Héritage spirituel de Benoît XVI : quel avenir pour l'Eglise ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Ce sont les cardinaux qui éliront le successeur de Benoît XVI.
Ce sont les cardinaux qui éliront le successeur de Benoît XVI.
©Reuters

Et maintenant ?

A 85 ans, le pape renonce à ses fonctions. Joseph Ratzinger passera la main le 28 février à 20h. Pour l'Eglise catholique, une page se tourne.

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
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Atlantico : Le pape Benoit XVI a annoncé lundi matin dans un communiqué sa démission pour le 28 février prochain, après seulement sept ans de pontificat. Quelles sont les conséquences immédiates de cette décision pour l’Église ?

Nicolas Diat : Jusqu'au 28 février, le Pape poursuit ses activités comme il les a toujours menées jusqu'à ce jour. Son agenda reste identique. La vie institutionnelle du Vatican continue. A partir du 28 février, le siège apostolique est vacant et deux hommes vont jouer un rôle important. D'abord, le doyen du Sacré Collège, le cardinal Angelo Sodano, qui est le président du Collège des cardinaux et qui aura pour fonction d'organiser le conclave, notamment les congrégations générales qui précèdent l'entrée en conclave fermé. Le cardinal camerlingue qui est le cardinal Bertone, actuel secrétaire d'Etat de Benoît XVI, devra, quant à lui, vaqué à l'administration courante du Saint-Siège. Le conclave devrait commencer à la mi-mars et "nous aurons un nouveau Pape avant Pâques" comme l' a indiqué le porte-parole du Saint-Siège lundi matin. Benoît XVI a longtemps été présenté comme un pape  "conservateur". Cette image correspondait-elle à la réalité ?

Benoît XVI a longtemps était présenté comme un pape "conservateur". Cette image correspondait-elle à la réalité ?

Benoît XVI était infiniment plus complexe que ce que les médias ont voulu en montrer. On retiendra qu'il a été un très grand professeur, un grand intellectuel, même ses adversaires en conviennent. On retiendra également les polémiques qui ont émaillées le pontificat. Pour Benoit XVI, l'affirmation de la vérité de l'Eglise a toujours été première. Ces polémiques n'étaient pas si négatives pour l'Eglise car elles ouvraient une forme de débat. Benoît XVI était un universitaire extrêmement attaché au débat. Il était finalement plus ouvert au dialogue que son prédécesseur Jean-Paul II. En tant qu'Allemand, Joseph Ratzinger était habitué au dialogue avec les protestants.

Comment doit-on interpréter sa démission brutale ? N'est-ce pas le signe de l'échec de son pontificat ? 

Non, je crois que c'est la décision d'un homme extrêmement libre : tellement libre qu'il n'a jamais craint les polémiques et les tempêtes. Benoît XVI a souvent été dépeint comme un conservateur rigide. Or, je crois que c'était exactement le contraire. Nous en avons l’éclatante démonstration aujourd'hui. Il n'a jamais eu peur de dire ce qu'il considérait comme conforme à la vérité. Il aura 86 ans au mois d'avril. Lorsqu'il a dit lundi matin qu'il n'était plus apte et qu'il sentait ses forces le quitter, je pense qu'il était profondément sincère. Les considérations purement humaines ont également sans doute joué dans sa décision : il ne voulait pas revivre la dureté de ce qu'a vécu Jean-Paul II les derniers mois de sa vie. Mais, entre Jean-Paul II et Benoit XVI, qui a finalement le plus grand sens de la fonction pontificale, qui est fondamentalement d'être, selon l'expression consacrée le "vicaire du Christ sur la terre ", c'est à dire le représentant du Christ ici-bas ?

En revanche, il est évident que Benoît XVI a eu beaucoup da mal à s'entourer. Il paie peut-être aujourd'hui le choix du cardinal Tarcisio Bertone comme secrétaire d'Etat. Le cardinal Bertone était extrêmement généreux humainement, mais manquait de sens politique pour accomplir sa mission. Le rôle du secrétaire d'Etat est de protéger le Pape. Or finalement, c'est souvent Benoît XVI qui a protégé son secrétaire d'Etat. C'est une situation qui était assez intenable. Cette renonciation est peut-être l'aveu d'un problème de gouvernement au Vatican. S'il avait été entouré d'un bon secrétaire d'Etat et avait eu le sentiment que la machine fonctionnait aurait-il démissionné ? Peut-être craint-il de ne plus avoir les ressources nécessaires pour faire les bons choix ?

Son départ semble ouvrir une période d'incertitude pour l'Eglise ...

Benoît XVI ouvre une période unique dans l'Histoire de l'Eglise. On connaît des cas très limités de renonciation d'un Pape à sa fonction, mais jamais sous cette forme là. C'est la première fois qu'un Pape renonce de manière pleine et entière, en étant totalement libre. La comparaison avec le pape Célestin V est assez inopérante. Ce geste est une forme de révolution pour l'Eglise.

Dans quelle direction l'Eglise va-t-elle aller désormais ? Va -t-elle chercher à se moderniser ou va-t-elle poursuivre le virage conservateur dénoncé par certains observateurs ?

L'Eglise va être amenée à une période de réflexion complexe. Une nouvelle fois, dans son Histoire deux fois millénaires, jamais un conclave ne s'était réuni du vivant d'un Pape. D'une certaine façon, Benoit XVI convoque lui-même le conclave ! Généralement, un conclave se réunit après les obsèques d'un Pape. La période de transition qui s'ouvre va être l'occasion de réfléchir à ce qui s'est passé durant ce pontificat et durant le précédent, car les deux sont intimement liés. Je pense que l'annonce de cette renonciation est une très grande surprise pour tous les cardinaux qui sont pris de court. Joseph Ratzinger étant encore présent, ils vont se demander qu'elle serait son choix pour l'avenir de l'Eglise.

Je pense qu'ils ne résonneront pas en terme de clivage "progressiste"/ conservateur. C'est une vision des choses "hors sujet", encore plus aujourd’hui après cette démission fracassante. S'il y a une question nouvelle que fait surgir cette démission c'est celle de la nationalité du Pape : "Européen" ou non "Européen" ? C'est peut-être le moment de tourner la page d'une papauté européenne. Il s'agirait d'une évolution historique, à l'image du dernier consistoire de Benoit XVI, en novembre dernier, où le Pape ne créa aucun nouveaux cardinaux issus du vieux continent.Il s'agirait d'une évolution historique, à l'image du dernier consistoire de Benoit XVI, en novembre dernier, où le Pape ne créa aucun nouveaux cardinaux issus du vieux continent. En Europe, les seuls cardinaux réellement susceptibles de succéder à Benoit XVI sont italiens : le cardinal Angelo Bagnasco, archevêque de Gênes, et le cardinal Angelo Scola, archevêque de Milan. Les deux ont des qualités différentes mais importantes pour l'avenir de l'Eglise.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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