le PCF, lui, est en plein boom : son candidat, le pittoresque Jacques Duclos dépasse les 20% de suffrages au premier tour. Avec Guy Mollet, la SFIO apparait comme un parti usé. Déconnecté du peuple, comme l’est actuellement le PS. En 1969, Guy Mollet quitte le secrétariat général du parti qu’il dirigeait depuis 1946. Alain Savary, qui est l’opposé de sa ligne, lui succède lors du congrès d’Alfortville de mai 1969. La SFIO est morte. Vive le PS !

Mais déjà, François Mitterrand est de retour. Retour qui connait une apothéose avec le congrès d’Epinay de 1971. Ce congrès est capital, car il marque non seulement l’unité retrouvée du parti mais aussi la rénovation du socialisme. Avec un an plus tard, l’adoption du slogan "changer la vie" et dans la foulée la signature, avec le Parti communiste, du programme commun de gouvernement dont l’architecte n’est autre que François Mitterrand. Cette stratégie s’avère payante pour le PS qui, lors des législatives de mars 1973, devance le PC. Une situation inédite depuis la Libération. Un an plus tard, l’espoir – même si la défaite est là – se concrétise un peu à l’élection présidentielle de mai 1974, puisque Valéry Giscard d’Estaing l’emporte de très peu face à François Mitterrand, candidat unique de la gauche. Cette dynamique se confirme lors des  municipales de 1977. Enfin, le 10 mai 1981 survient la divine surprise : François Mitterrand, symbole de l’unité de la gauche est élu président de la République. Le PC, via quatre de ses membres - mais pas Georges Marchais - entre au gouvernement dirigé par Pierre Mauroy. Au PS, désormais dirigé par Lionel Jospin, on ne bronche pas. L’ombre tutélaire de François Mitterrand se fait sentir. Tout le parti parle d’une seule voix. Aussi, lorsque la rigueur économique est jugée trop forte, on s’en va. C’est ce que fait Jean-Pierre Chevènement qui quitte le gouvernement Mauroy. Galopent les mois. Et avec eux, les affaires qui  commencent à plomber le mitterrandisme. En  mars 1986, le PS en paie le prix : il perd la majorité à l’Assemblée nationale. C’est la première cohabitation avec Jacques Chirac à Matignon. Mitterrand parviendra à remonter la pente, puisqu’il est réélu président de la République en mai 1988. De nouvelles dissensions apparaissent au sein du Parti, notamment en 1990 lors du congrès de Rennes où s’affrontent d’un côté le trio Mauroy-Mermaz-Jospin et de l’autre, Laurent Fabius. Finalement, c’est le maire de Lille qui est réélu à la tête du Parti.

En 1994, initiative apparemment démocratique mais au fond symbole d’un clivage très fort, se déroule la primaire pour désigner le candidat à la candidature pour la présidentielle de 1995. Les militants, par un vote secret, choisissent Lionel Jospin (66% des voix) contre Henri Emmanuelli (34%). Un an plus tard,  Jospin perd la présidentielle face à Jacques Chirac. Bis repetita en 2002. Mais cette fois, l’ancien premier secrétaire du PS ne figure pas au second tour, Jean-Marie Le Pen l’ayant devancé. Chirac est aisément réélu face au FN. Le PS est liquéfié, les militants abasourdis. Que faire pour redonner lustre et espoir au PS, que lui avait inculqué François Mitterrand ? Récurrente  interrogation… avec les sempiternelles réponses. Certains optent pour une ligne "réformiste de gauche", comme le premier secrétaire François Hollande, tandis que d’autres, plus remuants, se rassemblent autour  d’une ligne "Nouveau Parti Socialiste" ( NPS). Parmi ses partisans, figurent Julien Dray, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Vincent Peillon. Selon ces derniers, les choses sont claires : il est hors de question que le PS devienne un parti "social-libéral". Même analyse du côté d’une autre aile gauche - celle représentée par Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon, ancien ministre de la Formation professionnelle de Jospin. Quand on aborde l’Europe, on est tout aussi perdu. Pas de ligne claire. Voilà qui est très embêtant, surtout lorsque les adhérents du Parti se prononcent, le 1 er décembre 2004, à plus de 58% en faveur du traité constitutionnel européen tandis que les ténors de ce même parti Laurent Fabius, Jean-Luc Mélenchon ou Henri Emmanuelli annoncent qu’ils voteront non… Un non, qui l’emportera, le 29 mai 2005,  avec près de 55% des suffrages. Avis divergents sur l’Europe, multiplication des courants, impossibilité quasi ontologique de choisir une ligne claire, montée en puissance de l’extrême gauche : le Parti socialiste en ces années 2005 n’a plus rien à voir avec le Parti ragaillardi par François Mitterrand lors du congrès d’Epinay…

Le Parti s’étiole, les candidats à la présidentielle de mai 2007 piaffent d’impatience. Entre Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius, c’est le trop plein. Pis encore : on n’hésite pas le moment venu, sinon à torpiller, tout du moins à soutenir sans enthousiasme la candidature de Ségolène Royal. Aussi, ce qui devait arriver, arrive : en mai 2007,  cette dernière est battue  par Nicolas Sarkozy au deuxième tour de l’élection présidentielle. La droite reste au pouvoir. On voit quelques  socialistes aspirés par le sarkozysme. Comme Eric Besson, qui sera promu secrétaire d’Etat à l’Economie numérique ou Jean-Marie Bockel, maire de Muhouse, jadis secrétaire d’Etat au Commerce et à l’Artisanat de François Mitterrand. Sarkozy tentera même d’attirer vers lui Julien Dray et même Manuel Valls. En vain. En ces années 2007-2008, le PS n’est pas au mieux de sa forme. C’est le moins qu’on puisse dire. Le pire est à venir. Lors de la préparation du congrès de Reims de novembre 2008, on assiste aux dépôts de six motions dont les animateurs ne cessent de se tirer dans les pattes. Ce désastre connait son apothéose avec les soupçons de triche chez les deux candidates à la tête du Parti : Martine Aubry et Ségolène Royal.  C’est finalement la maire de Lille qui l’emporte. Le PS  apparaît coupé en deux. Aussi est-ce sans surprise que les résultats du parti lors des élections européennes de juin 2009 sont plus que médiocres. Il passe de 31 à 14 sièges au Parlement de Strasbourg, ne récoltant qu’un peu plus de 16% des voix, juste devant la liste Europe Ecologie Les Verts. Voilà qui ne présage rien de bon pour la présidentielle de 2012.

Le PS, à la suite d’une primaire organisée à l’automne 2011, désigne son ancien  premier secrétaire, François Hollande comme candidat à la présidentielle de mai 2012. Sarkozy brigue un second mandat. Mais le Sarkozy de 2012 n’a plus la niaque de 2007. La façon qu’il a eu de désacraliser la fonction présidentielle, sa volonté d’avoir voulu traiter tous les problèmes, ont fait passer au second plan son énergie et sa volonté de réformer le pays. A cela s’est ajouté le temps des affaires qui, sans aucun doute, a pesé sur l’électorat. C’est ainsi que le PS a retrouvé l’Elysée, grâce il est vrai, au soutien de François Bayrou. François Hollande nomme un social-démocrate bon teint, Jean-Marc Ayrault, à Matignon, comme en mai 1981, François Mitterrand avait promu Pierre Mauroy. Le PS a beau détenir, pour la seconde fois depuis 1981, la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il ne parvient pas à être un contre-pouvoir ou une force de proposition pour le gouvernement. Sans doute, la terne personnalité de son premier secrétaire, Harlem Desir, y est-elle pour quelque chose. Quant à Jean-Marc Ayrault, il éprouve beaucoup de mal à s’imposer. Prenant souvent des coups du remuant ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, notamment à l’occasion de l’affaire Arcelor-Mittal où le ministre souhaiterait une nationalisation au moins temporaire de la firme indienne… Pendant ce temps, les résultats économiques ne sont pas à la hauteur des espérances, le chômage ne cessant d’augmenter, la croissance étant toujours absente. Les critiques pleuvent sur Hollande et son Premier ministre. Critiques qui  viennent de leur propre camp et du Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon. De l’UMP. Du Front national. Résultat : le PS prend une claque aux municipales. Hollande change de gouvernement et Manuel Valls, un social-libéral, tendance Tony Blair succède à Ayrault au printemps 2014. A ses côtés, un autre social-libéral, ancien de chez Rothschild, Emmanuel Macron, est promu ministre de l’Economie et des Finances. Avec ces deux-là, adieu la politique sociale-démocrate et même un peu plus. Au grand dam  des francs-tireurs comme Benoît Hamon, Aurélie Filippetti et Arnaud Montebourg qui ont quitté le gouvernement. A ce trio s’ajoutent Laurent Baumel, Pouria Amirshahi, Christian Paul etc. En tout, une petite trentaine, rétifs à la loi Macron… Adoptée grâce à l’article 49.3 de la Constitution. Rome n’est plus dans Rome. Le Parti socialiste s’est converti à l’économie de marché. Pour combien de temps ? Ne serait-il pas temps de débaptiser le Parti de Léon Blum, qui n’est déjà plus celui de François Mitterrand ? Après la défaite aux Européennes de juin 2009,  Manuel Valls  se déclarait partisan de débaptiser le PS. Il le trouvait en "mort clinique". Il avait beaucoup d’avance…

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